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Il decennio orribile delle Due Sicilie (1850-1860)

Una serie di cinque testi, di cui tre antiborbbonici, che ben rappresentano come il Regno delle Due Sicilie nel decennio 1850-1860 fosse sotto attacco da parte di Inglesi e Francesi. Pressioni di ogni genere, a partire dal dossier fabbricato da Gladstone con l'aiuto di Giacomo Filippo Lacaita da Manduria (lo stesso Lacaita che avrebbe poi fatto da segretario al Gladstone nell'affare delle Isole Ionie nel 1858 e nel 1860 avrebbe impedito che un accordo anglo-francese impedisse il passaggio di Garibaldi in Calabria) si susseguono fino  a culminare nella organizzazzione della spedizione garibaldina.

Un testo che descrive la Napoli italiana.

Zenone di Elea – Marzo 2014


LA VÉRITÉ SUR LES AFFAIRES DE NAPLES

RÉFUTATION DES LETTRES DE M. GLADSTONE

PAR

ALPHONSE BALLEYDIER

PARIS

AU COMPTOUR DES IMPRIMEURS

COMON EDITEUR

QUAI MALAQUAIS N° 15

1851

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LA VÉRITÉ SUR LES AFFAIRES DE NAPLES

RÉFUTATION DES LETTRES DE M. GLADSTONE

Un des hommes les plus considérables du parlement anglais, représentant dans la Chambre des communes l'université d’Oxford, et qui, en qualité de ministre des colonies, a fait partie du cabinet de sir Robert Peel, M. Gladstone vient de publier coup sur coup, deux lettres au sujet des affaires de Naples. Après avoir étudié, dit-il, la situation politique du royaume des Deux—Siciles il raconte et flétrit les prétendues cruautés du gouvernement napolitain; il s’attaque violemment au seul roi qui, véritablement digne de ce nom, n’ait point voulu dans ces derniers temps pactiser avec la révolution; il blâme et condamne l’administration du gouverne ment napolitain, et sa puissante parole retentit avec d’autant plus 1 d’autorité que naguère la politique révolutionnaire de lord Palmerston avait trouvé en lui un rude et implacable adversaire.

Ses assertions récriminatives semblent donc incontestables quand il affirme avoir visité les prisons napolitaines, avoir vu les détenus, avoir examiné les pièces du procès; il n’est pas étonnant alors que les conservateurs anglais l’aient cru sur parole sans examen; il est moins surprenant encore que lord Palmerston, le ministre brouillon et intempérant, se soit empressé d’abriter sous l’autorité d'un témoignage respecté les diatribes et les calomnies que le premier il avait dirigées contre l'auguste personne du souverain des Deux-Siciles et contre son gouvernement. L’occasion était trop favorable pour qu’un homme comme lord Palmerston n’en profitait point. On a donc vu le perfide ministre, reprenant en sous-œuvre les réquisitoires de M. Gladstone contre la politique intérieure de Ferdinand Il, choisir une mémorable séance des Communes pour donner des espérances à la révolution et jeter une menace à l’Europe monarchique.

C’est moins aux députés anglais qu’aux conspirateurs du continent que le disciple de Machiavel, fort d’un auxiliaire inattendu, a fait entendre des paroles qui, bientôt peut-être, deviendront un signal et dont la sinistre conséquence sera pour lui un titre de plus a l’indignation de l’Europe et des honnêtes gens.

Les démocrates qui ne pardonneront jamais a Ferdinand II d’avoir osé leur disputer sa tête et sa couronne, et d'avoir pu les vaincre le 15 mai, les démocrates ont fait aux pamphlets de M. Gladstone un accueil qu’il doit déplorer amèrement. Déjà même le tory-peeliste, sur la pente de la défection, a trouvé, dans les éloges enthousiastes des journaux révolutionnaires de la Grande-Bretagne et du continent, le châtiment que la Providence inflige toujours aux mauvaises actions.

Or, dans cette séance des Communes, préparée d’avance comme la représentation d’un drame à Drury-Lane, lord Palmerston a déclaré que la brochure de M. Gladstone confirmait en tous points les rapports divers qu’il avait reçus de ses agents à Naples, et il a ajouté qu’il avait envoyé des exemplaires de la brochure de M. Gladstone aux ministres anglais près les différentes cours du continent «afin de les mettre au courant de ce qui se passe à Naples et dans l’espoir que cette lecture sera le moyen le plus efficace d’intéresser l’opinion publique et de la faire intervenir pour empêcher la continuation des actes déplorables du gouvernement napolitain.»  

Qui donc a donné mission a lord Palmerston de se constituer ainsi juge d'un gouvernement son allié et de le traduire a la barre de l'Europe, après l’avoir condamné sans l’entendre, sur le témoignage unique d’un seul homme?

N’est-ce pas la franchement le renversement de tous les principes qui doivent régler les rapports entre les nations civilisées? Ne serait—ce point encore un acte d’une sotte et ridicule vengeance? L’injuste querelle que lord Palmerston avait suscitée au gouvernement napolitain et qui sans le honteux dénouement de son affaire avec la Grèce aurait reproduit à Naples les scènes déplorables d’Athènes; le triste rôle que lord Palmerston a joué en cette circonstance, sa capitulation devant la justice et le droit, ses humiliations, sa condamnation par devant le tribunal de l’opinion publique, ne recèleraient-îls point le secret de cette basse intrigue à laquelle, fatalement inspiré, le très-honorable M. Gladstone a prêté l'éclat de son nom et l’autorité de sa réputation de parfait honnête homme?

Avant de combattre et de réfuter une à une les preuves qui forment l’ensemble du réquisitoire de M. Gladstone, examinons les bases sur lesquelles il a construit le fabuleux échafaudage de ses griefs contre le gouvernement de S. M. le roi des Deux—Siciles.

M. Gladstone se rend à Naples pour rétablir la santé délabrée de sa femme. Ancien ministre de la Grande-Bretagne se met-il, dès son arrivée dans la capitale du royaume des Deux-Siciles, en rapport direct avec le ministre Fortunato pour lequel il avait des lettres d’introduction? Se présente—t—il au roi, si facile à aborder? Non, il se met aussitôt en communication avec les adversaires les plus prononcés du gouvernement napolitain; il va chercher ses inspirations a la légation anglaise; il va consulter les agents les plus dévoués de lord Palmerston, ceux-là même qui se sont faits les plus ardents souteneurs des révolutionnaires de 1848. C’est sous ces premières impressions que M. Gladstone entreprend, sans mission aucune, l'examen politique et moral d’un pays qui lui accorde généreusement l’hospitalité.

