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C. CAVOUR

NOUVELLES LETTRES INEDITES

RECUEILLIES ET PUBLIÉES AVEC NOTES HISTORIQUES

PAR

AMÉDÉE BERT

1889

L. ROUX ET C. EDITEUR

ROME-TURIN-NAPLES

20 mars 1849

26 avril 1849

26 juin 1849

Août 1849

Leri, 23 octobre 1849

11 janvier 1817

4 juillet 1850

13 octobre 1850

30 mai 1851

Londres,10 juillet 1852

21 mai 1853

21 juin 1854

24 août 1855

Turin, 3 juin 1856

23 janvier 1858

17 mars 1859

INDEX ALPHABÉTIQUE

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CCI.

20 mars 1849.

Mon cher ami,

J'ai reçu hier, au corps de garde du palais royal, votre lettre de dimanche. Ce que vous me mandez de B.......... ne m'étonne pas. Cet originai était venu à Turin, porter un pian de finances à Ricci, qui n'avait pas le sens commun. L'avocat Cabella, chargé de l'examiner, nous en a parlé, moitié en riant, moitié sérieusement, dans réunion qui a eu lieu au Ministère.

Lorsqu'il eut fini son exposé, je me suis borné à dire, qu'après avoir entendu tant de sottises financières, je n'étais plus étonné que celui qui avait été capable de les imaginer, eut mangé les fonds de ses commanditaires.

Ricci n'a pas osé soutenir B, et il n'a plus été question de ce projet, mais je me suis aperçu que cet homme avait des rapports avec lui.

Vous avez parfaitement bien fait de ne pas vouloir prendre le moindre engagement. Lorsque l'emprunt volontaire sera ouvert, vous ferez bien de souscrire dans les limites que je vous ai indiquées. Laissez que Ricci tripote avec des aventuriers, son emprunt de 50 millions. Je crois, au reste, qu'il ne continuera pas longtemps à avoir la direction de nos finances, car ses amis mêmes le déclarent de la plus haute incapacité.

Si la loi passe, telle que la Commission l'a proposée, je crois que les obligations se placeront facilement.

La menace de devoir concourir à un emprunt forcé, déterminera tous ceux qui ont de l'argent à souscrire des obligations, et ceux qui n'en ont pas payeront une prime pour faire souscrire en leur nom.

Ainsi, si je crains d'être taxé pour 50 mille francs dans l'emprunt forcé, je payerais volontiers 2 ou 3 pour cent, afin que quelqu'un souscrive des obligations en mon nom. Cela réduira leur coût à 680 ou 690, prix qui devient avantageux pour la spéculation.

Je n'ai plus entendu parler de la Banque, toutefois comme il est prudent de diminuer ses engagements, j'ai invité Salmour à céder la part qu'il s'était réservée, à un de mes amis qui était disposé à la prendre, et qui a les fonds nécessaires pour effectuer les versements qu'il sera appelé à faire, sans avoir recours à personne.

…............................................................................................

Tout le monde est dans l'anxiété.

L'heure fatale va sonner. Peu de jours suffiront pour décider de notre sort, et nous placer au premier ou au dernier rang des nations.

J'ai bon espoir, car je crois dans la capacité de Chrzanowski (1) et dans le courage des soldats, mais je ne puis me dissimuler que nous ne courions de grands dangers.

Envoyez promener Balduino avec son guano. Pour le moment je ne saurais qu'en faire. Mes amis du Vercellais ne me payent pas celui de l’année dernière, et n'osent acheter celui de cette année, qui m'est reste tout sur le dos; ce qui ne m'afflige pas excessivement, attendu qu'il est de qualité vraiment excellente.

Adieu, cher ami, croyez à mes sentiments dévoués.

C. de Cavour.

(1) «Au lieu de confier le commandement de l'armée aux jeunes généraux qui avaient sa confiance, on a nommé général un polonais, connu uniquement par des travaux de cabinet, d'une tournure radicale et portant un nom (Chrzanowski), que jamais nos soldats n'ont pu apprendre à prononcer» (Lettre du comte Cavour à mad. A. de Circourt — Chialà, I. Lettre CXVIT). Le général Chrzanowski appelé à commander l'armée (parce que, aux yeux de plusieurs, dit le général A. Lamarmera, les généraux piémontais n'étaient pas assez révolutionnaires), était un homme d'un caractère parfaitement honorable, et possédait une grande érudition militaire. Il avait brillamment fait, service de la Russie, les campagnes de 1828et 1829 contre les Turcs, et avait rempli d'importantes fonctions dans la guerre de la Pologne contre la Russie, en 1830 et 1881. La Marmora estimait qu'il aurait fait un excellent chef d'État-Major, plutôt qu'un général en chef. — Accusé de trahison, à la suite de la déroute de Novare, il dut comparaître devant une Commission militaire, où sa parfaite honorabilité fut pleinement démontrée. Il donna sa démission dans l'automne de 1849 et, quoique pauvre, refusa la pension ou indemnité qu'on lui offrait, avec un désintéressement, d'autant plus noble que les autres généraux étrangers, aux quels on avait offert le commandement de l'armée avant lui, avaient demandé des sommes énormes, pour leurs services (Cf. Lamarmora, Un Episodio, p.65, et Risorgimento, 22 avril 1850).

CCII.

29 mars 1849.

Mon cher ami,

Le ministère est formé (1). Demargherita et Gioberti ont accepté. Le Roi va jurer le Statut. Il renverra ensuite la Chambre, et fera la paix. Les ministres sont des gens de coeur, et le Roi est un honnête homme. Avec cela, le pays peut être sauvé.

Mille amitiés.

C. Cavour.

CCIII.

Turin,  31 mars 1849.

Mon cher ami,

Le ministère s'est constitué sans moi, ce qui vaut mieux pour tout le monde et pour moi spécialement (2). Je suis très content des individus qui le composent. Ils sont fermes et modérés, et, avec l'aide de Gioberti, ils parviendront à vaincre les difficultés de la position.

(1) De Launay Gabriel, président — Pinelli, intérieur — De Launay G., affaires étrangères — De Margherita, grâce et justice — Mameli Cristoforo, instruction publique — Nigra Jean, finances — Morozzo della Bocca, guerre et marine — Galvagno, agriculture et commerce — Gioberti, ministre sans portefeuille.

(2) Les nouveaux ministres, quoique mes bons amis, ne font guère plus de cas de moi que les anciens, qui me détestaient. — Je leur sais gré de me laisser dans un coin; je ne demande pas mieux que de retourner au milieu des champs, reprendre en main la charme, que j'ai trop longtemps négligée. (Lettre du comte de Cavour au due de Dino, Alexandre Talleyrand de Périgord, avril 1849).

L'armée est entièrement dévouée au Roi et les masses aussi. Le parti turbulent n'a pas de racines dans le pays. Ainsi, je considère que l'avenir sera moins mauvais qu'on ne pouvait le juger au premier moment.

L'emprunt volontaire a été publié avant-hier. Hier, on a déjà porté de l'argent aux finances, on en porterà plus encore aujourd'hui. Les obligations seront souscrites avant le 15 avril, et peut-être les IO millions qui doivent participer au tirage extraordinaire de la fin de mai, le serontils dans peu de jours. Je vous engage à souscrire une forte somme, cela ne peut être qu'une bonne affaire, car en définitive, voici notre situation financière:


Anciennes dettes (le perpétuel excepté)   63 millions
Emprunt volontaire de 1848  10      »
Emprunt forcé de septembre  40      »
Emprunt fait à la Banque  20      »
Emprunt pour liquider les frais de la guerre   80      »
Emprunt pour renvoyer Radetzky  70      »

258 millions
A déduire les dépenses faites et soldées pour le chemin de fer de Grènes  40      »
213 millions

Cette somme, relativement à la population et à la richesse du pays, est moins considérable que la dette de France et celle de Belgique.

Les Chambres vont être dissoutes et le décret de l'état de siège est signé.

Ma grand-mère est très mal (1), je crains que cette fois,. elle approche de la fin.

(1) Madame de Cavour née de Sales.

C'est une perte immense pour nous, car elle a conservé, et conserve encore, toutes ses facultés du cœur et de l'esprit. Adieu, mille amitiés.

C. de Cavour.

CCIV.

avril 1849.

Mon cher ami,

Vos nouvelles de Gènes sont bien intéressantes (1). Les républicains ont cru un moment pouvoir tenter un grand coup, mais ils ne tarderont pas à s'apercevoir que le seul résultat auquel leurs efforts puissent aboutir, serait des désordres matériels passagers.

(1) Le 25 mars, le lieutenant général du Roi, le Prince de Carignan, après le désastre de Novare et dans la crainte que l'armée autrichienne n'envahit Turin, avait prorogé le Parlement et annoncé que, si les circonstances l'exigeaient, il le réunirait dans une autre ville que Turin. — La municipalité de Gènes s'empressa d'offrir au gouvernement de réunir la Chambre dans cette ville, qui, par sa position et ses fortifications, lui offre it un abri assuré et d'où il pourrait continuer la guerre à outrance et repousser les clauses de l'armistice, que la nation entière considérait comme ignominieuses et inacceptables. — Les députés de Gènes ne furent pas re$us par le Roi, mais ils eurent une audience du ministre Pinelli, auquel ils communiquèrent la douloureuse impression produite par l'armistice et par la prorogation, puis la dissolution du Parlement, dans les terribles circonstances où se trouvait le pays, ainsi que l'ardent désir des populations génoises de ne reculer devant aucun sacrifice, plutôt que de se soumettre à l'Autriche. La dissolution du Parlement était, en effet, considérée par plusieurs comme un vrai coup d'État et comme Victor-Emanuel, à peine monté sur le trône, n'était pas encore connu comme le Re Galantuomo, incapable de manquer à sa parole, les bruits les plus contradictoires et les pronostics les plus noirs circulaient au sujet de l'avenir de la liberté et de l'indépendance du Piémont vaincu par l'Autriche.

Le gouvernement est décidé à maintenir l'ordre à tout prix, et il peut pour cela compter d'une manière absolue sur l'armée.

Radetzky a déclaré ne pas pouvoir prendre sur lui, de changer les bases de l'armistice, mais il a conseillé a nos envoyés de se rendre à Vienne, auprès de l'Empereur, en leur faisant comprendre que cette démarche aurait un heureux résultat.

 A Gènes, en particulier, l'opinion publique était fortement excitée, d'autant  plus que le bruit y avait couru que la ville devait être, comme Alexandrie, occupée par l'armée autrichienne, jusqu'à la conclusion de la paix, et Gènes, qui avait si glorieusement chassé les Autrichiens de ses murs, en 1746, ne pouvait supporter l'idée de les y voir rentrer en maîtres, en 1849. La municipalité fit distribuer des armes au peuple et au clergé qui, lui même, s'arma aussi, pour la défense nationale et le salut de la patrie compromis par l'armistice de Novare. Ce fut un moment d'enthousiasme indescriptible. — Italia respira/ Genova è un solo uomo, — Genova, la città di Maria Santissima, è pronta a seppellirsi sotto le sue rovine, piuttosto che patteggiare col croato — s'écriait la Gazzette de Gènes, et le syndic, Profumo, invoquait le concours de tous les citoyens, pour défendre les fortifications de la ville et s'y faire ensevelir, plutôt que de se rendre à l'ennemi. — Malheureusement les esprits ne tardèrent pas à se monter. — Gènes était la patrie de Mazzini, qui y comptait de nombreux adhérents, en particulier parmi les émigrés politiques, qui s'y étaient réfugiés de toutes les provinces d'Italie; de plus il n'y avait jamais eu une grande sympathie entre les génois et les piémontais, et bientôt, après quelques scènes de désordre dans les rues et sur les places publiques, éclata une véritable révolution. Le 1er avril les insurgés élevèrent des barricades; aidés par la Garde nationale, ils s'emparèrent de la darse et des 15 à 20 mille fusils qu'elle contenait, sommèrent le général commandant la place, De Azarta, de leur consigner le vaste local de Spirito Santo, où il avait concentré la garnison, et, sur son refus, ils l'attaquèrent et le forcèrent, après quelques heures de combat, à signer une capitulation, par laquelle il s'engageait à quitter immédiatement Gênes, avec la gendarmerie et les 4000 soldats qu'il y avait sous ses ordres. Les fortifications de la ville furent occupées par le peuple, qui se déclarait prêt à mourir plutôt que d'y laisser pénétrer «le Croate» — Comme on le voit, si cette Révolution de Gènes fut profondément regrettable, comme tout ce qui aboutit à la guerre civile, elle fut cependant patriotique à son début, puisqu'au fond, elle ne fut que l'expression de l'indignation partagée par une grande partie du Parlement et des communes du Piémont, contre l'armistice de Novare. Ne pas reconnaître cet armistice, ni l'abdication de Charles Albert, qui n'avait point encore été officiellement signée, tenter de rassembler les débris de l'armée! (le corps lombard commandé par Fanti et la division Lamarmora étaient encore intacts),

On considère que l'Autriche a renoncé à l'occupation d'Alexandrie. Hàtez-vous de souscrire des obligations, car vous les verrez, dans quelques mois, au pair. Il y a dans le pays plus d'argent qu'on ne le croit.

Je n'ai pas vu les ministres et ne puis, par conséquenty vous donner aucune nouvelle particulière.

Ma grand-mère est toujours dans le même état.

Adieu, mille amitiés.

C. de Cavour.

L'affaire des rails est-elle finie?

.............................................................................................

CCV.

2 avril 1849.

Mon cher ami,

Ce matin, Mr Scaravaglio, que vous connaissez, est venu me dire que Mr Nigra lui avait propose de prêter de 6 à 8 millions aux finances, pour un an, sur dépôt de rentes du 19 que possèdent les finances, (douaire de Marie-Christine). Il se contenterait d'une avance de 60 francs par inscription de 5 francs.

 

continuer la guerre à outrance, en s'entendant avec les gouvernements de Florence, Rome et Venise, réunir le Parlement sarde dans l'enceinte fortifiée de Gènes et faire de cette ville le boulevard de la liberté et de l'indépendance de l'Italie, ce n'était certes pas un pian antipatriotique, et si le mouvement se fourvoya ensuite et prit un caractère qu'il ne devait certainement pas avoir à son débat, on ne saurait accepter, sans bénéfice d'inventaire, les violentes accusation? qu'on ne lui a pas épargnées, en particulier Lamarmora.

Il payerait le 5 % et de plus, une commission d'un et demi.

Scaravaglio prétend que c'est une affaire superbe, pourvu qu'on put la combiner avec des maisons étrangères, qui consentiraient à ce qu'on tirât sur elles, à 3 mois. On gagnerait d'après cela, le change, qui est encore très élevé, bien qu'avec une tendance marquée à la baisse.

Il est certain que les affaires s'arrangeant, les billets reviendront au pair et les changes, aussi. De plus, en déposant les titres à la Banque de Gènes, on pourrait avoir de l'argent au 3 ½ ou au 4 au plus. Ainsi on gagnerait:

Différence sur l’intérêt             1         %
Commission1  ½   %
Différence sur le change          3        %
5  ½  %
J'ai répondu à Scaravaglio que je vous en écrirai.

L'affaire me parait bien claire, elle ne pourrait être avantageuse qu'autant qu'elle serait traitée de compte à demi avec une maison de Londres, sur laquelle on tirerait à 26,60, dans l'espoir de la rembourser dans trois mois, à 25,60.

Lamarmora (1) a couché jeudi à Casteggio, il sera aujourd'hui ou demain à Grènes. Je ne doigté pas que sa présence ne suffise pour rétablir l'ordre. Il a l'énergie nécessaire pour y parvenir, quand même les Pellegrini et les Lazotti (2) voudraient pousser les choses à l’extrême.

(1) Le général Alphonse Lamarmora nommé commissaire royal extraordinaire à Gènes, ayant sous ses ordres la 6° division, forte de 7670 hommes et la division l’avant-garde, forte de 2875 hommes.

(2) Principaux chefs du mouvement révolutionnaire de Gênes. — Voir Lettre CLXXXIV.

Belvedere (1) doit vous arriver avant Lamarmora, avec un très bon régiment. Ici, nous sommes parfaitement tranquilles. Je vous envoie une note de mon libraire de Londres, en vous priant de vérifier si le paquet de livres, dont il parie, a passé par vos mains.

Mille amitiés.

C. de Cavour.

CCVI.

9 avril 1849.

Mon cher ami,

Votre lettre de hier ne me paraissait pas fort inquiétante. Plus tard Scaravaglio m'en a communiqué une autre, qui représente les choses sous un aspect infiniment plus grave, mais je pense que le correspondant de Scaravaglio est un exalté. J'attends avec bien de l'impatience, le courrier de ce matin (2).