S’il pénètre dans les prisons, il écoute et accepte comme des vérités évangéliques les protestations d’innocence qui s’échappent des lèvres des condamnés, sans daigner se rappeler que dans tous les temps et dans tous les pays, la prison (si l’on consulte les malheureux que les lois y ont enfermés) est l’asile de l’innocence et de la Vertu.

On connaît l’histoire de ce duc de Savoie visitant une prison importante de ses états. Il interrogeait avec bonté les malheureux qui s’y trouvaient détenus, tous Se plaignant de l’injustice de leurs jugements protestèrent de leur innocence; un seul avoua franchement sa culpabilité:C’est fort bien, mon ami, lui dit le duc, j’aime votre franchise, mais comme vous n’êtes pas digne de rester dans la compagnie de ces braves gens, je vais donner des ordres pour que l’on vous change de place.» Il le fit aussitôt mettre en liberté.

M. Gladstone, oubliant ensuite que les coupables ont été jugés publiquement, non point par des tribunaux exceptionnels, mais d’après les codes français qui régissent la juridiction napolitaine, accuse le gouvernement napolitain de l’immoralité et de la corruption la plus monstrueuse qui jamais aient signalé le règne du plus farouche tyran.

C’est donc sur cette seule autorité, que nous ne tarderons pas à réduire à sa juste valeur, que lord Palmerston dénonce à la vindicte publique, signale aux vengeances démagogiques un gouvernement allié, et l’auguste souverain que ces insultes n’atteindront jamais.

Mais qu’importe la vérité Nord Palmerston, qu’importe l’exactitude des faits à celui dont la conduite politique se règle sur le mensonge? Qu’importent la bonne foi et la justice à celui qui, pour arriver à l’accomplissement de ses coupables desseins sur la Sicile, sur le Piémont, dont il voudrait faire un Portugal, sur la Toscane où il entrave la justice au bénéfice de ses émissaires blasonnés que la police a surpris en flagrant délit de conspiration, sur l’Italie entière où depuis si longtemps il promène sa politique incendiaire, qu’importe tout cela à qui se fait le plus chaud partisan des idées révolutionnaires?

Qu’importe un mensonge de plus ou une calomnie de moins au ministre brouillon qui mettrait le feu à l’Europe entière si l’Europe entière le laissait faire? Qu’importent la justice, l’honneur, la vérité, le droit des souverains et des nations au digne représentant de la politique qui, en 1830, en France, Ouvrit le feu devant le Café de Paris et tira sur la garde royale; qui, en 1832, devant Bilbao envoya une balle empoisonnée à l’adresse de Zumalacarreguy; qui solda plus tard avec de l’or et soutint avec du fer toutes les insurrections contre les monarchies et suzerainetés italiennes; qui lança en 1848 les révoltés de février sur le trône de Louis—Philippe et applaudit à la chute des d’Orléans comme elle avait applaudit celle des Bourbons.

Ce qui nous importe à nous, c’est que la lumière se fasse. c’est que la vérité soit rétablie dans tous les faits que le mensonge et la  calomnie ont entassés contre elle; c’est que justice enfin soit faite.

Or, à mon tour, devant Dieu et devant les hommes, j’accuse les accusateurs, je les convoque au tribunal solennel de l’opinion publique qu’ils ont cherché à soulever contre un roi juste et bon, car il est fort et inexorable quand il s’agit de combattre les passions impies et désordonnées; je les accuse d’être les moteurs et les premières causes des prétendus excès qu’ils déplorent. Il leur appartient bien de crier au feu quand ils ont allumé l’incendie! Il leur appartient bien de pleurer sur les victimes quand ils ont préparé l‘abîme où elles sont tombées! Il leur appartient bien de chercher à briser les fers qu’ils ont rivés eux-mêmes! Il leur appartient bien de faire de la politique de sentiment lorsqu’ils ont fait si longtemps de la politique de révolution! Oui je les accuse de tous les malheurs qui dernièrement ont frappé l’Italie, je les accuse de tous les malheurs qui la frapperont de nouveau, bientôt peut—être.

Je vous accuse, vous lord Palmerston, d’avoir protégé, stimulé le zèle des meneurs révolutionnaires, qui, en 1848 et 1849, ont couvert la Péninsule de sang et de ruines. Je vous accuse d’avoir, à cette époque néfaste, envoyé lord Napier à Naples et lord Minto à Rome. Le but et les intentions de vos agents ne sont plus un secret pour personne, ils ont malheureusement donné trop de preuves de leurs sympathies pour les ennemis de la société, ils ont trop montré la ficelle qui les faisait agir.

Tous deux ne se sont—ils pas faits les plus ardents auxiliaires de la révolution en soufflant le feu qui couvait sous les cendres démocratiques? N’ai-je pas vu, de mes yeux vu, lord Minto à Rome préluder a la sinistre journée du 16 novembre en se rendant chaque soir ans le club de Sterbini et les autres conciliabules de la démagogie romaine? Ne l’ai—je pas vu, oubliant les chemins du Quirinal, au mépris de ses devoirs envers le Saint-Siège, recevoir chaque jour les hommages des ennemis de Pie IX, pape et roi?

Revenons à M. Gladstone, et voyons comment il a procédé pour se faire l’accusateur public de S. M. Ferdinand II.

Il n’a point vu, nous le répétons pour le constater de la manière la plus précise, le roi des Deux-Siciles; il n’a point consulté le premier ministre du roi, le chevalier Fortunato, pour lequel il avait des lettres; il n’a point interrogé le prince d’Ischitella, ministre de la guerre, qu’une longue résidence en Angleterre a familiarisé avec la langue anglaise; il n’a point entendu la défense avant de formuler son jugement; l’accusation seule a suffi pour éclairer sa religion.

Ignorant complètement le dialecte napolitain, il a basé son opinion, établi ses preuves sur les assertions des coupables, ignorant eux aussi la langue anglaise. Dans quel dialecte auront-ils donc traité l’importante question qui doit servir de base a ces accusations?

Le dialecte des sourds et muets peut-être? Mais supposons que Carlo Poerio ait protesté de son innocence dans un dialecte familier a M. Gladstone, cette protestation est-elle suffisante pour devenir une preuve incontestable? Lacenaire aussi (nous ne voulons point faire ici de comparaison), Lacenaire aussi se proclamait innocent! et dernièrement l’héritier d’une illustre famille, un comte dont le sang fume encore sur une place de Mons, ne se refusait-il pas à l’évidence des preuves qui devaient le conduire à l’échafaud? Laissons dormir les morts!

M. Gladstone porte à vingt ou trente mille le nombre des prisonniers politiques détenus dans les prisons du royaume des Deux-Siciles. Ces chiffres sont énormes sans doute, nous allons voir s’ils sont exacts, en attendant supposons qu’ils le soient, que prouveraient-ils? sinon que le lendemain de la terrible journée du 15 mai il y a en un plus grand nombre de coupables. Dans cette hypothèse ce n’est point la justice d’un pays, qui se défend avec l’épée et punxir avec la loi, que M. Gladstone devrait accuser, c’est moins encore les malheureux qu’on a livrés aux hasards des révolutions.

Ceux contre lesquels M. Gladstone devrait lancer le stigmate de ses accusations, ce sont ceux dont il fiétrissait hier la politique brouillonne et dont, par un retour inouï, il se fait aujourd’hui l’apologiste; ce sont ceux qui ont fourni des armes à la révolte; ce sont ceux qui ont conseillé, préparé, provoqué les insurrections napolitaines et siciliennes; ce sont uniquement ceux-là qui devaient servir de point de mire aux colères du représentant d’0xford; et dans ce cas ce n’est point à Naples qu’il fallait aller chercher des preuves, c’est a Londres qu’il aurait dû rester, il les y aurait trouvées.

Ce n’est donc pas au roi des Deux-Siciles et aux lois de son gouvernement que les prisonniers politiques doivent demander compte de leur captivité, c’est aux hommes qui, les poussant en armes dans la rue, derrière les barricades, leur ont ouvert les chemins de la prison.

Voyons maintenant le chiffre exact, mathématique auquel se monte le nombre réel et non point imaginaire des prisonniers politiques renfermés dans les prisons du royaume des Deux-Siciles

Dans les prisons de Naples 300
de la terre de labour80
de la principauté Citra381
de la principauté Ultra4
de Molise43
de Basilicate 156
de l'Abruzze Citra6
de l'Abruzze Ultra I1
de l'Abruzze Ultra II94
de la Calabre Citra293
de la Calabre Ultra I344
de la Calabre Ultra II54
A reporter1,756
Report   1,766
Dans les prisons de Capitanate 112
de la terre de Bari20
de la terre d'Otrente8
de Pozzuoles et de Castellamare  2
de Caserte2
de Salerne19
d'Avelline17
de Potenza6
de Foggia 9
de Bari4
de Lecce 10
de Cosenza6
de Cantazaro2
de Reggio10
de Campobasso7
de Chieti12
d'Aquila19
de Teramo3
Total 2,024
Indépendamment de ces deux mille vingt-quatre prisonniers politiques, on en compte soixante-dix-neuf autres prisonniers sur parole, et répartis de la manière suivante:
A Naples28
Dans la terre de labour6
Dans la principauté Citra12
A Basilicale11
Dans la Calabre Citra7
A Capitanate15
Prisonniers sur parole79
Détenus en prison2,024
TOTAL2,103

Voici le chiffre officiel auquel se réduit le nombre de vingt trente mille, si imprudemment énoncé par M. Gladstone.

Tel est le relevé précis des recensements faits dans les prisons du royaume de Naples au mois de juin dernier. Depuis cette époque le nombre des prisonniers a subi de notables diminutions, car la clémence souveraine, s’étendant sur une certaine catégorie d’inculpés, a rendu la liberté a plusieurs détenus.

Ces rapports exacts, contrôlés et signés par le ministre de grâce et de justice, valent bien les assertions hasardées sans preuves par M. Gladstone. Les prisonniers politiques napolitains, ajoute M. Gladstone, sont traités avec une cruauté tellement monstrueuse que les États chrétiens de l’Europe devraient déclarer la guerre au souverain des Deux—Siciles et ouvrir les portes des prisons.

Ces prisons imprégnées de la sueur de l’agonie et creusées profondément au-dessous du niveau de la mer, ces cachots habités par le désespoir et la faim, n’existent que dans l’imagination de l'honorable M. Gladstone. Je les ai visités moi-même, et je l’affirme je n'ai vu nulle part ces raffinements de barbarie, ces scènes de mélodrame, ces effets de théâtre inventés pour réagir violemment et impressionner tout ce qui porte un cœur honnête dans la poitrine. _ Carlo Poerio, reconnu coupable et condamné parle code Napoléon en vigueur dans le royaume des Deux—Siciles, a dû subir l’égalité devant la loi, que les démocrates eux—mêmes ont considérée comme un progrès. Il n’est point rivé aux fers d’un brigand, d’un assassin, car il lui a été permis de choisir lui-même le compagnon de sa captivité; il l’a trouvé dans un révolutionnaire de condition comme lui, dans un avocat d’autant moins innocent qu’il était plus éclairé.

M. Gladstone d’abord, et tous les journaux plus ou moins démocrates d’Angleterre et de France ensuite, ont proclamé monstrueusement infâme cette égalité devant la loi, qui n’admet aucun privilège dans l’application de cette même loi.

Cette égalité qu'ils condamnent à Naples existe cependant en France et en Angleterre. Il n’est point un seul bagne sur le continent qui ne soit illustré par quelque personnage de marque, par quelque déchu des sphères de la société. Le caractère inviolable et sacré du prêtre même subit à Toulon les conséquences de cette égalité; si la loi devait avoir quelque exception, ne serait-ce pas en faveur des ministres de la religion assez malheureux pour tomber dans l'oubli de leurs fonctions sacerdotales?

Si nous cherchons bien en Angleterre nous trouverons également des exemples en contradiction avec la politique sentimentale de M. Gladstone.

Le drame de la Conspiration des poudres ne démontre-t-il pas l’évidence de cette despotique égalité devant la loi a laquelle furent soumis, au sein même de la capitale de la Grande-Bretagne, de hauts et puissants seigneurs? Cette égalité suprême qui est un crime royal à Naples au point de vue révolutionnaire, ne pesa-t-elle point alors omnipotente sur des pairs du Parlement, sur les plus hauts dignitaires de l’État, sur les hommes les plus illustres par leur naissance, par leur réputation, par leurs talents et par leurs vertus? Mais, nous dira-t-on peut-être, le fait que vous citez est de l’histoire ancienne? Soit, je le veux bien; rajeunissons donc nos exemples; c’est facile.

Or, que voyons-nous dans les phases de la révolution irlandaise, de 1798 a 1803? Nous voyons des arrestations arbitraires, des condamnations iniques, des meurtres judiciaires exécutés sur des témoignages parjures, des femmes fouettées par des soldats ivres, sans avoir subi ni jugement ni sentence, sans avoir été même accusées. Des hommes, sur la dénonciation de leurs débiteurs et de leurs ennemis, arrachés nuitamment de leurs lits par des partisans sauvages, et plongés dans des cachets fétides jusqu’au jour où, après plusieurs mois d’agonie, ils étaient pendus par les ordres d’un tribunal sanguinaire;

des mères de famille déshonorées; de jeunes filles violées sous les yeux de leurs mères ou de leurs fiancés; des victimes innocentes imprégnées de résine et de poix après avoir servi d’instruments aux farouches passions de la brutalité la plus monstrueuse. Mais, nous dira-t-on encore, les horribles tableaux que vous nous représentez appartiennent à l’histoire du moyen—âge. Soit, nous consentons que vous jetiez le voile poudreux des temps sur les dates récentes que nous venons de citer. Nous admettons même avec vous que l’Angleterre se soit civilisée depuis que lord Fitzgerald a été assassiné et Robert Emmet pendu. Abordons carrément l’histoire moderne.