Ici, nous sommes excessivement tranquilles; en général, on n'a pas grande foi dans l'énergie des perturbateurs génois.

Dans le doute de savoir si l'avocat Cassinis vous écrit, je vous transcris la sentence rendue par la Cour de cassation sur sa plaidoirie, elle ne saurait vous être plus favorable.

(1) Colonel du 18° Régiment de ligne, qui n'entra cependant à Gènes, qu'avec Lamarmora. (Lamarmora, Episodio, p.99).

(2) La révolution continuait, en effet, à Gènes. Les rues étaient barricadées, la division militaire avait dù capituler avec les insurgés et quitter la ville, puis un gouvernement provisoire, ou comité de sùreté publique, avait été constitué, ayant à sa tète trois triumvirs, Joseph Avezzana, Constantin Reta et David Morchio, et les choses étaient beaucoup plus graves que M. de Cavour ne le pensait.

 

«Il magistrato di Cassazione annulla la sentenza del Consiglio di disciplina di Genova del 3 marzo, — manda restituirsi la somma depositata a titolo di multa, e dichiara non essere lungo a procedimento ulteriore».

Je suis charmé que la Cour ait donné une bonne legon à vos démocrates du Conseil de discipline.

Adieu, mille amitiés.

C. de Cavour.

Ma grand-mère est toujours dans le même état.

CCVII.

Turin, 10 avril 1849.

Mon cher ami,

Je ne vous écrivais plus depuis quelques jours, de crainte de vous compromettre. Mon nom n'est pas en odeur de sainteté auprès des agitateurs génois, de sorte qu'ils vous auraient su peu de gré d'être en c9rrespondance avec moi.

Grâce au ciel, vous êtes en sûrete (1) maintenant, et n'avez plus rien à craindre, pour vos personnes du moins, des misérables qui ont attiré sur la ville de Gènes de si grands malheurs.

J'espère que votre appartement, et plus encore votre caisse, n'auront pas à souffrir des suites de la lutte qui peut encore avoir lieu. Je ne doute pas que Lamarmora ne sache maintenir l'ordre et la discipline et prévenir tous les désordres qui ne sont pas absolument inévitables, dans des circonstances aussi douloureuses.

(1) La famille de Mr de la Rue (ainsi que plusieurs autres de leurs amis), s'était réfugiée à S. Pier d'Arena. Les autres membres de la colonie étrangère à Gènes avaient fait de même, ou bien avaient obtenu d'être reçus à bord des navires étrangers, qui se trouvaient alors dans le port.

Quoique vous ayez de nombreux amis dans l'armée, qui s'empresseront de vous venir en aide, j'ai pensé qu'il pourrait vous être, sinon utile, du moins agréable, d'avoir un mot pour le général en chef. C'est pourquoi je vous envoie deux lignes pour Lamarmora (1), avec lequel je suis très lié. Vous pouvez également vous réclamer de moi auprès de son chef d'état major, Petitti (2), qui est aussi un de mes bons amis.

J'ai envoyé hier, plusieurs fois, faire le tour des auberges, pour vérifier si votre beau-frère était arrivé, mais à neuf heures du soir, je n'avais que des réponses négatives.

(1) Voici la lettre que le comte de Cavour adressait au général Lamarmora:

«Turin, avril 1849.

«Je prends la liberté de t'écrire deux mots, pour te recommander vivement Mr de la Rue et sa famille, qui se sont réfugiés à S. Pier d'Arena, en attendant que tu aies réduit à la raison les anarchistes qui désolent Gênes. Mr de la Rue, mon intime ami, est le chef d'une des maisons de banque les plus considérables de Gênes et de l'Italie. Je te serai infiniment reconnaissant de tout ce que tu pourras faire en sa faveur. Je n'ai pas besoin de t'exprimer l'admiration que j'éprouve pour la manière dont tu as conduit les opérations militaires, dont tu as été chargé. Seulement, j'ai senti s'augmenter le regret de ce que le stupide ministère qui nous a poussés à la guerre, n'ait pas su se servir, comme il aurait fallu le faire, du seul homme capable de la diriger.

«Adieu, rappele-toi que sur toi repose l'espoir de tous les honnêtes gens».

(2) Le comte Agostino Petitti Baglioni di Roreto, chef d'état major de Lamarmora et son secrétaire au ministère de la guerre, de 1849-1859, concourut largement, avec lui, à la réforme de l'armée piémontaise, l'accompagna en Crimée comme chef d'état major, fit ensuite partie de l'ambassade piémontaise au couronnement de l'Empereur de Russie; prit brillamment part à la guerre de 1859, où il se distingua spécialement à Palestro et Solferino; lieutenant général en 1860, député du Collège de Cherasco, ministre de la guerre en 1862 (cabinet Rattazzi) et en 1864 (2e ministère Lamarmora), nommé sénateur en 1870.

Ce matin, je m'en vais faire recommencer mes explorations. Je ferai tout ce qui dépendra de moi pour lui rendre son séjour à Turin le moins désagréable possible.

Le gouvernement montre jusqu'à présent, assez de fermeté; quelques personnes voudraient qu'il eut recours aux coups d'État, mais je ne crois pas qu'ils aient raison, pour le moment.

J'irai parler à Nigra (1), afin qu'il prolonge le temps accordé pour les versements de l'emprunt, en faveur de Gènes.

Croyez à ma bien sincère amitié.

C. de Cavour.

CCVIII.

11 avril 1849.

Mon cher ami,

Je ne vous ai pas écrit, ayant été de garde au palais du Roi.

Je me félicite de la manière dont les affaires de Gènes ont fini (2). Lamarmora s'est extrêmement bien conduit, et je ne doute pas qu'il ne finisse par devenir populaire.

(1) Le commandeur Jean Nigra, ministre des finances.

(2) Le général A. Lamarmora, après avoir bloqué la ville de Gênes, avait réussi, par une habile et vigoureuse attaque, à s'en rendre maître, après l'avoir bombardée pendant plusieurs heures. Malheureusement, ce ne fut pas sans effusion de sang que ce résultat s'obtint, et les souvenirs de ce triste épisode du Risorgimento italien, où la guerre civile vint s'ajouter à tant d'autres désastres, sont parmi les plus douloureux de cette époque. Le gouvernement accorda une amnistie générale à tous ceux qui avaient pris part à l'insurrection, sauf à 12 des plus compromis, qui étaient le général Avezzana, l'avocat David Morchio, l'avocat Ottavio Lazotti, l'avocat Didaco Pellegrini, Costantino Reta, Nicolò Accame, l'orfèvre Ant. Gianué Borzini. le marquis G. B. Cambiaso, l'avocat Frédéric Campanella, G. B. Alberti ni, orfèvre, et Weber, qui purent prendre le large avant que la ville fût au pouvoir du général Lamarmora.

Il est destiné à sauver le pays, dans les différentes crises par lesquelles il nous faudra encore passer.

Nigra est un des esprits les plus étroits que je connaisse, et, par malheur, il a choisi pour unique conseiller son neveu, le comte Gallina, qui est un bon caissier, mais un médiocre financier. Je n'ai pas pu lui faire comprendre que les génois, qui ne pouvaient verser par suite des événements, devaient obtenir un délai. Il m'a répondu que la loi était positive, et qu'il n'avait pas l'autorité de la changer.

Si vous avez versé hier, je crois que vous serez compris dans les premiers 10 millions, car avant-hier, à midi, ayant fait verser 20 mille francs pour mon compte, on m'a assuré que je serais compris dans la classe favorisée.

N'oubliez pas de prendre du 5 %, pour utiliser votre emprunt volontaire; il suffit de verser une somme égale à celle qui vous est due. Ainsi, si vous avez des bons pour 13 mille francs, en souscrivant pour 26 mille francs, vous aurez du 5 % à 72 avec jouissance du 1er janvier.

On paye, à bureau ouvert, les intérêts des rentes de l'emprunt forcé, mais l'émission des titres va lentement.

L'affaire dont Scaravaglio m'avait parlé, m'a toujours paru un imbroglio. Il comptait bénéficier sur les changes, mais il est évident qu'en tirant 7 à 8 millions de suite, sur Londres et Paris, on les aurait fait tomber, et qu'il n'y aurait plus eu de marge pour l'opération.

Je crois d'ailleurs, que ni lui, ni Nigra n'y pensent plus.

Je m'en vais passer deux ou trois jours à la campagne.

Adieu, mille amitiés.

C. de Cavour.

CCIX.

16 avril 1849.

Mon cher ami,

Ma course à Leri n'a pas été longue. A peine étais-je arrivé, que j'ai reçu une lettre pressante du ministère qui me rappelait à Turin. Ces messieurs voudraient que j'allasse à Milan, aider Boncompagni (1) et Dabormida (2). Je ne veux adhérer à leur désir qu'autant que j'aurai la faculté de conduire les négociations à ma guise; ce à quoi ces messieurs ne sont guère disposés à consentir. Dans ce cas, je retournerai à mes champs.

(1) Plénipotentiaire du Piémont, pour le traité de paix avec l'Autriche. Charles Bon-Compagni di Mombello, né en 1804 à Saluggia, s'occupa activement en 1845 de la création des Asili infantili à Turin, et fut chargé de la compilation des Lettres Patentes, par lesquelles le gouvernement régla alors les écoles magistrales du Piémont — Ministre de l'instruction publique dans le 1er cabinet constitutionnelle présidé par César Balbo (16 mars à 27 juillet 1848), puis dans celui présidé par Alfieri, il prit une large part aux tentatives faites pour constituer une ligue entre le Piémont, Rome et la Toscane. Après la défaite de Novare, il fut chargé, avec Dabormida, de négocier la paix avec l'Autriche. Député au Parlement pendant plusieurs législatures, — il fut appelé, lors du 2e cabinet d'Azeglio (1852), à diriger le ministère de l'instruction publique et de grâce et justice; c'est lui qui proposa la fameuse loi sur le mariage civil, que la Chambre appronva, mais que le Sénat repoussa. Il présida la Chambre pendant la 5° législature. En 1857 il fut ministre plénipotentiaire du Piémont en Toscane, et lorsque, après la fuite du grand-due Léopold II, un gouvernement provisoire y fut constitué et que la Dictature fut offerte à Victor-Emanuel, celui-ci nomma Boncompagni son commissaire extraordinaire, fonctions qu'il remplit ensuite aussi, à Bologne, avec un dévouement et une intelligence remarquables, jusqu'au Plébiscite de l'Italie Centrale, le 5 novembre 1860.

(2) Dabormida, Voir Lettre CCCXCVIII.

Si vous avez versé le 13, vous devez être dans les 10 premiers millions, j'irai en parler à Nigra. J'irai également parler à Bona pour finir l'affaire des rails. Je suis pressé que ce compte soit liquidé, pour pouvoir terminer avec Golzio et Rignon.

Dites-moi quel est notre correspondant à Milan. Est-ce Ulrich et Brot, ou Vallabio et Ber ani? Adieu, à la hâte, mille amitiés.

C. de Cavour.

CCX.

Turin, 18 avril 1849.

Mon cher ami,

Je ne suis pas parti pour Milan, parce-qu’un des plénipotentiaires, Boncompagni, est arrivé porteur d'un projet de traité présenté par l'envoyé autrichien, Mr de Bruck, tout-à-fait inacceptable. Les propositions de l'Autriche sont telles que le Roi devrait abdiquer plutôt que d'y souscrire. Elle ne demande rien moins que 200,000,000 et d'autres conditions presque aussi dures, et certainement plus humiliantes.

C'est là une grave compilation, qui peut avoir des conséquences funestes.

Je vous donne ces nouvelles, sous le sceau du secret, car les ministres les tiennent cachées.

Abercromby et Bois-le-Comte ont encouragé le cabinet à la résistance. Mais leur appui sera-t-il bien valide?

Lamarmora ne peut pas traiter Gènes comme Espartero a traité Barcelone, mais soyez certain qu'il ne manquera pas de fermeté.

Adieu, mille amitiés,

C. de Cavour.

CCXI.

20 avril 1849.

Mon cher ami,

J'ai vu hier l'intendant Bona. Il m'a annoncé vous avoir écrit pour vous expliquer ce qui restait à faire pour terminer le contrat des rails, que nous avons garanti. D'après ce qu'il m'a dit, il me semble que la seule chose essentielle, c'est la livraison de 1000 tonnes de rails par Guest, qui a voulu, encore une fois, éluder les conditions du Cahier des charges. Il y a aussi quelques réclamations pour des coussinets casses, mais cela est peu de chose. En définitive, M. Bona croit que, dans une quinzaine de jours, le compte définitif de Thompson pourra être établi. Le brave intendant n'a nulle envie de nous chicaner, seulement il est bien aise de profiter du délai que le contrat lui accorde, pour retarder les payements.

Lamarmora m'a écrit avoir eu le plaisir de vous voir. Vos vœux sont satisfaits. La Garde nationale est dissoute (1). Tenez pour certain que Lamarmora ne commettra ni imprudences, ni faiblesses. Il a, au plus haut degré, le bon sens militaire, qui vaut mieux que l'esprit dans des circonstances difficiles.

Je ne sais rien de nouveau de Milan.

L'opinion générale des hommes modérés est qu'il vaut mieux courir les chances d'une guerre, que de se soumettre à des conditions déshonorantes (2).

Mille amitiés.

Camille de Cavour.

(1) Le 16 avril, sur la proposition du ministre de l'intérieur, Pinelli, le Roi avait décrété la dissolution de la Garde nationale de Gênes, jusqu'à la fin de l'état de siège, sous lequel se trouvait alors la ville.

(2) C'était, au fond, l'idée de tous les libéraux d'alors et en particulier de ceux de Gènes.


vai su


CCXII.

26 avril 1849.

Mon cher Émile,

Nous ne cessons pas d'être dans les tribulations. Ma nièce, Josephine (1), a été frappée par une fièvre cérébrale, qui l'a mise dans un état très dangereux. Il a fallu lui faire neuf saignées, en quatre jours. Grâce au ciel, elle est mieux, depuis avant hier. L'inflammation est vaincue, mais elle est restée dans un grand état de prostration et de faiblesse.

Si vous écrivez aux Thompson, vous pouvez leur dire que l'intendant Bona et les commissaires se louent extrêmement d'eux. Leurs rails n'ont jamais donné lieu à la moindre discussion. Il n'en est pas tout à fait de même de ceux de Guest. C'est celui-ci qui est en retard de 1000 tonnes, qu'on a du faire débarquer.

Rignon me demande sans cesse, de terminer l'affaire Golzio; pour cela, il faudrait que je susse, à quelques centaines de francs près, ce qui peut lui revenir de commission encore. Veuillez me dire quelque chose à cet égard.

L'entrée des Allemands à Alexandrie (2), a fait de la peine, mais n'a pas causé le moindre désordre. Pour le moment le pays est fatigué et découragé.

Le ministère est au-dessous de sa tache. Je me tiens aussi éloigné de lui que possible.

Mille amitiés.

Camille de Cavour.

(1) Épouse du marquis Alfieri.

(2) Parmi les conditions de l'armistice, la place d'Alexandrie devait être occupée par une garnison dont la moitié serait autrichienne, jus' qu'à la signature définitive du traité de paix.

CCXIII.

(sans date).

Mon cher ami,

Je vous remercie du vif intérêt que vous prenez à nos chagrins de famille; grâce au ciel, le mieux se soutient, et ma nièce me paraît décidément hors de danger.

Je vous prie de m'assigner la part de Golzio dans le compte des rails, afin que je puisse payer Rignon, qui devient importun.

Lorsque Golzio ne devra plus que deux ou trois mille francs, je verrai de les lui arracher d'une manière ou d'une autre.

Les 1200 tonnes, que Guest doit fournir en juin, avaient été déjà embarquées, mais les commissaires s'étant aperçus qu'elles n'étaient pas conformes aux conditions passées, les ont fait débarquer.

S.... n'a rien à voir avec la Banque de Turin. C'est tout simplement un aventurier, qui est arrivé ici avec un projet de Banque nationale, combiné dans le but unique de se faire nommer directeur. Il a trouvé quelques badauds, qui ont consenti à souscrire à son projet, sans toutefois prendre aucun engagement sérieux.

Le projet communiqué à la Chambre de commerce de Turin, a été l'objet d'un rapport très sévère de M. Cotta, qui, sans être notre ami, est un honnête homme, qui a flétri, comme il le méritait, l'impudent personnage.

Je doute qu'on puisse mettre en activité notre Banque, tant que celle de Gènes n'aura pas repris ses payements en espèces. Si le pays avait l'habitude du papier, il serait possible de le faire, en effectuant tous les payements en billets de la Banque de Gènes, mais ce serait là un mauvais début.