Lord Palmerston ne faisait-il point partie du cabinet lorsque M. Frost, occupant l’une des plus honorables fonctions en Angleterre, celle de juge de paix, leva l’étendard du chartisme à Newport? Condamné à la déportation pour ce fait essentiellement politique, M. Frost n’eut pas même, comme Poerio, l’autorisation de se choisir un compagnon d’infortune; il partagea sans exception le sort infligé a la lie la plus abjecte des malfaiteurs de Londres. Alors pourquoi le ministre Whig des affaires étrangères ou le tory M. Gladstone n’ont—ils point protesté contre un pareil traitement infligé a un homme que le souverain avait honoré de sa confiance?

Plus récemment encore, M. Feargus 0’ Connor, gentilhomme d’ancienne origine, avocat, et de plus membre du Parlement, ne fut—il pas, après avoir été convaincu du crime de sédition, jeté dans les prisons du château d’York? Les traitements auxquels M. 0’ Connor fut soumis ne pourraient—ils pas servir de pendant sinon de justification à ceux que subissent, d’après M. Gladstone, les prisonniers politiques de Naples?

Mais, nous dira-t—on toujours, le fait que vous citez appartient à l’histoire moderne. Voulez-vous alors de l’histoire actuelle? de l‘histoire d’aujourd’hui? Soit. Eh bien! lord Palmerston et ses co-ministres n’assouvissent-ils pas, à cette heure, sur un homme moins coupable

que les anarchistes étrangers qu’ils entretiennent sur leur sein, n’exercent—ils pas leurs colères sur un gentilhomme qui, par sa naissance, leur est supérieur, sur un représentant du peuple qui siégeait comme eux au Parlement, sur un homme convaincu, enfin dont le crime fut une opposition armée contre le despotisme exercé par le gouvernement anglais en Irlande, sa malheureuse patrie? Est-ce que M. Smith 0’ Brien n'est pas un déporté de New South Wales? A-t-on oublié déjà les cruautés morales et physiques exercées sur ses compagnons d’infortune? MM. M’ Manus et 0’ Donohue n’ont-ils pas été enchaînés comme des galériens et transportés dans le climat le plus pestilentiel qui existe sous le ciel? Ne vivent—ils pas là rivés à la vie des hommes flétris que l’Angleterre a rejetés de son sein? Le gouvernement anglais, sous la sanction du cabinet Palmerston, n’ai—il pas abusé de son autorité contre ces personnages parce qu’ils avaient profité de leur liberté pour apporter des paroles consolatrices à l'un de leurs co-exilés? Malgré tous ces actes qui crient vengeance, lord Palmerston et ses journaux, auxiliaires salariés, révolutionnaires, ont l’impudeur d’attaquer le roi des Deux-Siciles; ils ont l’effronterie de l’appeler cruel, parce que, fatalement placé entre la révolution et la perte de son trône, il a osé vaincre d’abord et incarcérer ensuite les hommes qui ont tenté à main armée de briser son sceptre!

John Bull est superbe d’audace lorsqu’il reproche au gouvernement napolitain des faits dont le sien le premier a donné l’exemple! Il nous rappelle ce bandit qui, pour tromper la justice, jetait son manteau sur les épaules de l’honnête homme qui avait le malheur de passer près de lui, ou bien encore ce comique romain qui portait deux sacs, un sur sa poitrine, l’autre sur ses épaules; dans le premier, il jetait les fautes de son prochain afin de mieux les voir, dans le second, il reléguait ses crimes pour les dérober à la vue de sa conscience.

Les journaux révolutionnaires, complétant la pensée de M. Gladstone, dépassant même le but que l’honorable représentant d’Oxford s’était proposé, attaquent, avec une violence qui ferait honneur à leur bonne foi, s’ils en avaient, le système des fers appliqués aux délits politiques. Ils ont attendu bien longtemps pour exhaler leur indignation contre ce système qui compte en France même de nombreux antécédents auxquels ces journaux eux-mêmes ont applaudi. Il est vrai que les victimes n’étaient pas démocrates, mais contre-révolutionnaires, elles ne s’appelaient point Mazzini, mais Vendée, leur cocarde était blanche au lieu d’être rouge, elles croyaient en Dieu et non point en Robespierre, elles s’étaient insurgées pour un principe qui, pendant quatorze siècles, avait rendu la France heureuse et puissante, et non point pour une idée qui, après avoir couvert la France d’échafauds, l’avoir ensemencée de sang et de ruines, nous mènerait directement a la barbarie, si, favorisée par lord Palmerston et préparée par Mazzini, elle triomphait, comme elle l’espère, en 1852.

Il est encore vrai que ces victimes n’étaient point avocats, rhéteurs ou ministres, c’étaient d’anciens soldats, de pauvres paysans à la foi ardente, aux convictions profondes; c’est pour cette raison, sans doute, que les amis de Poerio n’ont point pris la défense de ces martyrs de la fidélité jetés par centaines dans les bagues de Toulon et confondus parmi les parricides et les assassins. Aux yeux des démocrates, le cœur d’un paysan religieux et royaliste ne vaut—il pas celui d’un avocat conspirateur et révolutionnaire?

Ce que nous disons de la France peut également s’appliquer à l’Angleterre. Il n’est pas douteux que les souteneurs de la politique de lord Palmerston, que les admirateurs de ses plans pour révolutionner l’Europe, parce que l’Europe a la petitesse de ne point accepter la dictature de lord Palmerston au sein de ses conseils de cabinet; il n’est pas douteux, disons-nous, que ces parasites de lord Palmerston,

dont le caractère est parfaitement dépeint dans ce vers du poète:

Flectere si nequeo superos, Acberonta movebo,

ne se rappellent les emprisonnements et les mises aux fers des patriotes anglais_dont le seul crime était d’avoir pétitionné pour obtenir une réforme parlementaire. Le souvenir des sévérités infligées à Muir sera éternel comme le nom de lord Palmerston inscrit avec du sang dans l’histoire des massacres de Manchester.

Maintenant, si nous énumérions les simples circonstances dans lesquelles les sujets britanniques en Irlande ont été chargés de fers pour avoir commis le crime de réclamer des droits que la loi anglaise leur garantissait; pour avoir cherché à se débarrasser du poids d’un établissement ecclésiastique que M. Macauley, célèbre écrivain du parti whig, a dénoncé lui-même comme étant détestable; si nous feuilletions page a page le livre où la politique de lord Palmerston a signé tant d’énormités, nous dépasserions cent fois les limites que nous avons tracées au cadre de: La vérité sur les affaires de Naples.