Si, toutefois, le gouvernement parvient à conclure un emprunt à l'étranger, les billets tomberont au pair et alors nous pourrons marcher. Dans toutes les hypothèses, il faudra encore plusieurs mois, avant que nous puissions marcher.

Je crois que vous avez tort de reprocher au Risorgimento la fermeté de son langage. Nous ne pouvons adhérer aux demandes exorbitantes de l'Autriche; la France nous entourage dans cette voie de résistance; il est donc tout naturel que nous ne parlions pas comme de gens qui ont perdu tout espoir de pouvoir soutenir une lutte. Pour peu que la France nous vint en aide, les soldats se battront beaucoup mieux pour l'honneur du Piémont, qu'il ne l'ont fait pour le salut des Lombards.

Lisez les Débats du 26, arrivés ce matin, et vous conviendrez, j'espère, que nous agissons dans les véritables intérêts du pays.

Mille amitiés.

Camille de Cavour.

PS.............J'ai eu hier une longue conférence avec Azeglio; j'espère avoir réussi à le décider à accepter le ministère des affaires étrangères.

Que dites-vous du taux auquel l'emprunt de la ville de Paris a été soumissionné?

CCXIV.

Turin, 2 mai 1849.

Mon cher ami,

J'ai eu une longue conférence avec Nigra. Il m'a dit que Rothschild lui avait fait faire des propositions, mais qu'il avait demandé quelle serait l'indemnité de guerre à payer à l'Autriche.

Or le ministère ne peut répondre sur ce point, tant que la paix ne sera pas signée, c'est-à-dire dans quelque temps; en attendant, il voudrait faire un emprunt de 20 à 30 millions, pour faire face aux besoins du moment.

Si M. Odier était disposé à traiter cette affaire, il trouverait, je crois, Nigra assez coulant. Je crois qu'il devrait entrer en négociation et ne s'engager définitivement qu'après qu'on connaîtra le résultat des élections en France. Si le parti modéré triomphe, les fonds remonteront dans toute l'Europe.

Si M. Odier avait l'intention sincère de traiter cette affaire, je pourrais entrer en correspondance directe avec lui, et lui fournir tous les renseignements qui pourraient l'aider à fixer ses idées d'une manière positive.

A la hâte, mille amitiés.

Camille de Cavour.

CCXV.

22 mai 1849.

Mon cher ami,

J'ai enfin quitté ma retraite, pour rentrer dans le tourbillon de la politique. Dieu! quelle différence entre le calme de la campagne et l'agitation du bureau d'un journal quotidien !

J'ai vu Pinelli et d'Azeglio. Le premier me paraît tout à fait au-dessous de sa mission. Le second, au contraire, est l'homme qu'il nous faut.

Du reste, notre avenir dépend de celui de l'Europe; toutes les questions politiques disparaissent devant la grande question sociale. Les élections françaises sont un grand avertissement; les succès nombreux que les socialistes ont obtenus, sont de nature à effrayer, même les plus courageux.

Toutefois, j'espère encore que le parti de l'ordre aura la force de surmonter l'orage, mais il est indispensable qu'on travaille à éclairer les classes inférieures et à améliorer leur sort, sans quoi une épouvantable catastrophe est inévitable dans un avenir prochain.

L'exécution de Ramorino (1) a eu lieu ce matin. Il est mort avec un courage remarquable. Il est arrivé sur le champ de Mars, accompagné de deux prêtres, et il a traversé d'un pas ferme, toute la ligne de bataille. Arrivé au lieu où l'exécution devait se faire, il s'est arrêté, a embrassé les prêtres qui l'avaient assisté, s'est avance à dix pas du peloton qui devait le fusiller, et il a commandé luimême le feu.

J'ai écrit à Golzio hier, s'il ne me répond pas dans la journée, j'irai le trouver.

Adieu, mille amitiés.

Camille de Cavour.

CCXVI.

Vendredi, 24 mai,11 heures,1849.

Mon cher Émile,

Golzio vient de m'apporter la réponse; elle est un peu laconique, mais elle me paraît suffisante pour que notre affaire soit considérée comme tout à fait régulière. Demain, je vous en expédierai une copie, que je certifierai.

(1) Le général Ramorino fut condamné à mort, non pour crime de trahison, mais pour avoir désobéi au général Chrzanowski, qui lui avait ordonné de détruire le pont de Mezzanacorte, si les autrichiens débouchaient du côté de Pavie, afin de les empêcher de s'emparer de cette ville et pour défendre la position de la Cava, sur la rive gauche du Po. Au lieu de cela, Ramorino passa sur la rive droite du Pò, sans opposer de résistance à l'armée ennemie. Il fut donc condamné à être fusillé, non pour avoir trahi, mais pour avoir désobéi et compromis le sort de l'armée, délit prévu par le code militaire et puni de mort. (Lamarmora, Episodio, etc., p.63 et 64).

Il m'annonce, en même temps, qu'il va m'envoyer 1000 livres de rente du 19, qu'il me laisse en garantie, pour des traites de la valeur de 15,000 francs, à quinze jours, qu'il va tirer sur vous.

Je crois que vous pouvez, sans inconvénients, faire cette affaire de Banque. Si, par hasard, vous désiriez qu'elle fut pour le compte à demi, je n'aurais nulle répugnance à m'y associer, car le 19 vaudra toujours au-delà de 75.

D'ailleurs, je crois que Golzio est fort au-dessus de ses affaires.

J'ai pris force renseignements, et il ne m'est pas résulté qu'il eut subi des pertes. Au contraire, il a fait, dans ces derniers temps, plusieurs affaires excellentes. Je crois que la source de ses embarras vient de sommes considérables qu'il a du payer pour la maison de son frère (Golzio, Casalegno et Gobbi), qui avait entrepris au-delà de ses forces.

Mais cette maison a du, elle-même, beaucoup gagner cette année.

Golzio, au reste, a le talent de captiver tous les grands faiseurs, car il vient d'être chargé par une société, à la tète de laquelle est M. Brambilla de Milan et Baratta de notre ville, de soumissionner la plupart des travaux du chemin de fer de Gènes, y compris la galerie des Gioghi.

Le gouvernement donne aux entrepreneurs des bons à 5 p. °/0 au taux de 75. Ces bons doivent être convertis en cédules au bout d'un certain nombre d'années, j'en ignore le nombre exact, au cours de 90, ou remboursés à ce cours, au choix du gouvernement.

Cette mesure financière est onéreuse, mais c'est le seul moyen d'activer le chemin de fer, qui dépérit, si l'on suspend les travaux.

Le Roi est mieux ce matin, quoique son état soit encore fort grave.

Envoyez-moi votre affaire des tabacs. Si vous désirez, j'en parlerai au procureur général, afin de donner suite aux poursuites judiciaires.

Adieu, mille amitiés.

Camille de Cavour.

CCXVII.

Turin, 27 mai 1849.

Mon cher ami,

La santé du Roi s'est un peu améliorée; le danger s'est éloigné, mais, malheureusement, il commet des imprudences continuelles; il est difficile de porter sur son état un jugement définitif.

L'état de la France est, en effet, bien grave.

Voici ce que Bixio m'écrit en date du 28: «La nouvelle assemblée sera composée de 250 socialistes ou montagnards, et de 150 légitimistes. La masse ira du coté du plus fort, comme cela est arrivé à la Convention. Nous autres, pauvres girondins, nous ne saurons que mourir avec grâce. Placés entre des imbéciles et des fous, des montagnards ou des J. f. comme nos hypocrites réactionnaires, nous serons annihilés et, en fin de compte, écrasés. Je ne me fais plus aucune illusion, bien que je sois prêt à soutenir la lutte jusqu'au bout».

Bixio est un homme froid, qui juge sainement; vous voyez d'après ce qu'il me mande, que l'avenir n'est pas rose.

Aussi, je crois qu'il faut agir avec la plus grande prudence, jusqu'à ce que l'orage ait éclaté ou soit détourné.

Vous avez bien fait de ne pas vous engager davantage avec Golzio et Scaravaglio. S'ils font l'affaire du chemin de fer avec Balabio, Bessana, Pescatore et autres, ils se remettront probablement à flot.

Le gouvernement a raison de hâter l'achèvement du chemin de fer; il perd, de trop de manières, à attendre. A en juger par les recettes du petit tronc déjà ouvert, ce chemin donnera de très beaux résultats. J'avais raison en 1848, de dire à Odier que le tronc de Turin à Alexandrie serait excellent.

Adieu, mille amitiés.

Camille de Cavour.

CCXVIII.

31 mai 1849.

Mon cher ami,

Mme Davenport (1) est arrivée à Turin, mardi. Hier j'étais de garde, néanmoins je me suis échappé de mon poste, pour aller lui faire une visite; malheureusement elle était sortie et il m'a été impossible de retourner chez elle. J'espère être plus heureux ce matin.

Ma garde m'a empêché également, d'aller chercher Mr Edgard (2) à son hôtel. Exprimez-lui, je vous prie, mes regrets d'avoir si peu profité de son séjour à Turin.

Les nouvelles de France sont meilleures; il paraît que tout le monde, moi le premier, nous nous étions laissés par trop épouvanter par l'annonce du résultat des élections.

La France a voulu se passer la fantaisie d'une minorité socialiste. Je crois qu'en voyant à l’œuvre ces représentants d'un nouveau genre, elle en sera complètement dégoûtée.

D'ailleurs, les nouvelles d'Allemagne sont beaucoup plus rassurantes.

(1) Voir note à lettre CCXIX.

(2) M. Edgard De la Me, neveu de M. Émile.

Reste la question de Rome, dont je ne saurais prévoir la solution. Les légitimistes de l'Assemblée insistent pour la restauration du Pape, le président incline vers ce parti, mais on ne sait comment s'y prendre pour amener ce résultat

Une Maison respectable de Turin, qui a reçu des finances une assez grande quantité de rentes du 19, m'a chargé de vous demander si vous consentiriez à avancer des fonds contre dépôt de ces rentes, à raison du cours de 60.

Cette opération ne présente aucun danger, mais j'ignore si elle peut entrer dans vos convenances.

La Banque de Turin se trouvé avoir à payer tout le papier de ses billets, plus la gravure commandée à Genève. Ces dépenses, jointes au payement du loyer et du directeur, exigent un fort débours de la part des pauvres fondateurs. On nous réclame L. 2500 chacun. Je vais faire verser 5000 pour votre compte.

Si l'Europe se calme un tant soit peu, je crois que nous pourrons commencer vers la fin de l'année.

La sauté du Roi s'améliore lentement..

Adieu, mille amitiés.

Camille de Cavour.

CCXIX.

2 juin 1849.

Mon cher Emile,

J'ai reçu les pièces de votre procès avec la douane. Je les ai communiquées à l'avocat Cassinis, qui, après les avoir examinées, m'a déclaré n'être pas sans espoir de faire rapporter la sentence du conseil d'intendance. Il trouve, et moi aussi, que votre avocat a trop insisté sur le moyen de la prescription, et qu'il aurait fallu faire valoir davantage les arguments qui pouvaient infirmer les assertions de la douane.

Il faut que vous expédiez sans retard une procuration ad litem au procureur Cesare Clara.

J'ai vu Mme Davenport et son amie MmeHoard (1); demain elles dinent à la maison. Lundi elles partent pour Genève. Adieu, mille amitiés.

Camille de Cavour.

CCXX.

6 juin 1849.

Mon cher ami,

Je vous écris deux mots, avant de monter en voiture pour aller passer deux jours à Grinzano. Je serai de retour samedi soir.

Vous pouvez, sans aucun danger, escompter les pagherò de Long et de ses filants. Tous, indistinctement, ont plus ou moins gagné. Ils sont, par conséquent, dans une bonne position.

Je crois, d'ailleurs, que cette année ne présente pas des chances très défavorables.

(1) Je vous recommande deux charmantes veuves anglaises, qui vous ont connu à Londres, Me Davenport (dont vous visitâtes la campagne prés de Chester), et Madame Hoard. Elles arriveront demain soir chez Féder. Nous fumes compagnons d'infortune pendant le bombardement, et avons été à même d'apprécier leur supériorité d'esprit (Lettre de monsieur Émile De la Rue à monsieur le comte de Cavour, 28 mai 1849). — Madame Caroline Anne Davenport (fille de Richard Hurt) femme aussi distinguée par sa beauté que par son esprit, épousa, fort jeune, M. Édouard D. Davenport, qui était beaucoup plus âgé qu'elle. Devenue veuve, elle épousa en secondes noces, en 1852, Édouard J. Littleton lord Hatherthon. — Le général A. Lamarmora l’avait connue à Gènes, en avril 1849, chez M. De la Rue, et chargeait en 1852 le comte de Cavour, lors de son voyage à Londres, de «bien des choses aimables pour Me Davenport, mariée à je ne me rappelle plus qui. Ce sont des souvenirs du bombardement» (Chiala, I, pag. 518). — Le comte de Cavour, dans une lettre de Londres,5 août 1852 (Chiala, I, p.528). à Lamarmora, lui dit: «Je pars pour Fusterley, le country-seat de ton amie lady Hatherthon, notre ancienne Me Davenport».

La récolte ne sera pas très abondante chez nous, il fait trop chaud pour cela. En France, elle sera médiocre, et la concurrence de la Chine sera moins redontable.

La consommation augmente et augmentera encore en Amérique, ce qui suffit pour assurer un débouché à toutes nos soies, dans nos bas prix actuels.

Si cette opération vous convient, je vous demanderai d'escompter un ou deux pagherò de mes amis, Mrs Bolmida, qui ont sur les bras beaucoup de rentes du 19, reçues en payement de fusils.

L'avocat Cassinis vous a écrit directement, au sujet de votre procès, vous pouvez compter sur son zèle et son talent.

Adieu, mille amitiés.

Camille de Cavour.

CCXXI.

11 juin 1849.

Mon cher ami,

J'ai reçu, à Grinzano, vos lettres pleines de détails intéressants sur les affaires de Rome (1). J'en ai reçu hier, en arrivant, une troisième, dont je vous remercie infiniment.

Ces malheureuses affaires produisent un effet déplorable sur l'opinion publique.

Les journaux retentissent des louanges de Garibaldi et des Triumvirs, et le parti républicain lève la tète avec une audace extrême.

(1) Le Pape s'était enfui, appelant à son secours la France, et l'Assemblée romaine avait élu pour Triumvirs et investi de pouvoirs absolus, Mazzini, Saffi et Armellini. Le 24 avril, l'armée française avait débarqué à Civitavecchia et le 26 l'Assemblée confiait aux Triumvirs le soin de sauver la République et de repousser la force par la force. Garibaldi, à la tète de la 1e brigade romaine, défit l'armée napolitaine à Palestrina, et le 3 juin ses soldats soutinrent héroïquement contre 8000 français, le célèbre assaut de l'église S. Pancrace, du casino Corsini et du Vascello».

Je crains bien que ces nouvelles ne produisent en France un contre-coup fâcheux.

Il y a eu à Turin une légère tentative d'émeute, organisée par les lombards, mais elle n'a pas eu de suites sérieuses. Le terrain ici n'est nullement propice aux désordres de la rue.

A mon arrivée j'ai trouvé un billet de Nigra, qui m'engageait à passer au ministère avec Mr Bolmida. Nous nous sommes rendus à son invitation, et avons eu ensemble une longue conférence.

Nigra nous a dit qu'il avait la certitude de pouvoir négocier un emprunt suffisant pour subvenir à tous nos besoins, le jour où la paix serait signée, et que, dans son opinion, ce jour n’était pas éloigné; mais qu'en attendant, il avait besoin de ressources immédiates.

Rothschild se refuse à lui fournir, temporairement, l'argent que réclament les services courants; il se réserve pour le grand emprunt.

Les travaux du chemin de fer étant assurés moyennant le contrat dont je vous ai parlé, qui vient d'être ratifié définitivement, Nigra croit qu'avec 10 millions il peut traverser l'espace de temps qui nous séparé du jour où la paix sera signée.

Après avoir examiné les différents moyens que l'on pourrait employer pour se procurer les 10 millions en question, nous avons conclu:

1° Que le gouvernement émettrait des bons du trésor à six, neuf et douze mois de date;

2° Que ces bons porteraient un intérêt d'un centime et demi par jour;

3° Qu'ils seraient reçus dans les caisses du trésor un mois à dater de leur émission, à leur valeur capitale, et, à leur échéance, à leur valeur réelle, c'est-à-dire intérêt et capital compris;

4° Qu'ils n'auraient pas cours forcé;

5° Que l'émission et le payement de ces bons seraient confiés à l'administration de la Banque de Turin, laquelle recevrait une commission pour sa peine;

6° Que le gouvernement remettrait à l'administration de la Banque, un nantissement des rentes 5 % au cours de 60, correspondant à la valeur des bons émis;

7° que l'administration de la Banque serait autorisée, dans l’intérêt des porteurs des bons, de vendre ces rentes, si, à l'échéance, le gouvernement ne lui remettait pas les fonds nécessaires pour le remboursement des bons.

Vous trouverez, peut-être, que notre moyen offre bien des inconvénients. C'est possible, mais nous n'avons pas su en imaginer de meilleur.

Si, comme Nigra le suppose, la paix sera signée avant peu, il ne convient pas de traiter un emprunt dans ce moment. Si Nigra se trompe et que la paix ne soit pas probable, alors notre système est mauvais, mais tant pis pour lui. Nous ne pouvons raisonner que sur les données politiques qu'il nous fournit.

Nigra aura le moyen d'écouler ses bons, en les donnant aux entrepreneurs, qui sont pressés de rentrer dans leurs fonds. Bon gré, mal gré, il leur ferait prendre des rentes; à fortiori, ils prendront des bons à six et neuf mois.

Je vous prie de garder sur tout ceci le silence le plus absolu. Le projet est très avantageux à la Banque, qu'il met en relief, tout en lui procurant le moyen d'utiliser, sans risques, son matériel et ses employés.

Ainsi que je le marquais plus haut, le contrat relatif au chemin de fer a été conclu avec une société composée de Brambilla, Scaravaglio, Rosazza, Golzio et d'autres individus encore. La compagnie s'engage à fournir au gouvernement 4 millions en argent, et à exécuter des travaux pour 10 millions, aux prix fixés par les anciens projets.

Le gouvernement la paye, moyennant des rentes au cours de 74 1|2, ou bien en argent, si, avant la fin des travaux, il avait des fonds disponibles.

La compagnie s'engage à mettre le chemin en état d'être exploité jusqu'à Novi, la montée de St-Paul exceptée, avant la fin de septembre, et de plus, à exécuter en deux ans la galerie des Gioghi. La compagnie fait une excellente affaire, car elle est certaine de réaliser des bénéfices considérables sur les travaux qu'elle est chargée d'exécuter. Elle a sous traité, je crois, ceux de la galerie, avec de riches entrepreneurs de Verceil, Mrs Larghi, moyennant 10 p. % de bénéfice. Quoique les clauses de ce contrat paraissent, de prime abord, onéreuses au gouvernement, on ne peut le blâmer d'y avoir souscrit, car, avant tout, il faut achever le chemin de fer, qui est pour le pays d'une importance vitale. Si on va à Novi en septembre, on ne découchera plus pour aller à Grènes, ce qui est déjà un avantage immense.

Adieu, mille amitiés.

Camille de Cavour.

CCXXII.

12 juin 1849.

Mon cher ami,

J'envoie, à la course, mon secrétaire chez le procureur Trotti, afin qu'il vous expédie le ricorso que vous devez présenter à Grènes.

Cassinis croyait que vous étiez en mesure de le faire. Je suis fâché du malentendu.

Schiaparelli va vous expédier une caisse de 100 paquets de bougies.

Notre fabrication a été ralentie, par suite de la détermination que nous avons prise d'agrandir une de nos chambres de plomb. Les demandes de nos produits se sont tellement multipliées, qu'il nous a paru indispensable d'augmenter nos moyens de fabrication de l'acide sulphurique, base de toutes les autres branches de notre industrie.

Cette seconde chambre sera admirable, mais, en attendant, nous avons peu d'acide et nous fabriquons moins, de sorte que nous sommes toujours dépourvus de produits.

Dans d'autres circonstances, on pourrait considérer nos affaires comme excessivement prospères; maintenant on ne peut rien dire, quoique notre clientèle soit des plus solides.

L'émeute de samedi n'a été que ridicule. Je considère l'affaire de Rome comme terminée (1).

Adieu, à la hâte.

Camille de Cavour.

CCXXIII.

Turin, 13 juin 1849.

Mon cher ami,

Je me suis mal expliqué au sujet de l'intervention de la Banque dans l'opération financière que nous avons combinée avec Nigra. La Banque joue un rôle purement matériel; elle ne contracte aucun engagement, ni avec le gouvernement, ni avec les porteurs de bons royaux. Elle agit, purement et simplement, comme des trustees, chargés d'assurer l'exécution matérielle du contrat. Si le gouvernement ne paye pas, et que les rentes ne se vendent pas à 60, tant pis pour les porteurs de bons. Nous avons même, pour majeure précaution, déclaré que les régents n'agiraient pas au nom de la Banque, mais seulement comme une commission composée de manière à inspirer une entière confiance au public.

Il ne s'ensuit nullement, de ce que les régents surveillent une opération gouvernementale, que la Banque doive se constituer.

(1) Ledru-RoUin avait échoué à Paris, dans sa tentative de renverser le gouvernement républicain-conservateur de Cavaignac.

Au contraire, je pense comme vous, qu'elle ne doit commencer ses opérations qu'à guerra finita. Aussi, soyez certain, qu'à moins que la paix ne soit signée dans ce mois, la Banque ne fera pas d'appels de fonds, avant la fin de l'année; et encore, si, à cette époque, les circonstances politiques et financières ne s'améliorent pas, nous resterons dans l’état actuel. Seulement, nous surveillerons l'émission des bons du trésor et nous les rembourserons lorsqu'on nous donnera de l'argent pour le faire. Nous utiliserons nos employés et notre local, et nous retirerons 20 à 25 mille francs, ce qui diminuera d'autant, nos frais de premier établissement.

Je ne suis pas en meilleures conditions financières que vous. Personne ne me paye. Un individu, qui m'avait promis de me payer 75 mille francs échus le 1er mars, m'a donne 3000 et il en est tout fier. On ne me paye pas le guano de l'année passée, et j'en ai pour 35 mille francs sur les bras de celui de cette année. Je dois payer les légataires de Mrae de Tonnerre, sans qu'il me soit possible de retirer mes fonds des mains de ses débiteurs. Enfin, j'ai dit aider Rossi et Schiaparelli. Il y a des moments où toutes ces complications me causent de sérieux soucis.

Je ne pense pas que vous ayez besoin de fonds, si la Banque ne se constitue pas. A ce moment, je vous solderai mon compte courant et je vous enverrai des traites de mes acquéreurs de guano, que vous ferez escompter à Gênes.

D'ailleurs, si la Banque se constitue, ce sera une preuve que la condition financière du pays se sera améliorée, et, dans ce cas, nous rentrerons, vous et moi, dans des fonds considérables.

J'ai été hier à l'intendance pour parler au chevalier Bona, mais il était en course sur le chemin de fer. J'y retournerai ce matin, mais je ne pourrai pas vous mander le résultat de notre conversation, attendu qu'à 10 heures et 1|2 je dois aller au conseil divisionnaire, qui durera fort tard. Mille amitiés.

Camille de Cavour.

CCXXIV.

16 juin 1849.

Mon cher ami,

Je puis vous annoncer, d'une manière certaine, que l'on commencera la semaine prochaine à distribuer les obligations du dernier emprunt; 7000 sont déjà prêtes, et le restant ne se fera pas attendre.

La distribution des titres de l'emprunt forcé se fait avec une désolante lenteur. Je n'ai pas pu en obtenir un seul des nôtres, et j'attends également ceux que j'ai acquis pour votre compte. Le comte Regis (1), directeur général de la dette publique, m'a assuré que nous les aurions, sans faute dans le courant du mois d’août.

Le bon Nigra est venu me trouver, pour me parler de ses bons du trésor.

Il m'a dit avoir proposé à la Banque de Gènes de se charger de surveiller la moitié de l'opération, qu'il voudrait porter à 20 millions. De plus, il m'a beaucoup engagé à consentir à ce que la Banque annonçât au public qu'elle commencerait ses opérations à une époque déterminée, le premier octobre, par exemple. Bien entendu que, si, d'ici là, la paix n'était pas signée, nous prolongerions ce terme indéfiniment.

J'ai communiqué le désir du ministre à Mestrezat et Bolmida, qui, tous deux, sont d'avis d'y adhérer, en se réservant la faculté expresse de suspendre cette détermination, dans le mois de septembre, si les circonstances politiques d'alors ne se sont pas améliorées.

(1) Le comte Jean Regis de Savigliano, député de Dogliani à la lé législature et à. la 4e; nommé sénateur en 1850, puis conseiller d'État  mort en 1870.

Le but de Nigra est de donner une consistance à la Banque, et, par là, accroître la valeur morale de ses bons. Je vous promets que si la paix n'est pas faite, si les fonds ne sont pas à 80, on n’opérera aucun versement. Il s'agit tout bonnement, de jeter de la pondre aux yeux du rispettabile pubblico.

Vous me demandez mon avis sur le sort probable de la guerre de Hongrie (1). Les événements ont trompé mes prévisions, plusieurs fois, à cet égard. Jamais je n'aurais cru les Madgyars capables d'aussi grands efforts. Je suis porté, maintenant, à penser qu'ils ne pourront pas résister jaux Russes, et qu'ils seront écrasés, mais je vous avoue que je n'oserais pas hasarder une opération financière sur cette hypothèse.

V. frères, sont peu de chose, les S. me sont inconnus. Le papier dont vous me parlez, m'inspirerait une médiocre confiance, sauf pour ce que vaut la signature de cet excellent Long, qui ne peut pas se dépouiller de sa trop grande facilité.

Dabormida, revenu de Milan, croit que les Autrichiens sont tout disposés à signer la paix, à des conditions acceptables.

Je vous écris à la hâte, le conseil divisionnaire me prenant beaucoup de temps.

Adieu, mille amitiés.

Camille de Cavour.

(1) L'insurrection hongroise, dirigée par Kossuth et Gorgey, contre l'Autriche et la Russie, avait remporté de remarquables succès à Hatvan, Szoluok, Komorn, Buda et Hegyez, mais avait été battue à Waizen et Debrecine.

CCXXV.

25 juin 1849.

Mon cher ami,

J'ai été, cette semaine, tellement occupé par le conseil divisionnaire, que je n'ai pas eu le temps de vous écrire.

Si la paix se signe, comme je n'en doute pas, il est très probable que la Banque commencera réellement ses opérations le ler octobre, et que, par conséquent, il faut se préparer à verser la première moitié des actions.

…..................................................................................

Nigra est un bambin, qui n'a pas encore su mettre en exécution son pian des bons du trésor et, en attendant, il ne paye personne.

On a commencé la distribution des nouvelles obligations; le comte Regis m'a assuré qu'il y en aurait 10,000 la semaine prochaine.

Je vous dirai, en confidence, qu'on m'a offert la mission de Londres. Je ne l'ai pas encore acceptée, parce qu’il me parait que je pourrai être plus utile dans le Parlement, qu'en Angleterre. Qu'en pensez-vous?

La prise de Rome (1) abattra vos rouges, lesquels, d'ailleurs, ne me paraissent pas redoutables, tant que Lamarmora, sera là, avec ses bersaglieri et ses bons Savoyards de Jaillet.

Les rouges, ici, hurlent et se démènent en public, mais au fond, ils sont assez abattus. Le ministère a fait acte de vigueur, en arrêtant et reconduisant aux frontières, un

(1) L'armistice signé par M. De Lesseps, envoyé de France, avec le gouvernement de Rome, fut dénoncé le 2 juin, et le 3 juin l'assaut fut donné par l'armée française, commandée par le général Oudinot. — Ce ne fut cependant, que le 3 juillet qu'elle occupa définitivement Rome (Général G. Pepe, Révolutions et Guerres d'Italie, p.382 et suiv.).

lombard, nommé Perego (1), qui écrivait des articles incendiaires dans le Messaggiere.

Les collèges électoraux seront convoqués pour le 15 juillet. Ils n'auront pas frais. Adieu, mille amitiés.

Camille de Cavour.


vai su


CCXXVI.

26 juin 1849.

Mon cher ami,

Je reçois votre lettre de hier, avec incluse de Ridway; je ne pense pas être tenu à payer des livres qui n'ont pas été livrés à leur adresse. Je vous prie toutefois, de me dire ce que je dois faire.

Je vais m'occuper de rechercher toute notre correspondance relative à la Banque. Il me parait que, de mon côté, j'ai aussi acheté quelques actions pour le compte à demi.

Le conseil provincial finit aujourd'hui, de sorte que j'aurai du loisir pour finir cette affaire.

Ce matin, on est venu me demander de la part d'un individu, qui fait les affaires d'un grand nombre de capitalistes génois, si je serais disposé a céder 100 actions de la Banque de Turin. J'en ai offert 50, à 5 p. % de prime; je pense que vous ne me désapprouveriez pas si je les cédais à 2 p. %>peut-être même, au pair. Je désirerais, toutefois, avoir une réponse précise de votre part.

Adieu, à la hâte, mille amitiés.

Camille de Cavour.

(1) Pietro Perego, agitateur lombard, avait fondé à Turin une feuille démocratique «L'Operaio», qui vécut peu de temps. Renvoyé par le gouvernement sarde, à. la frontière, il se rendit à Vérone au quartier général autrichien, et devint, dit-on, un espion du général Giulay.

CCXXVII.

Turin, 27 juin 1849.

Mon cher ami,

J'ai repassé soigneusement toute notre correspondance, depuis l'approbation de la Banque de Turin, et je n'ai trouvé, relativement à l'achat et à la vente d'actions pour le compte social, que ce qui suit:

…................................................................................................

Ayant quelques fonds disponibles, vous m'obligeriez en m'envoyant le cours des changes. Les affaires de Rome sont bien ennuyeuses.

Adieu.

Camille de Cavour.

CCXXVII.

29 juin 1849.

Mon cher ami,

….............................................................................................

Bombrini est ici depuis deux jours; il a eu plusieurs conférences avec Nigra et avec moi, au sujet de la fusion de nos deux Banques. Il y est tout disposé et paraît ne pas douter de la réussite de notre projet. Je suis resté à Turin, pour tâcher de combiner un pian avec les deux directions.

Si la fusion a lieu, je considère que les actions des Banques fusionnées vaudront au moins 10 p. % probablement 15.

Nous sommes d'accord, avec d'Azeglio, de suspendre toute détermination relativement à l'ambassade de Londres, jusqu'après les élections.

La perspective de recevoir une visite de Mme De la Bue me disposerai singulièrement à accepter le poste qui m'est offert, si je ne croyais pas de mon devoir d'assister au moins, aux premières luttes parlementaires. Adieu, mille amitiés.

Camille de Cavour.

PS. N'ayant pas le temps de m'occuper des changes et du papier, puis-je remettre, pour votre compte, de l'argent aux Long?

CCXXIX.

16 juillet 1849.

Mon cher ami,

Vous verrez par le Risorgimento, que les élections de Turin ont tourné à l'avantage des modérés. J'ai été élu au premier tour de scrutin, à une assez belle majorité. Jusqu'à présent, les nouvelles des provinces sont moins bonnes. Verceil, Casal, Coni ont nommé des rouges. Il est impossible de prévoir le résultat final. Je crains qu'il ne soit que médiocre.

Vous êtes dans l'erreur, si vous croyez que le Risorgimento vous envoie votre copie gratis. L’honnête homme est trop pauvre pour cela.

La Banque de Gênes a adhéré à la fusion. C'est une affaire faite.

J'ai vu Davidy, un instant; j'ai bien regretté de ne pas pouvoir passer plus longtemps avec lui. Il m'a fait espérer que vous viendriez passer quelque temps en Piémont. Je le désire vivement.

Adieu, mille amitiés.

CAMILLE DE CAVOUR.

CCXXX.

26 juillet 1849.

Mon cher ami,

Tous les matins, je veux vous écrire, et tous les matins, quelque contrariété imprévue m’empêche de le faire.

Je ne vous parie pas du résultat des élections; l'opposition a une forte majorité. Reste à savoir comment elle en usera. Plusieurs personnes prétendent qu'elle sera excessivement modérée. Les articles du Corriere Mercantile me le feraient croire. Si cela est, tant mieux. Dans le cas contraire, un coup d'État deviendrait inévitable. Mais alors, comment résoudre la question financière?

La paix est signée; on l'a expédiée à Vienne, pour obtenir la ratification de l'Empereur. L'indemnité est fixée à 75 millions, payables: 15 millions fin octobre et 60 millions de 2 en 2 mois, à 5 millions par fois, à commencer du 31 décembre; cela n'est pas excessif. Si les Chambres sont raisonnables, tout peut s'arranger encore. Seulement, il est indispensable de changer Nigra; son incapacité grandit tous les jours.