N’est-ce pas tout récemment encore qu’un membre de la Chambre des Communes accusa les ministres de Sa Majesté la reine Victoria de n’avoir pas traité M. Mitchel comme un galérien lors de sa déportation a Bermuda? Le crime de M. Mitchel n’était—il point cependant un délit politique, un délit de presse? A cette accusation, qu’ont répondu les ministres? Lord Palmerston a+il invoqué les lois sacrées de l’humanité qu’il adore mentalement à Naples? Nullement. Il a cherché sa justification dans le certificat d’un médecin. Sans ce certificat, M. Mitchel eût été chargé de fers et déporté en compagnie des autres galériens. Quelle philanthropie, grand Dieu! que celle de ce ministre, rejetant sur un cas de force majeure la responsabilité d’un sentiment humain! ou étiez-vous ce jour-là, Monsieur Gladstone? vous avez laissé échapper une belle occasion.

Vous vous réserviez pour de meilleures circonstances, celles de Naples, sans doute! vous conserviez toute votre indignation contre le gouvernement des Deux-Siciles, contre le roi que lord Palmerston a en l’audace de méconnaître et auquel le Times a si souvent prodigué de justes éloges!

Étrange manière, en vérité, d’apprécier, d’interpréter les hommes et les choses! N’est-ce pas toujours ainsi que procèdent les idéologues? et qu'on me permette à ce sujet une légère digression: je la dois à mon pays. Combien de fois, depuis trois ans, la presse anglaise, sympathique aux révolutionnaires, n’a-t-elle pas reproché à la France la détention d’Abd-el-Kader pris les armes à la main sur un champ de combat? Cette presse inconséquente, illogique, oubliait sans doute la détention du plus grand homme des temps modernes, de celui qui, le lendemain de Waterloo, s’était mis sous la protection du pavillon anglais. La situation est identique, et si l’ombre d’une différence existait, ce serait celle qui subsiste entre la détention dans un château en France ou la captivité sur un rocher au milieu des mers. Dans tous les cas, Abd—el—Kader a pu trouver des geôliers, mais il n’a pas rencontré des bourreaux.

L’honorable M. Gladstone prétend que le système d’accoupler deux prisonniers et de les attacher à la même chaîne est à Naples une invention récente et qui ne s’applique qu’aux prisonniers politiques. M. Gladstone tombe dans une grossière erreur: la peine des fers, la pena de’ ferri, existait déjà en 1816, non-seulement à Naples, mais encore en Espagne et en Portugal, de même qu’elle existe aujourd’hui en Piémont.

Le roi Ferdinand II, que M. Gladstone et les journaux révolutionnaires voudraient transformer en un tyran de Padoue, est, au contraire, l’un des meilleurs et des plus généreux souverains régnants, nous en trouverions des preuves dans les calomnies incessantes qu’on dirige contre son auguste personne.

Pour ceux qui ne le connaissent point, nous croyons devoir reproduire ici le portrait que nous en avons fait nous-même d’après nature dans notre Histoire de la Révolution de Home (1):

«D’une taille élevée et imposante, Ferdinand II possède toutes a les qualités qui constituent la force et conviennent au commandement. Les traits mâles de son visage sont tempérés par l‘expression de la douceur, son front reflète la mansuétude de son âme. Son geste et sa parole commandent le respect, mais son regard et son sourire inspirent la sympathie. Il se fait craindre car il est ferme, mais il se fait aimer car il est bon. Souverain et père tout à la fois de son peuple, soumis à ses devoirs de roi, il consacre sa vie entière au bonheur de ses sujets. Travailleur infatigable, voyant tout et faisant tout par lui—même, ne dédaignant de s’immiscer dans aucun détail, imprimant le cachet de son intelligence à toutes les branches des affaires publiques, il est passionné pour la profession des armes et protégé également les sciences, les lettres et les arts.

«D’une grande régularité de mœurs, profondément religieux, il donne sur le trône l’exemple de toutes les vertus privées qui font le bon citoyen.

«Indifférent aux prestiges d’une fausse popularité, sa volonté, inspirée par l’amour du bien, ne connaît aucun obstacle.

«Ferdinand II est le seul roi véritablement digne de ce nom, qui, menacé dans les droits de sa souveraineté, ait compris qu’il devait repousser par le canon les exigences de la révolte. Par son courage et par son énergie, domptant sans aucun secours étranger la double insurrection de Sicile et de Naples, le-roi Ferdinand Il a sauvé l’Italie et préservé l’Europe d’une guerre générale. Son nom vivra dans l’histoire.»

(1) 2° édition, tome Il, page 15.

Dans la journée du 15 mai 18118, la conduite du roi fut admirable! Ce n’est qu’à la dernière extrémité, et pour ainsi dire, contraint de sauver sa couronne et sa tête, qu’il se décida à repousser la force par la force. Si le sang a coulé à flots ce jour-là dans les rues de Naples. il doit retomber sur ceux qui ont provoqué l’insurrection et non point sur celui qui l’a combattue avec une modération digne de sa générosité.

«Monsieur, répéta plusieurs fois Ferdinand Il à l’officier général a qui venait prendre ses ordres, épargnez mon peuple égaré, faites des prisonniers, mais ne tuez pas; faites des prisonniers.» Ces magnanimes paroles entendues par un grand nombre de personnes appartiennent à l'histoire.

Dans toutes les circonstances Ferdinand Il a fait preuve de la même générosité.

Le repentir a toujours trouvé grâce devant sa miséricorde. Il n’a laissé échapper aucune occasion de rendre a la liberté ou de rappeler de l’exil les malheureux qui, repentants, en appelaient a sa clémence.

Combien de ceux qui votèrent la déchéance du roi et ofirirent la couronne de Sicile au duc de Gênes, vivent aujourd'hui sans être inquiétés à Palerme et sont même reçus au palais du général Filmgieri, prince de Satriano!

M. Gladstone poursuivant de bonne foi, nous aimons à le croire, son œuvre d’erreurs et de faussetés, prétend que le gouvernement napolitain refuse de donner de la publicité aux procès des condamnés politiques. Le procès de l’Unita italiana fournit à chaque page la preuve du contraire. Chaque phase de ce drame s’est déroulée devant tous en plein soleil; jamais la justice délibérante _. —-- ne s'est exercée plu majestueusement, plus religieusement, pour ainsi dire.

Dans ses assertions relatives au procès de l’Unità italiana, M. Gladstone n’a pas même le mérite de la création. Il se pose en inventeur et il n’est qu’un pâle copiste, un pillard, comme on dit au collège. On en trouvera la preuve dans les colonnes du Risorgimento, journal révolutionnaire du Piémont.