La réunion des actionnaires de la Banque aura lieu de lundi en huit. Le local est très avancé. L'opinion se déclare en faveur de notre entreprise; sans les préoccupations de la politique, nos actions vaudraient 20 p. °/0. Voyez pourtant, si, dans la prévision des difficultés qui pourraient surgir par suite d'un coup d'État, il ne serait pas prudent d'en vendre une centaine à 10 p. %

Avec celles que nous avons achetées à prime, nous en avons plus de 300. Au reste, faites ce que vous voulez.

Je vous attends toujours, d'après le dire de Davidy; si vous arrivez avant lundi, je vous ferai assister à la séance: royale.

Adieu, mille amitiés.

CAMILLE DE CAVOUR.

CCXXXI.

29 juillet 1849.

Mon cher ami,

Nigra s'est enfin décidé à émettre des bons du trésor et à émettre un emprunt à 74, payable en trois termes, moitié en argent, moitié en bons.

C'est un ancien projet, que nous avions combiné avec Bolmida, et qu'il aurait fallu exécuter il y a deux mois.

Mr De Bruck a fait offrir, sous main, de prendre des rentes en payement des rentes. C'est une question très délicate.

Je parlerai à Nigra de vos 300,000 francs; seulement j'aurais besoin de savoir si c'est du papier ou de l'argent.

Si l'Autriche recevait des rentes, il est probable qu'elle les déposerait à la Banque de Vienne, et ne les vendrait pas, de quelque temps.

Adieu, je suis très pressé.

Camille de Cavour.

CCXXXII.

Turin, 1er août 1849.

Mon cher ami,

Le ratification de Vienne n'est pas encore arrivée, on l'attend demain. La Chambre approuvera la paix et ne deviendra violente que plus tard. Telle est, du moins, l'opinion de ceux qui croient en savoir très long.

(1) A cause du petit nombre de décorations et de médailles accordées aux officiers et aux soldats de la brigade de Savoie.

Je comprends la mauvaise humeur de la Savoie (1), mais il faut vous dire que le second régiment de la brigade, celui que ne commande pas Jaillet, s'est très mal battu à Novare; il a tout bonnement f.... le camp.

Il faut bien dire la vérité à tout le monde. Au reste, la revue s'est parfaitement bien passée. Les troupes ont accueilli le Roi avec enthousiasme, et elles ont manifeste, d'une manière non douteuse, leur disposition de le soutenir envers et contre tous. Cela devrait faire rentrer dans les voies de la modération, nos députés démagogues. Lundi prochain, aura lieu l'assemblée des actionnaires de la Banque de Turin» J'espère qu'elle produira un bon effet, et que nous pourrons vendre une bonne portion de nos actions, avec un bénéfice raisonnable. En attendant, ne laissez pas échapper une occasion favorable, si elle se présente, en ne vous croyant pas obligé d'attendre ma reponse.

Adieu, cher ami, mille amitiés.

C. de Cavour.

CCXXXIII.

2 août 1849.

Mon cher ami,

La réunion d'hier s'est très bien passée. Nigra a lu un discours que je lui avais composé, et que vous lirez demain dans le Risorgimento. Il a proposé ensuite l'adoption des bases du projet de fusion. L'assemblée a accordé une approbation unanime, en conférant au conseil de régence les pouvoirs les plus étendus pour terminer avec Gènes, et pour obtenir du Parlement les modifications nécessaires au statut.

Il m'a paru que les actionnaires étaient très-satisfaits. J'aurais pu vendre à 10 % j'ai préféré attendre, car, la paix paraissant près de se conclure, il est probable que nous ferons mieux.

La Chambre a été très sage au sujet de Reta (1). Sauf Brofferio (2), qui fait bande à part, personne n'a parlé en sa faveur. Rattazzi (3), lui-même, a formulé le vote, qui le déclare non admissible. Nous aurons quelques moments de répit. Adieu, à la hâte, mille amitiés.

C. de Cavour.

(1) Costantino Reta, ancien directeur du journal le Mondo illustrato, courrier du gouvernement, élu député du collège de Santhià, en 1848. Le parti ministériel avait voulu le faire exclure de la Chambre, parce qu'il le considérait comme salarié par le gouvernement, puisqu'il était courrier, mais celle-ci (Séance du 6 novembre 1848) valida, avec une assez forte majorité, l'élection de Reta, qui prit, dès-lors, rang dans le parti de l'opposition. Gravement compromis dans les événements de Gènes, en mars 1855, auxquels il prit une large part, et où il fut un des triumvirs du gouvernement provisoire, Reta avait été condamné à mort, par contumace, et avait dû se réfugier en Suisse.

La validité de son élection par le collège de Santhià, fut donc contestée au Parlement, qui, dans sa séance du 30 juillet, sur la proposition de Rattazzi, vota: 1° que l'élection de C. Reta par le collège de Santhià était valide, — mais 2°, que le député Reta ne pouvait être admis à la Chambre, vu la sentence en contumace qui le frappait.

(2) Angelo Brofferio (1802-1816), avocat distingué du barreau de Turin, compromis en 1830 dans une conspiration, passa 6 mois en prison et y écrivit ses célèbres poésies et chansons en dialecte piémontais, — auteur de I Miei Tempi, La Storia del Piemonte, Le Tradizioni italiane e la Storia del Parlamento. — Amant platonique de la République, il fut un ami fidèle de la Monarchie, dit un de ses biographes» — Oratenr des plus brillants, il siégeait à l'extrème gauche de la Chambre, comme député du collège de Caraglio, et s'il ne fut pas le chef de la gauche, comme Rattazzi ou Valerio, il en fut un des plus ardents et féconds défenseurs.

(3) Urbano Rattazzi, né à Alexandrie en 1810, avocat des plus distingués du barreau de Turin, entra au Parlement en 1848, comme député d'Alexandrie, qu'il représenta pendant 11 législatures, c'est-à-dire, jusqu'à sa mort. Il commença sa réputation comme homme politique, lors de la question de la Constituente que la Lombardie réclamait, après les cinq journées de Milan, pour régler son union avec le Piémont, et combattit Cavour et Pinelli, qui s'opposaient à cette constituante, dont les turinais craignaient que le résultat ne fût le transport de la capitale à Milan.

CCXXXIV.

Turin, 14 août 1846.

Mon cher ami,

Je sors du Conseil des ministres, il a été décidé qu'on présenterait aujourd'hui même, à la Chambre des députés, le traite, avec un projet de loi portant la création des rentes qu'il faudra donner en garantie à l'Autriche.

Peu après, il fìt partie du cabinet Casati, en qualité de ministre de rinstruction publique, puis d'industrie et commerce. Il devint ensuite, le chef du parti de l'opposition, et fut appelé à faire partie du cabinet Gioberti, comme ministre de grâce et justice. En désaccord avec celui-ci, qui voulait que l'armée sarde intervint en Toscane pour y rétablir sur son trône le grand-due Léopold II, Charles-Albert le chargea avec Chiodo, de former un nouveau cabinet, durant lequel eut lieu le désastre de Novare, dont on voulut le rendre responsable en grande partie. Ce cabinet ayant dû se démettre, Rattazzi constitua dans le Parlement, le Centre gauche, opposé au Centre droit, qui avait Cavour pour chef. Ces deux Centres fusionnèrent en 1852 et formèrent ce qu'on a appelé le Connubio, qui, ainsi, constituait la majorité. A la mort de Pinelli, Rattazzi fut appelé à présider la Chambre. En 1854 il devint ministre de grâce et justice (cabinet Cavour), et ce fut lui qui proposa la loi sur les corporations religieuses, qui, malgré la furieuse opposition du parti clérical, fut votée le 29 mai 1855, mais valut à son auteur de nombreux et implacables ennemis, et le for$a de se démettre. En 1859, après la paix de Villefranche et la démission de Cavour, il fut chargé, avec Lamarmora, de former un nouveau cabinet, sous lequel s'opéra l'annexion de la Toscane, de Bologne et des duchés de Parme et Modène. — En 1860, Rattazzi combattit la cession de Nice et de la Savoie à la France. — En 1862, il fut de nouveau chargé de former le cabinet, et il s'y rendit de nouveau fort impopulaire, ayant cru devoir s'opposer aux tentatives de Garibaldi (Aspromonte, 27 août 1862), et son cabinet tomba le 16 décembre 1862. — En 1867, il fut de nouveau chargé de former un cabinet, sous lequel eut lieu la fatale affaire de Mentana, qui le forca de nouveau à se démettre et le fit haïr, à la fois, par les libéraux et par les conservateurs. Il redevint alors un des chefs de l'opposition parlementaire, et mourut à Frosinone le 5 juin 1873.

Mr de Bruck n'a pas voulu accepter en payement, nos rentes à 80. Il ne voulait les compter que 75, j'ai été d'avis de refuser cette offre.

Je crois que les chambres sanctionneront la paix, s'il en était autrement on les renverrait chez elles.

Je vous enverrai, aujourd'hui ou demain, de 12 à 15 mille francs, ce qui doit solder mon compte courant.

Je suis, dès à présent, en mesure de payer 30 actions de la Banque, que je compte garder indéfiniment.

Voyez si vous êtes préparé à faire les fonds pour ce que nous garderons à compte à demi, ou si je dois chercher h me procurer une partie des fonds, dans le cas où nous ne vendrions pas la majeure portion de nos actions avant l'époque du premier versement.

Dites-moi si je dois pousser Golzio pour qu'il vous paye, en m'indiquant, au juste, ce qu'il vous doit.

Il serait également temps de pousser le règlement du compte de Thompson et Foreman.

Croyez, Mon cher ami, à mes sentiments dévoués.

C. de Cavour.

CCXXXV.

15 août 1849.

Mon cher ami,

Le comité secret, qui a eu lieu hier au soir, n'a pas amené de résultats définitifs. Nigra voulait que l'on discutât immédiatement la loi qui autorise le ministre des finances à créer 3 millions de rentes, pour les affecter au cautionnement de notre dette vis-à-vis de l'Autriche. La Chambre, après une éternelle discussion sur une question de forme, a renvoyé la discussion à aujourd'hui.

Je crois qu'après maintes chicanes, et quelques phrases amères, elle avalera le traité en guise de pilule. Au reste, comme je vous l'ai marqué, le ministère ne se laissera pas arrèter par une opposition factieuse.

Le marquis Lamarmora, avec le Prince de Carignan, vont chercher Charles-Albert (1).

Adieu, mille amitiés.

C. de Cavour.

CCXXXVI.

17 août 1849.

Mon cher ami,

H paraît que l'Autriche se contentera de la ratification du Roi, et s'en ira avant même que la chambre ait autorisé l'émission des rentes qu'il faut lui donner en garantie. Ceci est encore un secret, qu'on cache à la Chambre.

…......................................................................................

Vous avez très bien fait de m'envoyer du Turin, fin du mois, car, pour le moment, je suis en fonds.

Bona m'a assuré qu'il allait régler le compte de Thompson. J'en ai dit aussi un mot à Nigra et Galvagno.

Veuillez me dire si G. vous a remis une traite; sans un titre, il me sera fort difficile de me faire payer. Le parti le plus convenable serait de lui écrire pour lui annoncer, qu'ayant à verser à la Banque des sommes très considérables, vous avez fait traite sur lui du 15 au 20 septembre; vous m'enverrez alors cette traite, que je verrai de me faire payer.

Golzio n'est pas associé de Scaravaglio, il a seulement une provision sur les contrats et une part dans les bénéfices.

(1) Mort à Oporto, le 28 juillet 1849. Le Sénat lui décréta le titre le Magnanime dans la séance du 8 août, où sa mort lui fut annoncée.

Dites-moi s'il lui reviendra encore quelque chose sur le contrat des rails?

Faites-moi l'amitié de me coter, de temps en temps, les changes, car il se pourrait que je fusse dans le cas de me procurer une bonne petite partie de Londres bon marché.

Nigra doit lire aujourd'hui l'exposé de notre situation financière, je crains que ce ne soit pas trop gai.

Il n'a rien conclu avec Rothschild.

Adieu, mille amitiés.

C. de Cavour.

CCXXXVII.

20 août 1849.

Mon cher ami,

J'ai reçu ce matin, une lettre de votre maison, contenant une traite sur Golzio, que vous me dites de faire accepter; avant de la lui présenter, je désire savoir. si vous lui avez écrit pour lui annoncer que vous alliez tirer sur lui.

….....................................................................................

Si la victoire décisive remportée par Haynau sur GrOrgey, se confirme (1), nos députés ne chicaneront plus tant sur la paix, et nous pourrons espérer une période de tranquillité. Je crains seulement les excentricités financières de la Chambre.

(1) Le 1er corps de l'armée hongroise, sous les ordres de Dembinski, avait été défait, près de Szoreg, le 5 août, par le général autrichien Haynau. Arthur Gorgey, général en chef des hongrois, crut alors devoir capituler, et se rendit au général russe, Eildiger, avec toutes ses troupes, le 14 août, près de Vilagos (Arthur Gorgey, Ma vie et mes œuvres en 1848 et 1849, vol. IV, pag. 195 et 260).

Je crains que, sous l'influence des idées du professeur Pescatore (1), elle ne fasse un peu de socialisme. Au reste, tant que la France se garantira de cette plaie, elle n'est pas à craindre chez nous.

Pareto (2) n'a pas été inconvenant, en allant s'asseoir au fauteuil de la présidence. Adieu, mille amitiés.

C. de Cavour.

CCXXXVIII.

23 août 18.49.

Mon cher ami,

G. est venu, de lui-même, accepter la traite que vous avez fournie sur lui. Je n'ai pas pu lui refuser de lui rendre ses mandats, c'eut été un affront qu'il ne mérite pas, car, au fond, je le crois fort bien dans ses affaires et seulement momentanément gêné.

La Chambre a de la peine à réprimer ses instincts violents; ils percent à chaque instant.

Hier encore, elle a été dégoûtante dans l'affaire de l’archevêque (3), malgré cela, elle ne veut pas renverser le ministère.

(1) Mathieu Pescatore, professeur de procédure civile, puis de philosophie du droit, à l’Université de Turin, député du collège de Pont, nommé sénateur en 1873. Merabre de la gauche, puis du centre gauche, très-compétent en matière de finances, prit une part active à toutes les questions y relatives. Fut avocat général de la Cour de cassation à Turin, puis à. Rome. — Mourut en 1879, entouré de l'estime et de la vénération universelles.

(2) Lorenzo Pareto présida la Chambre des députés pendant la 2° législature, ayant pour vice-présidents: les avocats Benedetto Bunico et Agostino Depretis.

(3) L’archevêque de Turin avait quitté son diocèse, depuis près d'une année, et s'était retiré en Suisse. Dans la séance du 22 août, le député Siotto-Pintor interpela le ministère à ce sujet, et, après une longue et vive discussion, la Chambre adopta l'ordre du jour suivant, proposé par le député Brofferio:

Avec vos 20,000 francs, je suis largement en mesure d'effectuer nos versements. Pour le moment, nos actions sont froides. La spéculation se porte de préférence sur les fonds publics, qui sont très recherchés.

Nigra est convaincu que l'Autriche acceptera nos rentes à 80. Le dénouement des affaires de Hongrie pourra l'engager à consentir à notre demande, dans l'espoir que toutes les valeurs montent.

Adieu, mille amitiés.

C. de Cavour.

CCXXXIX.

24 août 1842.

Mon cher ami,

Le retour de la paix a réveillé chez tous mes amis le désir d'avoir du guano, ils me persécutent pour que j'en fasse venir. Voyez, je vous prie, si Balduino est disposé à traiter pour ce qui lui reste.

Je peux en placer, sans difficulté, jusqu'à la concurrence de 100,000 kilogrammes, et même plus. S'il ne vous convient pas d'avancer les fonds, vous pouvez dire à Balduino de tirer à 3 mois sur moi.

La première condition du contrat c'est que le guano soit de condition égale à celle de l'année dernière.

Tâchez de le payer de 25 à 26 francs.

«La Chambre, en ordonnant qu'ane commission soit nommée pour étudier les moyens les plus opportuns et les più» légaux de remédier aux déplorables conditions des diocéses de Turin et d'Asti, tout en se réservant de provoquer d'autres mesures, passe à l'ordre du jour».

Si vous traitez, veuillez donner l'ordre à Cabella d'en expédier immédiatement, 14,000 kilogrammes à l'auberge de la Fontaine d'or d'Asti, d'ordre et pour compte de Mr de Casanova, en donnant avis de cette expédition à Mr Policarpo Sicardi, son secrétaire, à Asti pour Castel Alfero.

L'opposition tend à se diviser. Le génois Cabella m'a fait faire des ouvertures, en protestant du désir d'amener une conciliation entre les partis qui divisent la Chambre.

Croyez-vous que ce soit un homme dans lequel on puisse avoir confiance?

A la hâte, mille amitiés.

C. de Cavour.

CGXI.

26 août 1849.