L’œuvre de M. Gladstone est un manteau d'arlequin cousu de pièces et de morceaux, friperies usées jusqu’à la corde et ramassées çà et la dans les bas-fonds de la démocratie italienne.

Un des principaux griefs de l’honorable représentant d’Oxford contre le gouvernement napolitain, est le prétendu système de confiscations ou de séquestrations exercé fréquemment selon M. Gladstone contre les personnes mises en état d’arrestation.

Si le révélateur s’était donné la peine d’étudier les codes napolitains, il aurait vu que ce système n’y figure nulle part. Une seule fois cependant (et cette exception dans l’état de choses ne prouvera pas la règle) les biens de cinq députés furent provisoirement séquestrés. C’était le lendemain de l’insurrection du 15 mai: ces cinq députés formaient le comité de salut public destiné à remplacer le gouvernement légitime. Leurs biens ne furent séquestrés que trois semaines, et ce fut le roi Ferdinand Il lui-même qui, sur la prière des familles des inculpés, donna l’ordre de lever ce séquestre uniquement exceptionnel.

M. Gladstone soutient que les juges peuvent prévariquer et qu’ils doivent être simplement soumis aux ordres de la cour; sur quelle base appuie-t-il cette opinion? Sur une présomption qui, si elle était fondée, ferait en vérité désespérer de l’espèce humaine.

D’après M. Gladstone, les juges doivent être prévaricateurs parce que leur traitement est peu considérable.

Dans la plume de M. Gladstone ce pitoyable argument devient une insulte pour la probité de l’homme qu’il fait dépendre d’un chiffre métallique.

Si cette thèse était admissible, il faudrait mesurer la probité et la conscience des hommes chargés de rendre la justice à l’importance de leur salaire. Quoi qu’il en soit, l’argument de l’honorable représentant d’Oxford prouve qu’il ignore également le dialecte et la valeur monétaire de Naples: nous sommes heureux de lui apprendre que 4,000 ducats napolitains à Naples équivalent au moins à 3,000 l. st. a Londres.

Il résulterait des brochures de M. Gladstone qu’une scandaleuse précipitation a présidé aux procès politiques de Naples. En cela M. Gladstone n’est pas d’accord avec tous les journaux démocrates qui, contrairement a son assertion, reprochent au gouvernement napolitain des lenteurs judiciaires qui pour les prévenus ressemblent à des arrestations préventives.

Cette précipitation n’existe pas et n’a jamais existé dans les actes judiciaires de la Péninsule.

On connaît l'histoire de ce prédicateur célèbre qui, prêchant la passion dans une église d’Italie, s’écriait: «Jésus, mon divin Sauveur, pourquoi les Juifs, au lieu de vous conduire devant Hérode, ne vous ont—ils pas amené devant un juge italien, vous n’auriez a pas été crucifié, car votre procès durerait encore!»

Les débats des procès politiques de Naples commencés le 1er  juin 1850 et clos le 31 janvier 1851, ont duré par conséquent deux cent quarante-cinq jours. Les accusés ont été assistés par d’excellents avocats; deux cent vingt-six témoins ont été entendus; les plaidoiries pour la défense ont duré vingt—cinq jours.

La grande Cour spéciale, avant de prononcer les jugements, a délibéré une nuit entière et la moitié du jour suivant. M. Gladstone appelle cela de la précipitation! Peut-on a ce point abuser de la liberté d’écrire... même un pamphlet?

L’honorable représentant d’Oxford s’est enfermé dans les cachets de Naples pour attrister son âme au spectacle des tortures de la maladie et des angoisses de la faim; le régime alimentaire des prisons de Naples que nous nous sommes donné la peine d’étudier, se compose tous les jours de soupes, de légumes et de viandes plusieurs fois dans la semaine.

Or, je le demande àtout homme de bonne foi, ce régime peut—il donner la mort par inanition dans un pays reconnu pour la surprenante sobriété de ses habitants? Ce régime, j’en conviens, ne conviendrait nullement aux Anglais, habitués pour ainsi dire à compter les heures du jour par le nombre de leurs repas.

Mais est-il nécessaire de se rendre à Naples, de s’enfermer dans ses cachots pour assister aux douleurs de la misère et de la faim? Ce triste spectacle ne se rencontre-H! pas a chaque pas dans les rues de Londres? Vous n’avez donc jamais rencontré, 6 vous! dont l’âme sensible s’apitoie sur des souffrances lointaines, vous n’avez donc jamais vu sous vos regards ces hommes qui cependant sont vos frères en nation, ces spectres ambulants, au teint blafard, aux joues sillonnées par la faim, à l’œil caverneux, ces cadavres vivants ayant tout juste sur le corps, pour se voiler aux regards de la pudeur anglaise, un lambeau de vêtement sans nom? Vous n’avez donc jamais visité les sombres demeures de Grays Inn-Lane, les sinistres quartiers de Spitafields? Vous n’avez donc pas vu des familles entières nues, mourant de faim et de misère, n’ayant pas toujours, pour reposer leurs corps meurtris, la botte de paille que l’on accorde aux malfaiteurs; vous ne les avez donc pas vues fouiller dans les immondices de la rue pour y trouver des aliments sans nom dédaignés par les animaux eux-mêmes? Nous avons vu, nous, à Londres, cette ville Où l’or circule à flots, nous avons vu une famille composée de cinq personnes n’ayant pour tout grabat qu’un monceau de cendres grisâtres. Il est vrai que ces hommes, il est vrai que ces familles ne sont pas des condamnés politiques, des prisonniers, des Mazziniens,

ce sont des condamnés par l’égoïsme et l’indifférence de vos gouvernements, ce sont des Irlandais, ce sont des catholiques, de vils parias, abandonnés des hommes mais non point de la Providence, car nous avons rencontré près d’eux ces prêtres, ces sublimes consolateurs que, dans votre haine pour l’Église de Route, vous abreuvez d’insultes et de mépris, ces prêtres que vos lois voudraient réduire au rôle d’ilotes dans le pays le plus libre du monde, ces catholiques qui auront toujours assez de liberté pour vous aimer, pour vous bénir et pour faire le bien! Vous avez mesuré, dites-vous, la profondeur des cachets de Naples!

Avez-vous mesuré celle de votre prison de Clerkenwell à Londres? Avez-vous compté les quarante marches qu’il faut descendre pour y parvenir? Nous serions curieux de savoir le nombre de pieds qui la sépare du niveau de la Tamise! Ce que nous savons parfaitement, c‘est que jamais un rayon de soleil ne vient réchauffer l’humidité de ses murs, c’est que, en plein midi même, la lueur du gaz doit remplacer, pour les geôliers et les détenus, ce rayon de soleil qui n’y pénètre jamais.