Mon cher ami,

Mr Balduino fait vendre au détail, son guano, à San Pier d'Arena, à 28 fr. les 100 kilogr.; il a tort, en conséquence, de vouloir le même prix pour une vente en gros. Si je le payais 28 francs, je ne pourrais pas le vendre plus cher, et alors je n'aurais, pour ma part, que des risques à courir.

Veuillez donc insister pour une réduction, qui sera consentie Jar Balduino; en attendant, je vais faire analyser l'échantillon que vous m'avez envoyé. Au pis aller, je me bornerai à acheter les 14,000 kilogr. dont le placement est sur et immédiat.

Les régents de la Banque de Grènes mettent une certaine lenteur dans leur correspondance avec nous, cela me fait soupçonner leur bonne foi. Si, par hasard, la négociation que nous poursuivons éprouvait des difficultés, nos actions baisseraient, aussi je vous engage, si vous trouvez 10 p. %, d'en vendre une centaine.

Cette vente nous procurera un repos d’esprit.

La rente est très recherchée, je ne doute pas qu'on arrive bientôt à 80. Je vous remercie de vos renseignements sur X. Ils concordent avec les miens. C'est un homme avec lequel il faut toujours se tenir sur ses gardes. Au reste, pour le moment, ni lui, ni ses collègues, ne sont dangereux.

Pareto, après avoir été un détestable ministre, est un assez bon président.

Adieu, mille amitiés.

C. de Cavour.

CCXLI.

27 août 1849

Mon cher ami,

Je serai charmé de voir Mme de la Bue, pendant son séjour à Turin, et de causer un peu avec votre beau-frère.

Je mettrai à sa disposition, un billet pour la Chambre, en lui souhaitant une séance orageuse pour ses menus plaisirs.

Nous irons ensemble faire une course à l'usine, qu'il trouvera en fort bon état. Il pourra avoir l'inventaire, qui est sur le point d'être achevé. Nous avons reçu le projet de Mrs les Génois. Le retard qu'ils nous ont fait subir, provient de quelques articles relatifs à Bombrini.

En définitive, je ne vois pas de difficultés sérieuses. Toutefois je ne regretterai pas les ventes faites à 110 et au-dessus.

Le comte de Pralormo (1) est nommé ambassadeur à Paris, et Brignole-Sale (2), à Vienne.

(1) Le comte Francois Beraudo di Pralormo.

(2) Le marquis D. Antoine Brignole Sale.

En m'écrivant, ajoutez le glorieux titre de député. Cela m'économise 8 sous de ports de lettre.

Adieu, mille amitiés.

Camille de Cavour.

CCXLII.

29 août 1849.

Mon cher Émile.

Je viens de conduire Mm6 De la Rue chez Mme de Sonnaz (1). Elle n'a pas souffert du voyage, malgré l'accident arrivé à la voiture du courrier, que je vais vous conter.

Votre beau-frère William, qui n'a point souffert non plus,. est resté en route, à la garde des bagages.

Voici l’événement: le postillon d'Anone a bêtement lancé la voiture du courrier sur un garde-fou. La roue de devant s'est brisée, mais la voiture n'a pas versé. Il était 3 heures après minuit lorsque l'accident a eu lieu, de sorte que Mme De la Rue a du se promener trois heures sur la route, en attendant qu'on fut allé chercher à Asti un moyen de transport. Heureusement, le temps était beau. Enfin, on amena une atroce petite voiture, qui put à grand peine contenir votre femme et sa femme de chambre, sans le moindre petit bagage. William est resté avec ses malles et ses paquets.

Le courrier n'est plus arrivé à temps à Valdichiesa pour partir par le premier convoi, il a fallu que Mme De la Bile attendit encore une heure et plus, le convoi de 10 d’heures. Enfin, elle est arrivée à la station, en bon état et bonne humeur. Inquiet du retard du courrier, j'avais été l'attendre au débarcadère, d'où je l'ai conduite chez Mme de Sonnaz, qui, de son côté, avait été l'attendre au bureau du courrier.

(1) Madame Anna de Sonnaz, née de Vals, amie intime de madame De la Rue, épouse du général Alphonse Gerbaix de Sonnaz.

Mme De la Rue me charge de vous dire que, n'ayant pas eu la moindre peur, ni éprouvé le moindre embarras, elle se sent en état de faire le tour du monde, la première fois que l'envie vous en prendra. Elle vous écrira demain, au long. Àujourd'hui elle a besoin de se reposer.

Adieu, mille amitiés.

Camille de Cavour.

CCXLIII.

Août 1849.

Mon cher ami,

Le guano de Balduino est très bon; peut-être, celui de l'année dernière était-il plus parfait. Ainsi, s'il n'y a pas moyen de faire mieux, arrêtez-en 100,000 kilogrammes à 28,6 p. %; s'il voulait accorder 10 p. % d'escompte, on pourrait en prendre 200,000.

Votre beau-frère est bien, je viens de passer quelques instants avec lui.

Demain, une affaire urgente me force à me rendre à Leri, je serai de retour mardi.

Adieu, à la hâte.

Votre dévoué

Camille de Cavour.


vai su


CCXLIV.

Août 1849.

Mon cher ami,

Je ne change rien à ce que je vous al écrit, relativement au guano. Balduino verra qu'il n'est pas facile de vendre 450 tonnes de ce précieux engrais.

Ponzio Vaglia, le liquidateur, passe pour un très honnête et très habile homme. Il fait les affaires de plusieurs familles fort riches, entre autres de la famille de Revel. Je crois que, s'il contracte un engagement, il le remplira ponctuellement. Toutefois, un crédit de 50,000 reposerait surtout sur sa moralité. Si vous ayiez des raisons pour croire que l'opération en question, est relative à un des clients de Ponzio, vous pourriez alors y aller avec les yeux fermés.

Le vote d'hier de la Chambre a un peu ébranlé le ministre (1), mais j'espère qu'il se raffermira.

Adieu, mille amitiés.

C. de Cavour.

CCXLV.

4 septembre 1849.

Mon cher ami,

Je réponds deux mots, à la hâte, à votre lettre de hier.

Je consens à payer les sacs à Baldoino, toutes les autres conditions du contrat demeurant les mêmes. De plus, si je prends 450 tonnes, il me faut au moins quatre mois pour les lever, et encore, passé ce terme, je veux avoir le droit de les garder pendant 2 autres mois, en payant un loyer.

(1) Le professeur Pescatore, dans la séance dn 29 août, proposa à la Chambre de nommer, outre les 2 Commissions permanentes de finances et d'agriculture et commerce, une 3e Commission, chargée de régler l'ordre dans lequel les propositions faites à la Chambre, devraient être discutées et de les étudier avant de les convertir en projet. Cette proposition, appuyée par les députés Jacquiez, Chiarie, Cavour, Buniva, etc., fut vivement combattue par le Ministre de l'intérieur, Pinelli, qui s'opposait à ce qu'elle fut même prise en considération; mais la prise en considération fut votée par une forte majorité.

Je me recommande pour les 15,000 kil. de Casanova.

Votre beau-frère arrivera mercredi à Grènes, car j'ai déjà retenu pour son compte la place du coupé de mardi.

Mr Bona m'a dit vous avoir écrit que Thompson pouvait tirer jusqu'à la concurrence de 800,000 francs; seulement, en ayant soin d'échelonner ses traites de 50,000 francs, de 10 en 10, ou de 15 en 15 jours.

Adieu, mille amitiés.

C. de Cavour.

CCXLVI.

9 septembre 1849.

Mon cher ami,

Je ne me suis pas suffisamment expliqué, relativement au guano. Pour me charger de l'énorme quantité de 450 tonnes, je ne consens qu'aux conditions suivantes:

28 francs les 100 kilogr., plus 50 centimes pour les sacs.

10 p. % d'escompte.

4 mois pour les lever, et 2 mois en sus, en payant le loyer.

Payable comptant, une fois le compte fait, et dans le cas où le pesage fut reconnu coûteux et difficile, je payerais 50,000 francs en octobre, 50,000 francs en novembre et le solde en février.

Je ne puis rabattre un centime à ces conditions, car 450» tonnes sont un fardeau très lourd, étant d'ailleurs déjà pourvu pour mon compte.

J'aime mieux acheter 100,000 kilogr. à 28 et 6 p. %

…....................................................................................

L'arrestation de Garibaldi (1) a mis en émoi nos rouges. Probablement ils en tireront parti, demain, pour faire du scandale à la Chambre. Comme vous ne m'en dites rien, j'en conclus que l'on ne s'en est pas trop ému à Gènes. Adieu, mille amitiés.

Camille de Cavour.

(1) Poursuivi par les Français, les Autrichiens et les soldats du Pape, Garibaldi fuyait vers Venise, qui combattait encore, et s'embarquait, avec quelques fidèles, sur les bords de l'Adriatique. Surpris par la flotte' autrichienne, il due retourner à terre, où sa femme, Annita, qui avait voulu le suivre, ne tardait pas à succomber à, la fatigue et mourait dans une misérable cabane près de Ravenne. Après avoir erré pendant 35 jours dans les Appennins, déguisé en paysan, Garibaldi parvint enfin à gagner Chiavari, où il se croyait en sûreté et où la population l'accueillait avec enthousiasme; mais il y était, au contraire, arrêté et conduit sous bonne escorte à Gènes. Le 10 septembre, le député de Chiavari, Sanguinetti, protestait devant le Parlement contre cette arrestation, au nom de ses électeurs. Le ministre Pinelli répondait que l'article 35 du Code civil privait de leurs droits les sujets sardes, qui, sans autorisation du Roi, prenaient du service à l'étranger et que Garibaldi, étant dans ce cas, puisqu'il avait été général au service de la République romaine, avait perdu sa qualité de sujet sarde et ne pouvait invoquer la protection du Statuto, et que, d'ailleurs, son arrestation était une mesure de prudence, imposée par les circonstances où se trouvait le pays. Une violente discussion s'en suivit et enfin, sur la proposition du député Tecchio, la Chambre vota l'ordre du jour suivant: «La «Chambre, déclarant que l'arrestation du général Garibaldi et l'expulsion du Piémont dont on le menace, sont des actes lés-ifs des droits consacrés par le Statuto et par les sentiments de la nationalité et de la gloire italienne, passe à l'ordre du jour». — Votèrent contre cet ordre du jour, les députés Menabrea, Cavour, Franchi, Despine, Trotti, Balbo, Vincenzo Ricci, Des Martinel, Mongellaz et S. Martino.

CCXLVII.

12 septembre 1849.

Mon cher Émile,

Bombrini est ici, avec Pallavicini et Fantini, pour conclure le traité de fusion; ils m'ont paru animés des intentions les plus conciliantes. Leur arrivée produira un bon effet et fera monter les actions. Vous ferez bien de continuer les ventes jusqu'aux limites par nous fixées.

Adieu, à la hâte.

Camille de Cavour.

CCXLVIII.

13 septembre 1849.

Mon cher ami,

Hier nous avons été en conférence pendant huit heures, avec les délégués de la Banque de Gènes.

Nous ne nous sommes séparés qu'à une heure du matin. Je crois que nous sommes d'accord avec eux; mais Bombrini craint ne pas pouvoir faire entendre raison, sur un point ou deux, à ces messieurs de Gènes. Il est probable que les négociations tireront peut-être en longueur, ce qui aurait une influence fâcheuse sur nos actions. Ainsi, continuez à vendre, sans hésitation.

…........................................................................................

Si vous m'envoyez des fonds pour la semaine prochaine, je ferai votre versement.

Les Ricci doivent, il me semble, payer de suite. Pareto est allé chez le Roi, protester de son dévouement à la monarchie et atténuer le mauvais effet produit par l'ordre du jour de Garibaldi. Je crois que nous allons aller encore quelque temps comme cela.

Adieu, mille amitiés.

Camille de Cavour.

CCXLIX.

14 septembre 1849.

Mon cher ami,

Après une nouvelle conférence, qui a duré plusieurs heures, nous sommes tombés d'accord avec Bombrini, qui se flatte de faire entendre raison à ses collègues de Gènes. De sorte que j'espère que tout ira bien.

….............................................................................................

Les esprits se calment un peu.

Adieu, mille amitiés.

Camille de Cavour.

CCL.

16 septembre 1849.

Mon cher ami,

….............................................................................................

Hier on a commencé à verser. Demain je payerai mon action, soit 70,000 francs. Je désirerais pouvoir verser pour tous ceux qui m'ont vendu des actions, dans la semaine prochaine; ainsi, tâchez de m'envoyer de l'argent, car une fois que j'aurai payé 70,000 francs, je serai à sec.

 

Hier on a fait 111  ¼ tenez bon à 111; demain je tâcherai d'en vendre 20 à ce taux. Nous ferons en sorte de vendre nos 80 actions dans la semaine. Voulez-vous que je verse vos 4 actions?

Aujourd'hui je donne un grand dîner à la Banque, Nigra n'ayant pas songé à faire la moindre politesse aux députés génois.

Adieu, à la hâte.

Camille de Cavour.

PS. Je viens d'apprendre qu'après le traité que j'ai passe avec Balduino, il a offert du guano à des spéculateurs du Vercellais; cela me paraît directement contraire à nos convention. Je vous prie instamment de lui faire des remontrances et de lui dire de ma part, qu'il vende tant qu'il veut à Gènes, mais qu'il ne se mèle pas de Verceil. S'il est embarrassé du guano qu'il a encore sur les bras, je l'en débarrasserai plus tard.

CCLI.

20 septembre 1849.

Mon cher ami,

….........................................................................................

Dites à Balduino que ce qui est fait est fait, mais qu'à l'avenir, je le prie de ne pas se mêler du Vercellais.

D'Azeglio est revenu des eaux; je pense que nous sortirons de l'état anormal où nous nous trouvons, soit au moyen d'une transaction, soit par un coup d'État.

….............................................................................................

Bombrini doit être arrivé aujourd'hui à Gênes; j'espère que le conseil de régence se rendra à ses observations.

Je vous prie de faire remettre la lettre ci-incluse

à monsieur Amari (1), qui loge aux Peschiere, et de retirer l'argent qu'il vous remettra.

D. Levi est, comme vous le dites, assez léger. La famille Levi était très riche, mais la fortune a été tellement divisée et subdivisée, qu'il est difficile de savoir ce que pèse chaque individu.

Astesana est des meilleurs dans le genre épicier. Il jouit sur la place d'un très bon crédit. Adieu, à la hâte.

Tout à vous

Camille de Cavour.

CCLII.

24 septembre 1849.

Mon cher ami,

…..................................................................................

Azeglio a reparu hier à la Chambre. Les eaux lui ont fait beaucoup de bien. Aujourd'hui nous aurons la lecture du rapport de Ravina (2) sur la paix; ce sera godiche.

(1) Emerico Amari, né en 1810 à Palermo, mort en 1870, jurisconsulte distingué, exilé en Piémont en 1849, collabora avec le professeur Ferrara à la Croce di Savoia et publia, en 1857, sa Critica di una scienza delle legislazioni comparate. Membre de la députation palermitane en 1848, et ministre en 1860, lors de la dictature de Garibaldi, député ensuite de Palerme au Parlement italien, puis enfin professeur de philosophie de l'histoire à l'Institut supérieur de Florence.

(2) Amédée Ravina, auteur des Canti italici, compromis dans la révolution de 1821, dut s'exiler et ne rentra en Piémont qu'en 1848; fut nommé député par le VIe collège de Turin et conseiller d'État en 1849. «Homme très instruit, mais (dit Victor Bersezio) d'un caractère bizarre, aimant la contradiction et les paradoxes». — La conclusion du rapport était que: «vu la dure et inexorable nécessité qui pèse «sur nous et nous presse, la commission propose à la Chambre de déclarer que, précisément à cause de cette nécessité, elle ne refuse pas son consentement à ce que le présent traité soit mis en exécution».

Lundi, très probablement, Nigra ouvrira son nouyel emprunt. Je n'en connais pas encore les conditions.

Je tâcherai que les rédacteurs du Risorgimento fassent leur profit des observations que vous m'avez adressées sur les comptes rendus des Chambres.

N'ayant pas de sténographes à nos ordres, et devant dépendre, jusqu'à un certain point, de la complaisance du journal official, il est difficile de donner, le lendemain, un compte rendu complet.

Adieu, mille amitiés.

Camille de Cavour.

PS. Si vous écrivez à votre frère, demandez-lui s'il veut du guano.

CCLIII.

26 septembre 1849.

Mon cher Émile,

Rothschild est ici depuis deux jours. Il me parait fort disposé à traiter avec le gouvernement pour l'indemnité due à l'Autriche; je crains toutefois, que Nigra ne sache pas prendre un parti. Je le talonne pour qu'il profite du moment favorable.

Cela n’empêchera pas l'émission de l'emprunt dans le pays, Rothschild ayant fini par y consentir. Votre beau-frère Odier est d'accord avec lui; E. m'a montré une lettre contenant l'engagement d'Hottingre, Gr. Odier, Blanc et Mathieu et Pillet Will.

 — Dans la séance suivante (24 septembre), le député Balbo proposa de passer à l'approbation du traité de paix, sans discussione pour montrer que la Chambre s'y soumettait, mais ne l'approuvait pas; mais sa proposition ne fut pas acceptée.

La Chambre des députés fait des folies (1); je doute qu'on puisse venir à bout de s'entendre avec la majorité, d'autant plus que le ministère, de son côté, fait bêtises sur bêtises. Pinelli est d'une maladresse qui dépasse les bornes du croyable.

…...........................................................................................

Adieu, à la hâte, mille amitiés.

Camille de Cavour.

CCLIV.

29 septembre 1819.

Mon cher ami,

Je crois que Nigra s'arrangera avec Rothschild dans la journée de demain, si la Chambre vote aujourd'hui les 15 millions qu'on lui demande (2).

Rothschild m'a dit qu'il serait charmé de laisser aux banquiers du pays telle somme qui leur serait agréable. Si vous désirez traiter directement avec lui, vous pouvez lui écrire, sans cela, je pourrai faire souscrire ici, sans que vous paraissez.

(1) Il s'agissait de la discussion du traité de paix et de l'émission d'un emprunt de 75 millions, demandés par le gouvernement, pour subvenir au payement de l'indemnité de guerre, aux termes du traité du 6 août 1849. — La séance du 25 septembre, où ces questions furent agitées, avait été très orageuse et des paroles assez vives y furent échangées entre Cavour et Valerio. L'ordre du jour Mellana, qui séparait la question financière d'avec celle du traité de paix proprement dit, y fut voté, appuyé par le ministre Pinelli, qui, cependant, dans la séance précédente, avait déclaré que, selon lui, ce mode de procéder n'était ni logique, ni rationel.

(2) Lorsque le banquier Jean Nigra eut le courage et l'abnégation d'accepter le ministère des finances, il appela Rothschild à Turin, pour traiter un emprunt avec lui. Celui-ci s'y montrait peu disposé; mais après avoir vu quelle parfaite régularité et quelle économie réglaient les opérations du trésor sarde, il consentit à la demande. Nigra, avec un désintéressement qui l'honore,

Si vous comptez, soit pour votre Maison, soit pour le compte de vos amis, faire une grande opération, vous feriez bien de venir vous entendre avec moi. Diable ! il me parait que vous pouvez bien prendre quelques jours de vacances, maintenant que Davidin et votre beau-frère sont à Grènes.

J'ai vu Mr Goldsmith de Francfort, qui m'a dit vous avoir laissé un ordre d'un million. Cela vaut la peine d'une course de trois jours.

Je ne conçois pas trop comment la crise politique terminera. Je crois que Pinelli s'en ira (1). Croyez que ce n'est pas un mal, car Pinelli manque absolument du tact et de l'adresse nécessaires pour faire marcher la machine parlementaire. Il a du courage, mais il l'emploie hors de propos, pour faire de la fermeté à faux et puis pour céder mal à propos.

Si vous voulez que nous fassions quelque chose à compte à demi en rentes, je suis à vos ordres.

Adieu, mille amitiés.

C. de Cavour.

ne voulut pas que ses frères, qui étaient banquiers à Turin, fussent les agents de Rothschild dans cette circonstance, et il l'adressa au banquier Bolmida, qui dut à cette circonstance une grande partie de sa fortune (Chiala, I, p.564). — Massimo d'Azeglio raconte que, se trouvant sans fonds au trésor, Nigra prit un jour 400 mille francs chez ses frères, paya toutes les échéances et sauva la situation.

(1) Le 20 octobre il fut, en effet, remplacé au ministère de l'intérieur par l'avocat Philippe Galvagno.

CCLV.

30 septembre 1849.

Mon cher Émile,

La Chambre a renvoyé à aujourd'hui le vote des millions. Nigra obtiendra à peu près ce qu'il veut (1).

Je dîne avec Rothschild chez Nigra; je vous manderai demain, le résultat de cette réunion.

Je vous renouvelle l'instance de venir à Turin nous entendre sur les affaires de l'emprunt; votre présence ici pourra être avantageuse. D'ailleurs, il faut que vous veniez chercher votre femme.

….........................................................................................

Bombrini est ici; la fusion est opérée et il me parait plus en train que nous, de la mettre en exécution.

Adieu, j'espère que je puis vous dire au revoir.

C. de Cavour.

CCLVI.

4 octobre 1849.

Mon cher ami,

Je ne doute pas que Rothschild ne me donne tout ce que je lui demanderai. Je crois cependant plus convenable dattendre que l'affaire soit terminée. Au fond, il a grande envie de traiter avec le pays; il m'a plusieurs fois répété qu'il considérait le Piémont comme bien plus solide que l'Autriche.

(1) Le ministère demandait que la Chambre augmentât de L.900,000 la rente de L.2,500,000, qu'il avait été autorisé à émettre, mais la Chambre ne lui accorda que L.600,000.

Je n'ai qu'une minute pour fermer ma lettre et l'envoyer ìi la poste.

…........................................................................................

Adieu, à la hâte, mille amitiés.

C. de Cavour.

CCLVII.

5 octobre 1849.

Mon cher ami,

Je suis furieux. J'ai tout lieu de croire que Nigra se soit laissé mettre dedans par ce vieux madré de Rothschild.

Il avait été convenu entre nous, que Rothschild laisserait aux places de Turin et de Gènes, une somme en rapport avec les moyens dont elles peuvent actuellement disposer. J'avais parlé de 12 millions, en disant à Nigra de céder 2 millions et de tenir bon à 10. De cette façon, tout le monde aurait été satisfait; nous aurions eu nos 600,000 francs, Parodi et Leonino (1), chacun un million.

Il était de plus convenu entre Rothschild et Bolmida, que l'opération de Turin et celle de Paris auraient été combinées de manière à ce que les rentes coûtassent également à Rothschild et aux banquiers du pays.

Dimanche soir j'étais convaincu que Nigra resterait fidèle au projet que nous avions concerté, mais, hier matin, il a eu une longue conférence avec Rothschild, et il parait avoir consenti à réduire de beaucoup la part destinée aux banquiers du pays.

Le soir j'ai été chez Rothschild lui demander, de votre part,600,000 francs, ou plutôt lui annoncer que vous souscririez pour cette somme.

(1) banquiers à Gênes.

Le vieux juif m'a répondu en souriant, que vous ferez très bien et qu'il vous convenait plus de prendre des rentes payables à Turin et à Gènes, que des rentes payables à Paris. J'ai cru que tout allait à merveille, lorsque, plus tard, Bombrini m'a appris la reculade de Nigra. Cela étant, je ne puis plus rien demander à Rothschild, car cela me rendrait complice d'une opération que je crois contraire aux intérêts du pays.

Je n'accepterai pas des rentes de lui, s'il n'en donne pas à toutes les Maisons de la place.

Toutefois, je pense que vous n'y perdrez pas grand-chose, si vous vous mettez en mesure de souscrire à Gènes, dès le premier jour que l'emprunt sera publié. Tenez vos fonds prêts et faites-les porter au trésor le matin même où les souscriptions seront ouvertes.

Les banquiers de Turin, comptant sur l'appui de Rothschild, n'ont pas beaucoup d'argent en caisse. Ils sont en partie épuisés par les achats qu'ils ont faits ces jours-ci. Ils ont beaucoup de papier en caisse, mais ils ne peuvent le faire que très difficilement, de sorte que je doute qu'ils puissent profiter des premiers moments.

D'après les dispositions de Rothschild, voulant porter la majeure partie de l'opération à Paris, je suis convaincu que le papier sur France baissera considérablement. Aussi, je vous engage à vous défaire de celui que vous avez, le plus tôt que vous pourrez.

Vu le pli qu'a pris cette affaire, je ne veux plus m'en mêler. Aussi, je renonce à toute idée de compte à demi.

Hier on m'a offert 110 3x4 de vingt actions. Ignorant si vous ne les aviez pas vendues, je les ai gardées.

Adieu, mille amitiés.

C. de Cavour.

PS. Envoyez-moi votre Turin par William; je souscrirai pour votre compte, ou vous ferai passer les fonds.

Seulement, je ne veux plus rien traiter directement avec Rothschild, s'il se conduit mal avec notre place.

La Banque escompte 300,000 francs par jour.

C. de Cavour.

CCLVIII.

Turin, 6 octobre 1849.

Mon cher ami,

J'ai reçu hier la lettre de votre maison avec des remises sur Turin, pour 139 m. et quelques francs. Je m'en vais les envoyer à la Banque ce matin, mais je doute qu'elle puisse les escompter, car les bordereaux pleuvent de tous les jcótés. Hier Mrs Barbaroux y en ont présenté un de 400,000 francs, Mestrezat un de 100,000.

Ce que j'avais prévu est arrivé, on ne trouve plus à faire du papier. On offrait hier, le Paris à 101, je ne sais pas ce qu'il vaudra ce matin. Je crois que la Banque pourra escompter beaucoup la semaine prochaine, mais serons-nous jencore à temps? Aussi, je vous conseille de souscrire le plus que vous pourrez à Grènes.

Hier, les fonds sont venus en grande baisse. Si ce mouvement continuait, je ne sais s'il conviendrait de s'engager trop dans l'emprunt.

Je vous dirai mon opinion après le courrier et après avoir causé à fond avec Mr Granet.

Les bons du trésor étaient demandés hier à 98. Je ne. crois pas qu'ils haussent beaucoup, nous serons à temps. de les acheter la semaine prochaine.

Je dois me justifier à vos yeux, du reproche d'avoir été mis dedans par Rothschild. C'est Nigra qui a traité sans moi, et qui ne m'a appelé qu'au moment de la signature du traité. J'ose me flatter que si j'avais été à sa place, j'aurais obtenu de meilleures conditions. J'avais combiné un pian pour qu'on put se passer de Rothschild, je m'en suis servi pour le contraindre à rabattre quelques-unes de ses prétentions, mais je n'ai pas pu faire varier les bases du contrat, qui avaient été définitivement arrêtées.

Le grand tort de Nigra vient de ce qu'il n'a pas assez de confiance dans les maisons du pays.

Je ne compte pas prendre du nouvel emprunt; pour ma peine, nous diviserons une des commissions que vous aurez exécutées.

Ce matin Mr Landaur est venu m'offrir, de la part de Rothschild, de prendre ce que je voudrais chez lui, au prix coûtant. Comme vous l'imaginez, j'ai refusé; cette offre m'a mis à même de juger de la manière dont on traite les affaires dans la plupart des cabinets de l'Europe.

J'ai reçu votre lettre d'hier, j'expliquerai à William, ce que je considère comme l'avenir probable de nos finances.

Adieu, à la hâte.

Camille de Cavour.

Votre femme m'a paru assez bien.

Elle ne pense pas le moins du monde à aller à Gènes.

CCLIX.

8 octobre 1849.

Mon cher ami,

Samedi, à 4 heures, l'emprunt était couvert. Hier les finances ont été assiégées de monde, qui voulaient, à toute force, qu'on reçut leur argent. Si la souscription avait continué, Turin seul prenait les 9 millions et probablement. beaucoup plus.

On jette les hauts cris contre Nigra. Le pauvre diable était de la meilleure foi du monde lorsqu'il croyait contenter le pays avec 8 millions. La preuve est que sa maison, qui avait des ordres très considérables, et qui, samedi, a retiré de la Banque 200,000 francs, n'a pas envoyé souscrire avant-hier, de sorte qu'elle est dans le nombre des désappointés.

J'ai la conviction que, si l'on avait ouvert l'emprunt le premier du mois, et admis en payement, comme je le proposais, le papier sur Londres et sur Paris, on aurait pu se passer de Rothschild.

Un de mes amis a reçu ce matin un ordre de Londres, qui était accompagné de l'autorisation de tirer 25,000 L. st.

Je ferai escompter successivement à la Banque, tout le Turin que vous m'avez envoyé, et je vous ferai passer les fonds. Ce matin j'ai pris 12,000 francs de Paris à 101 ¼ il vous servira à payer vos morues.

Je vous engage, si vous avez des fonds, à acheter des bons du trésor, pour les garder en caisse; vous me les enverrez en m'autorisant à tirer sur vous, et je les enverrai à la Banque comme 3e signature.

Je ne vois pas en rose l'avenir, toutefois il ne me paraîtrait pas raisonnable de lâcher toutes vos rentes, sauf que vous puissiez le faire avec bénéfice.

Adieu, mille amitiés.

Camille de Cavour.

CCLX.

Turin, le 12 octobre 1849.

Mon cher ami,

….......................................................................................

L'affaire en bons du trésor n'offre pas les inconvénients. que vous me signalez; en les achetant et les déposant à la Banque, nous souscrirons des billets payables du 15 au 20 janvier.

Les bons sont payables le 31 janvier, en conséquence, le 20 janvier, ou nous avons des fonds pour les retirer, ou nous tirons l'un ou l'autre à quinze jours de date, traite qui exclut toute idée de circulation.

Nous allons bientôt aller à la rencontre de la grande Salma (1). Le temps est à la pluie, et nous serons crottés. C'est la dernière niche du grand apôtre de l'indépendance italienne (2).

Mille amitiés.

C. de Cavour.

(1)Le corps du Roi Charles Albert, rapporté d'Oporto, pour être enseveli dans la basilique de Superga, arriva à Turin le 12 octobre, et y fut solennellement reçu par les autorités et toute la.population. Les rues étaient garnies de draperies noires et les femmes vêtues eu deuil. Le char funèbre était suivi du cheval de bataille du Roi et d'une foule de citoyens en deuil. La garde nationale et les troupes faisaient aile au cortège, et l'on peut bien dire que la nation entière portait le deuil de l'illustre et infortuné monarque. Quand le cortège fut arrivé sur la place de St-Jean, les matelots du Monzambano, qui avaient accompagné le corps du Roi jusqu'à Turin, le remirent aux gardes-du-corps, qui le transportèrent dans l'église de St-Jean, où était préparée la chapelle ardente, et où il demeura déposé 8 jours, pendant lesquels la foule ne cessa de remplir la basilique. Le dimanche matin (14 octobre), le corps fut transporté à Superga, suivi d'une foule immense et couvert d'innombrables couronnes de fleurs.

(2)«Je ne sache pas que Cavour ait jamais eu au cœur, haine bien vive, ni surtout bien tenace, sauf, peut-être, à l'endroit du feld-maréchal Haynau, sur qui il n'entendait pas raison. Mais, s'il y a quelqu'un qu'il n'ait pas aimé, ce quelqu'un fut, à coup sûr, le roi Charles-Albert». (Db la Rive,1. c., p.47). Cavour l'appelait, en avril 1849: «Cet homme fatal, qui était destiné à ruiner son pays, dans toutes les hypothèses» (Lettre à Mr Talleyrand de Périgord, avril 1849, Chiala, V, pag. 195, et dans une lettre à Madame Anastasio de Circourt, à peu près sous la même date, il va jusqu'à dire que «Charles Albert a trahi le parti modéré» (Chiala,1. c. ). Pourquoi cette antipathie de Cavour pour Charles-Albert?


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CCLXI.

Leri, 23 octobre 1849.

Mon cher ami,

J'ai reçu, ici, la lettre de votre maison, du 21. Tosco (1) a reçu les bons, que vous m'adressiez par Mr de Romilly (2), et le bon sur Barbaroux. En arrivant à Turin, je tâcherai de vous faire avoir les cédules que vous désirez.

Il est entendu que vous payerez Balduino, et que je vous enverrai la contre-valeur, en Paris long, sauf quelques sommes que je dois encaisser à Gènes, par suite des expéditions de riz que j'ai faites à Cabella.

Il est très difficile de vendre des rentes conditionnellement. Cependant, je tâcherai de le faire, si vous ne pouvez pas me transmettre d'ordres définitifs.

A quelle cause faut-il l'attribuer? — Bien des hypothèses ont été émises à ce sujet, et je ne me permets pas de me prononcer en faveur de l'une plutôt que de l'autre. Quelle qu'ait été la conduite politique de Charles-Albert avant 1848, nous ne pouvons cependant pas oublier qu'il a été le premier roi constitutionnel du Piémont, qu'il a exposé sa vie pour son pays, et que c'est de lui que date le grand mouvement, auquel l'Italie a dù son unité et sa liberté. — Malgré les erreurs qu'il a pu commettre, sa mémoire sera donc toujours vénérée, et le titre de Magnanimo, que lui décerna le Parlement, ne sera désavoué par aucun italien. — Du reste, il était difficile qu'entre Charles-Albert, toujours hésitant, timoré et soupçonneux, et Cavour, résolu, homme d'action et plein de confiance dans l'avenir de son œuvre, il pût y avoir de la sympathie.