M. Gladstone affirme que les hommes les plus éminents du pays aussi innocents, dit—il à lord Aberdeen, que vous et moi, sont jetés dans les cachots sous prétexte qu’ils professent les opinions libérales. Quand on accuse si péremptoirement, il faudrait au moins préciser les faits. Puisque le tory Peeliste a si bien visité, étudié et analysé les cachets de Naples, pourquoi ne livre-t-il pas à la publicité le genre de tortures devant lesquelles son imagination si féconde a reculé d’horreur?

Seraient-ce les tortures judiciaires? Tout le monde sait ou devrait savoir que l’un des premiers en Europe, le gouvernement napolitain a pour toujours aboli ce cruel système.

Seraient—ce alors les tortures de l’inquisition? Personne n’ignore ou ne devrait ignorer que l‘inquisition n’a jamais pu s’établir à Naples.

D’autre part, pourquoi M. Gladstone ne cite-t-il pas le nom de tous les hommes les plus éminents qui, aussi innocents que lui et ' lord Aberdeen, croupissent dans les cachots de Naples.

M. Gladstone n’est pas heureux dans ses citations; il n’énonce pas un fait qui ne soit une erreur et qui ne puisse être immédiatement réfuté à coups de chiffres.

Nouvel exemple.

Au moment où il quittait Naples (sans doute pour mieux voir ce qui s’y passait), il raconte que le fameux procès du 15 mai commençait et que quatre cents à cinq cents prévenus posaient sur le banc des accusés. Quatre cents ou cinq cents! lequel de ces deux chiffres est le véritable? répondez, honorable représentant d’Oxford, 6 vous qui avez si bien vu les hommes et les choses que vous dénoncez a l’indignation de l’Europe! Ni l’un ni l’autre; le chiffre véritable, officiel, est quarante-cinq, ni plus ni moins. Depuis lors, huit furent mis en liberté.

Tous ces hommes, dangereux pour la société, ont vieilli dans les conspirations, la révolte est leur élément. Que demain, à la voix de M. Gladstone, leur avocat, le gouvernement napolitain leur rende la liberté, et dès demain, se lançant dans de nouvelles trames, on les verra ourdir de nouveaux complots, a l’exemple des amnistiés des barricades de juin en France. Les révolutionnaires ont tous été jetés dans le même moule.

M. Gladstone se retranche dans la Constitution comme dans une arche sainte, il a raison sans doute, mais la Constitution est une pour tous, elle n’a pas, comme M. Gladstone, deux poids et deux mesures; elle est inviolable, dites—vous! pourquoi donc l‘ont—ils violée, vos amis qui, dans la Chambre haute, délibéraient, votaient la déchéance et la mort du roi; qui, derrière les barricades, allumaient la guerre civile et faisaient feu les premiers, avec des fusils anglais, sur les troupes du roi!

Malgré les assertions erronées de M. Gladstone, il est un fait certain et caractéristique, c’est la prospérité et la tranquillité dont seuls jouissent en Italie les États de Sa Majesté le roi des Deux Siciles.

Depuis trois ans, les sciences, les lettres et les arts fleurissent, le commerce règne sans entrave, les peuples respirent, l’anarchie a disparu. Sous la puissante et généreuse administration du général Filangieri, prince Satriano, la Sicile a retrouvé toute sa force, mais elle ne retrouvera jamais les merveilles artistiques, les vases, les objets précieux dont un grand nombre remontait aux beaux jours de Carthage; les vandales de la révolution les ont troqués contre les fusils de l’Angleterre. En Sicile, les honnêtes gens vivent heureux ‘a l’abri des lois sans craindre qu’une injuste persécution vienne jamais les troubler dans leur repos.

Les Conseils généraux des provinces dont les membres, tous propriétaires, sont élus sur la proposition des Decurionaii qui sont les représentants des communes, se dévouent avec un zèle admirable au bonheur du peuple.

Un grand livre, institué depuis quelques mois seulement, cote sa rente à 91 ¾, tandis que celle du Piémont, ce royaume modèle aux yeux de lord Palmerston, parce qu’il est un foyer permanent d’anarchie, reste au-dessous de 80. La rente est le thermomètre de la félicité des peuples.

Depuis la dernière révolution, le sang n’a pas dépassé la limite des champs de bataille, pas une exécution capitale n’a servi la haine et la vengeance du noble et généreux souverain que les révolutionnaires cherchent vainement à représenter comme un tyran farouche.

Tout le monde sait, disait le ministre comte Rossi quelques jours avant sa mort, tout le monde sait qu'il y a des louanges qui «offensent et des blâmes qui honorent.»

Les calomnies des Mazzini et Girardin, les accusations de lord Palmerston, les erreurs du tory Gladstone, les colères de la démagogie européenne rehaussent la couronne de Ferdinand Il; elles raffermissent son sceptre, elles lui dressent dès son vivant un piédestal d’où il dominera l’histoire, qui lui rendra justice.

De même que les nuages font resplendir le soleil, le mensonge fait ressortir la vérité; la boue retombe toujours au front de celui qui la veut lancer à plus haut que soi: qui sème la calomnie récolte la honte.

Passez donc votre chemin, calomniateurs, apostals et renégats de tous les régimes, vils sicambres qui brûlez aujourd’hui ce que vous avez adoré hier; passez vite votre chemin, car je ne sais si vous ne faites pas plus de pitié que d’horreur.

La calomnie, encore la calomnie, toujours de la calomnie! voilà le système des insensés furieux qui se prétendent les régénérateurs de la société humaine et qui font rougir la civilisation par le spectacle de leurs palinodies. Ce système, qui date des d'Alembert, Diderot, d’Holbach et compagnie, a ses adeptes et ses apôtres dans toute l'Europe, Mazzini le favori de lord Palmerston, Mazzini le lion de l'Angleterre chartiste, Mazzini en est le grand-prêtre.

Pour la plus grande édification des Anglais dont il est l'idole, nous croyons devoir donner ici les tables de la loi que Mazzini. du haut de la montagne, comme autrefois Moïse sur les hauteurs du Sinai, a données a son peuple: nous les trouvons écrites dans un ouvrage publié à Naples par Benedetto Cantalupo. Ce décalogue révolutionnaire contient la suivante organisation de la jeune Italie.

«Art. 1er. La société est instituée pour la destruction indispensable de tous les gouvernements de la Péninsule, et pour former un seul État de toute l’Italie sous la forme républicaine.

«Art. 11. En raison des maux dérivant du régime absolu, et eau plus grands encore dérivant des monarchies constitutionnelles, nous devons réunir tous nos efforts pour constituer une république une et indivisible.

«Art. 30. Les membres qui n’obéiront point aux ordres de la société secrète, et ceux qui en dévoileront les mystères seront poignardés sans rémission.

«Art. 31. Le tribunal secret prononcera la sentence en désignant un ou deux affiliés pour son exécution immédiate.

«Art. 32. L’affilié qui refusera d’exécuter la sentence prononcée sera reconnu parjure, et comme tel mis a mort sur-le-champ.

«Art. 33. Si la victime condamnée parvient à s’échapper, elle sera poursuivie sans relâche en tout lieu, et le coupable sera frappé par une main invisible, se fût-il réfugié sur le sein de sa mère ou dans le tabernacle du Christ.

«Art. 34. Chaque tribunal secret sera compétent non-seulement pour juger les adeptes coupables, mais encore pour faire mettre à mort toutes les personnes qu’il aura condamnées.

Ce décalogue, promulgué non point au milieu des éclairs et des éclats de la foudre, mais dans l’ombre, dans une nuit de délire et de fièvre, est, on ne le sait que trop, en pleine vigueur dans la malheureuse Italie! Des bords de l’Adige aux rives du Tibre, le poignard des sociétés secrètes frappe chaque jour de nouvelles victimes, et voilà l’homme, l’apôtre, le messie révolutionnaire dont les journaux démocrates sciemment et même M. Gladstone, involontairement sans doute, se font les auxiliaires! Voilà le grand libérateur dont lord Palmerston favorise les sinistres projets! Insensés, ils jouent avec le feu qui peut les dévorer l ils caressent le serpent qui chaque jour infiltre mystérieusement dans leurs veines le venin du socialisme! Qui tire l’épée périra par l’épée, a dit l’Évangile: garde à vous, lord Palmerston! qui se fait un jeu de la révolution périra par la révolution.

Le caractère de M. Gladstone est tellement honorable, sa probité politique est si bien consacrée, que l’un et l'autre excluent de sa part toute idée de mauvaise foi; ce n’est donc point a lui que s’adresse l'amertume de nos récriminations; elle se rapporte uniquement a ceux qui, abusant de son nom et de son autorité, ont si odieusement perverti son but et sa pensée. Ceux-là ont transformé en certitudes les présomptions de l’estimable représentant d’Oxford, ils ont affirmé carrément ses doutes, ils ont dénaturé son texte; encore une fois que leur importe l'exactitude des faits si la falsification de ces faits peut servir leurs coupables desseins!

Nous avons la conviction profonde que l'honorable M. Gladstone est dans l'erreur, que sa bonne foi a été surprise, qu’elle a été fascinée par de fausses apparences; la politique aussi parfois a ses mirages.

Oui, nous le déclarons en notre âme et conscience, M. Gladstone a été trompé, comme l’ont été si souvent avant lui dans ces sinistres questions italiennes, non pas un individu, des catégories d’individus, mais des populations entières et même des gouvernements.

L’émissaire de lord Palmerston, M. Freeborn, agent consulaire de la Grande-Bretagne à Rome, n’a-t-il pas trompé, et disons-le, car la vérité le veut ainsi, n’a-t-il pas trompé l’Europe entière le 25 juin 1849 en réunissant chez lui plusieurs représentants de diverses puissances, en leur dépeignant sous les couleurs les plus fausses les ravages que les boulets et les bombes de la France faisaient dans la ville éternelle, les victimes que ces projectiles mois sonnaient, les chefs—d’œuvre qu‘ils détruisaient? N’a-t-il pas égaré leur bonne foi en leur faisant adopter la protestation suivante:

«Monsieur le général,

«Les soussignés, agents consulaires, représentant leurs gouvernements respectifs, prennent la liberté de vous exposer, Monsieur le général, leur profond regret d’avoir vu subir à la ville éternelle un bombardement de plusieurs jours et de plusieurs nuits. La présente a pour objet, Monsieur le général, de faire les remontrances les plus énergiques contre ce mode d’attaque qui non-seulement met en danger les vies et les propriétés des habitants neutres et pacifiques, mais aussi celles des femmes et des enfants innocents.

«Nous nous permettons, Monsieur le général, de porter à votre connaissance que ce bombardement a déjà coûté la vie a plusieurs personnes innocentes et a porté la destruction sur des chefs d'œuvre de beaux-arts qui ne pourront jamais être remplacés.

«Nous mettons la confiance en vous, Monsieur le général, qu’au nom de l’humanité et de la civilisation vous voudrez vous désister d’un bombardement ultérieur pour épargner la destruction à la ville monumentale qui est considérée comme sous la protection morale de tous les pays civilisés du monde.»

Cette adresse, adoptée sans preuves des faits énoncés, sur la parole d’un homme dont la haine contre la papauté était bien connue, fut signée par dix agents consulaires qui, plus tard, honteux du piège qui leur avait été dressé, convaincus de la fausseté des faits revêtus de leurs signatures, s’empressèrent de se rétracter, de confesser leur erreur, de rendre hommage a la modération et a la générosité de l’armée française. Nous ne doutons pas que l’honorable représentant d’0xford ne suive cet exemple. Errer est une chose humaine, reconnaître son erreur est la plus belle victoire qu’un homme honnête puisse remporter sur soi-même.

Résumons:

Il n’est point vrai que de vingt à trente mille prisonniers politiques encombrent les prisons de Naples.

Il n’est point vrai que ces prisonniers politiques soient soumis à des traitements qui font reculer, à Naples, la civilisation de plusieurs siècles.

Il n’est point vrai que Poerio soit enchaîné aux fers d’un assassin.

Il n’est point vrai que la politique du gouvernement napolitain soit une politique de haine et de vengeance.

Il n’est point vrai que la magistrature napolitaine soit une magistrature de prévarication et facile à corrompre comme le célèbre lord Bacon.

Il n’est point vrai que S. M. le roi Ferdinand Il suit le tyran de ses peuples dont il est, au contraire, le père.

Entre les calomniateurs qui vous honorent de leurs colères et Dieu qui vous protège, Sire, vous avez votre conscience, vous avez l’amour de vos peuples, vous avez l’estime des honnêtes gens.

Déjà tous les journaux de France et d’Angleterre qui se consacrent a la cause de la société dont vous êtes l’un des plus fermes soutiens, ont rendu justice au gouvernement vigoureux et paternel de Votre Majesté; leur grande voix aura de l’écho en Europe, et la nouvelle épreuve que les ennemis de l’humanité réservaient à Votre Majesté se changera pour elle en triomphe.

Courage donc, Sire, poursuivez votre œuvre de civilisation, continuez à combattre les passions mauvaises qui menacent le monde; vous les vaincrez, Sire, car vous avez pour vous la force, la justice, la vérité, le droit et Dieu!

ALPHONSE BALLEYDIER.





















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