(1)Martin Tosco, surnommé Grand Martin, maître d’hôtel du comte de Cavour.

(2)Probablement le bibliothécaire du Trinity College de Cambridge. La famille Romilly, d'origine française, avait émigré à Genève, puis en Angleterre, après la révocation de l'édit de Nantes.

Vous aurez approuvé la nomination de Sainte Rose (1).

Adieu, mille amitiés.

C. de Cavour.

CCLXII.

Turin, 29 octobre 1849.

Mon cher ami,

Je suis arrivé hier au soir. Je viens d'écrire longuement à votre maison, en lui envoyant le compte des opérations de la Banque. Je m'en vais trouver le directeur, pour me faire délivrer les certificats d'inscription, afin que vous puissiez, de votre cóté, me donrier note des opérations que vous avez faites.

Impossible d'avoir du Paris, j'ai, en conséquence, arrété 53,000 francs sur Gènes, au pair, à 10 jours. C'est la moins mauvaise des remises.

La rente est faible. Si vous voulez que je me charge de vendre votre 31, il faut me l'envoyer, en me fixant une limite. Il ne convient pas de l'offrir, mais d'attendre qu'on Vienne la chercher.

L'emprunt volontaire à raison de 84 ¾ à 85.

Si H. se plaint de G., nous pouvons, à plus forte raison, nous plaindre de lui et des G., qui se sont très mal conduits envers nous, et n'ont pas agi loyalement. Je ne me chargerai pas de parler en sa faveur, car ces gens-là nous ont fait beaucoup de tort.

Adieu, à la hâte.

Votre dévoué

Camille de Cavour.

(1) Le comte Pierre Derossi di Santa Rosa, ami intime du comte de Cavour, nommé ministre d'agriculture et commerce (Cf. Lettre CLVI), le 20 octobre 1849, en remplacement de Galvagno.

CCLXIII.

31 octobre 1$49.

Mon cher ami,

Tous les transferts des actions de la Banque sont opérés, j'espère vous expédier, aujourd'hui, ou demain au plus tard, les certificats d'inscription, qui sont les seuls titres que l'on délivre aux actionnaires.

…....................................................................................

Notre malheureux ministère est dans un état de crise perpétuelle. Maintenant, c'est le tour du ministre de la guerre, Bava (1), qui ne s'entend pas avec Azeglio, il va se retirer, et il sera remplacé, à ce qu'on m'assure, par Al. Lamarmora, ce qui fera jeter les hauts cris à la gauche.

Dites à Davidin que j'irai ce matin, porter à Mr Nigra la requête de Mr Merello, son protégé.

Adieu, mille amitiés.

C. de Cavour.

CCLXIV.

3 novembre 1849.

Mon cher ami,

La crise est finie, Bava s'est retiré et Lamarmora le remplace. Paléocapa (2) a les travaux publics, c'est un homme excellent,

(1) Le général Eusebio Bava. Le Risorgimento du 3 novembre, attribue la retraite de Bava à un dissentiment entre lui et la Commission chargée de réorganiser l'armée, et non à des divergences politiques entre lui et d'Azeglio.

(2) L'ingénieur Pierre Paleocapa, né à Bergame en 1789, fit, comme Lieutenant du génie, la campagne de 1813, et remplit à Venise, jusqu'en 1848, plusieurs importantes fonctions dans le génie ci vii.11 prit part aux mouvements de cette époque, concourut à l'union de Venise avec le Piémont, et porta à Turin le résultat du plébiscite qui consacrait cette union.

à ce qu'assurent tous ceux qui le connaissent et en particulier Sainte Rose.

Le ministère sera plus fort; s'il est aussi plus habile, tout cheminera bien. Ce qui m'inquiète, c'est bien plus la France que nous. Les lettres que je reçois de Paris, sont plutôt alarmées.

Adieu, mille amitiés.

C. de Cavour.

CCLXV.

6 novembre 1849.

Mon cher ami,

Bombrini, qui part après demain, vous portera les titres des 11,000 L. de rente achetées pour notre compte. Pour vendre les rentes du mois d'avril, il faut attendre que la panique produite par la révolution ministérielle qui a eu lieu à Paris, se soit calmée.

…...................................................................................

Je ne suis pas aussi satisfait que vous, de la retraite de Bava, bien que je n'approuvasse pas sa réforme des Bersaglieri.

 En 1849 il se réfugia à Turin, et fut chargé du ministère des travaux publics, de 1845-1857, c'est-à-dire, jusqu'au moment où il perdit presque complètement la vue. Député au Parlement, il y représenta successivement, les collèges de Borgo S. Donino, San Quirico et Varallo. — Pendant qu'il fut ministre, il introduisit d'importante» réformes dans l'administration des travaux publics, créa plusieurs lignes de chemins de fer, et en entreprit plusieurs autres, parmi lesquelles celle du Mont-Cenis. En 1855 il représenta l'Italie au Congrès de Paris pour le percement de l'isthme de Suez, et, en 1866, il fut nommé président de la Commission des ports et canaux d'Italie, à laquelle, malgré sa cécité, il rendit de grands services. — Il mourut à Turin, le 13 février 1869. — Un monument lui a été élevé dans cette ville, et, à Suez, on a donné son nom à une place, en souvenir du rôle important qu'il joua au congrès de Paris en 1855.

Je suis moins réprimant que vous. J'ai du travailler comme un nègre, pour faire passer au ministère notre pacte de fusion.

Adieu, mille amitiés.

C. de Cavour.

CCLXVI.

9 novembre 1849.

Mon cher ami,

Une suite de malentendus et de contretemps ont empêché Bombrini d'emporter vos cédules. J'étais furieux, mais enfin, il a bien fallu se résigner. J'ai voulu éviter le danger de la route, et je l'ai aggravé; quoiqu'il en soit, vous les recevrez demain, par la poste.

…..................................................................................

Ayant expédié Tosco à Leri, je ne vous enverrai qu'à son retour, la note détaillée des traites que j'ai escomptées pour votre compte.

Adieu, à la hâte.

C. de Cavour.

CCLXVH.

10 novembre 1849.

Mon cher ami,

J'avais déjà expédié ma lettre à votre maison, lorsqu'on est venu me proposer d'acheter votre 31, à 86 7»; 1e pró: est bon, puisque le 49 est offert à 85, mais je n'ai pas pu faire de réponse précise et l'agent de change n'a pas voulu demeurer engagé jusqu'à lundi; toutefois, il m'a promis de faire ce qu'il pourrait pour tenir en suspens son client.

La rente, avril 49, est offerte à 48 on trouve du 48 à ¾, enfin il y a un remous général.

On est inquiet des nouvelles de Paris, et, en effet, elles ne sont point rassurantes.

Adieu, cher ami, mille amitiés.

Camille de Cavour.

PS. On m'a dit que l'un de vos clients de Novi avait manqué, et que vous étiez compromis pour une forte somme, j'espère que cela n'est pas vrai.

CCLXVIII.

13 novembre 1849.

Mon cher ami,

…......................................................................................

Aujourd'hui commence la discussion du traité de paix.

Le parti Buffa, qui s'est séparé de Valerio, offre un ordre du jour passable (1). Le ministère est disposé à l'accepter.

On ne peut pas, néanmoins, garantir la tournure que prendra la discussion.

Je suis persuadé que l'emprunt de la ville jouira de plus de faveur que celui du gouvernement.

Cependant il ne faut pas s'engager légèrement, car Nigra est dans l'embarras plus que jamais. Adieu, à la hâte, je vous quitte pour aller à la Chambre.

Tout à vous

Camille de Cavour.

(1) Voici l'ordre du jour présenté à la séance du 13 novembre, par le député Buffa: vu que le traité stipulé à Milan, le 6 août 1849, a été ratifié le 17 du même mois; vu la loi du 27 septembre 1849, qui autorise le gouvernement à payer à l'Autriche l'indemnité de guerre fixée par les articles additionnels du traité, la Chambre: 1° Considère le traité comme un fait accompli; 2° elle pourvoira par des loix spéciales, pour ce qui la concerne, à l'exécution du traité.

CCLXIX.

17 novembre 1849.

Mon cher ami,

Impossible de trouver du papier pour vous envoyer. Le Londres a disparu, on demande 103 du Paris. Je ne sais comment vous faire passer les fonds que j'ai retirés de la vente de vos cédules 1831.

Veuillez me dire si je dois vous faire un retour en billets de Banque, soit par la poste, soit au moyen de Jaillet, qui part dans cinq ou six jours.

Je n'ai pas encore trouvé l'amateur de vos rentes du mois d'avril, je ne crois pas qu'il faille leur casser le cou.

Vous aurez vu par les journaux le vote déplorable de la Chambre (1).

J'ignore encore le parti que prendra le ministère, qui, en tout ceci, a été d'une faiblesse déplorable. Peut-être saurai-je quelque chose avant de finir ma lettre, et je vous le manderai.

Je vais demain à Leri, où l'on m'attend depuis huit jours, pour terminer un contrat de la plus haute importance.

Écrivez à Mr Renaldi ce que vous voulez qu'il fasse des fonds que j'ai à vous. Je fermerai ma lettre à la Chambre.

2 heures.

Le ministère a décidé la dissolution de la Chambre (1).

Camille de Cavour.

(1) Le 16 novembre, le Centre gauche, par l'organe du député Cadorna, proposa à la Chambre de pourvoir à la sûreté des émigrés lombards et vénitiens, avant d'approuver le traité. Le Ministère s'opposa à cette proposition, mais la gauche et le centre gauche coalisés réussirent à la faire adopter, avec une majorité de 7 voix.

CCLXX.

Leri, 19 novembre 1849.

Mon cher ami,

Je suis parti hier, tellement à la hâte, que je n'ai pas eu le temps de vous écrire un mot. J'ai arrangé, avant mon départ, que Mr Renaldi vous enverrait un bon sur la Banque, pour le montant de la rente du 81 que j'ai vendue.

Vous aurez approuvé le décret de dissolution. Je crois qu'avec un peu d'habileté et de fermeté, on aurait pu l'éviter, mais, au point où les choses en étaient venues, on ne pouvait plus reculer. Le ministère veut tenter une dernière bataille électorale. S'il la perd, c'en est fait du régime constitutionnel régulier.

Nous serons ballottés entre les coups d'État et les mouvements républicains. Je compte retourner à Turin dans le courant de la semaine.

Adieu, mille amitiés.

C. de Cavour.

(1) A la suite de la votation de l'ordre du jour Cadorna, le gouvernement prorogea la Chambre au 19 novembre. Le 20 elle fût dissoute et parut la célèbre proclamation de Moncalieri.

CCLXXI.

Turin, 26 novembre 1849.

Mon cher Émile,

Me voici de retour, pour ne plus bouger jusqu'au moment des élections. Le ministère déploie une grande énergie.

Galvagno (1) vaut 10 Pinelli. J'espère que le résultat répondra aux efforts que l'on va faire. Au reste, il n'y a plus moyen de reculer.

Je vous parlerai demain affaires. Le vol commis à la poste est déplorable, mais je ne crois pas que ce soit un motif pour discontinuer l'envoi des billets par lettres chargées; au contraire, je pense que c'est une raison de majeure sécurité.

Adieu, mille amitiés.

C. de Cavour.

(1) L'avocat Jean Philippe Galvagno, ministre de l'intérieur, député du III collège de Turin, avait fait partie du ministère De Sonnaz (mars à mai 1849), en qualité de ministre d'agriculture et commerce, puis du ministère D'Azeglio, avec le même portefeuille; fut ministre de l'intérieur depuis octobre 1849 à février 1852, et de grâce et justice jusqu'en mai 1852. Collègue et ami de D'Azeglio, il eut sa part dans le fameux programme de Moncalieri, qui pacifia le pays et y rendit possible l'application du gouvernement constitutionnel. — Nommé ensuite Syndic de Turin, il dut, à la suite de revers de fortune, reprendre sa profession d'avocat, où il se distingua par son honnêteté et sa droiture. Nommé sénateur en 1860, il mourut à Turin le 27 mars 1874.

CCLXXII.

28 novembre 1849.

Mon cher ami,

Il est entendu que je payerai le solde des actions de la Banque, pour votre compte. Si, par hasard, les rentrées sur lesquelles je calcule, me manquaient, je vous en préviendrais à temps, ou je ferais traite sur vous, à un mois.

J'ai déjà reçu près de 850,000 kilogr. de guano Balduino. Je pense que dans le courant de décembre, je recevrai les 100,000 kilogr. qui forment le complément de ce qu'il m'a vendu. De la sorte, je n'aurai pas a lui payer de loyer de magasin.

Si vous voulez expédier du guano à Hippolyte, faites-le dans le mois de décembre. Je le lui fera! payer 27,50 francs les 100 kilogr., ce qui me paraît bien raisonnable.

Le ministère fait tout ce qui dépend de lui, pour amener de bonnes élections.

Mais, il faut bien le dire, le parti modéré est d'une déplorable nonchalance.

Mamiani (1) se pose en modéré, presque en ministériel.

Son inimitié personnelle avec Mazzini, est une semi-garantie de la sincérité de son opinion.

Adieu, mille amitiés.

Camille de Cavour.

(1) Le comte Terenzio Mamiani della Rovere, né à Pesaro en 1800. Philosophe et poète, prit part au mouvement de 1831 contre le gouvernement de Grégoire XVI, à la suite de quoi il dut se réfugier a Paris, où il publia plusieurs ouvrages de philosophie. Il rentra en 1848 à Home, où il fut nommé ministre de l'intérieur (cabinet du cardinal Orioli). Au milieu des événements qui suivirent la fui te de Pie IX à Gaëte, il accepta le ministère des affaires étrangères, puis il fit partie de la Constituante de Rome. Le pouvoir temporel ayant été rétabli, Mamiani se réfugia à Gênes et, en 1856, il fut nommé député du Y collège de cette ville. Il soutint vivement la politique de Cavour, qui, en 1860, l'appela au ministère de l'instruction publique. En 1861 il fut nommé ministre plénipotentiaire d'Italie en Grèce; en 1864, sénateur du royaume; en 1865, ministre d'Italie en Suisse.

CCLXXIII.

7 décembre 1849.

Mon cher ami,

Je suis accablé de besogne et, pour surcroìt de guignon, je vais aller monter la garde.

Je répondrai dimanche aux lettres de votre maison, tandis que le sort de la nation se décidera dans l'urne elettorale.

Le ministère espère beaucoup, quant à moi, j'espère un peu, je vous tiendrai au courant des nouvelles politiques de Turin.

Ecrivez-moi, de votre côté, et croyez à ma sincère amitié.

Camille de Cavour.

CCLXXIV.

9 décembre 1849.

Mon cher ami,

Je n'ai pas vendu vos rentes à 83,50, parce que j'ai su par Mr Landaur, agent de Rothschild, que celui-ci avait consenti à avancer au trésor 11 millions, en compte courant, pour éviter une nouvelle émission à la fin de l'année. Je crois avoir agi dans votre intérêt, toutefois, si vous regrettez ma désobéissance, je prendrai vos rentes à 83,50? quitte à ne pas vous les payer tout de suite. II fait un temps atroce, il pleut à verse depuis deux jours, ce qui empêchera un grand nombre d'électeurs de se rendre au scrutin. C'est un malheur, mais, d'un autre côte, cela peut fournir au ministère un excellent prétexte pour modifier la loi électorale.

Dites-moi ce que c'est que des Mrs Gamba, Sconio et Millo (1), qui veulent fonder une compagnie des Indes, ce qui me paraît une idée un peu bouffonne par le temps qui court.

Adieu, mille amitiés.

Camille de Cavour.

CCLXXV.

Turin, 11 décembre 1849.

Mon cher ami,

J'ai fini, ce matin, l'affaire de vos rentes, je les ai toutes vendues à Mrs Soldati, à 84, payables lundi prochain.

Si vous n'avez pas besoin de fonds, je garderai une partie du produit, pour faire le second versement de nos actions.

Le trésor est en bonne position. Nigra a ici,4 à 5 millions en caisse, mais il éprouve une répugnance incroyable à payer. Dites-moi si les traites de Thompson ont été payées et si, en conséquence, notre affaire des rails peut être considérée comme liquidée.

Ce matin, on me parlait de 99 7pour les bons. Je verrai si je peux en obtenir à ce taux, pour le compte à demi.

Je pense que les bons seront payés, ou tout au moins échangés contre des rentes au cours.

 Les élections de nos provinces sont assez bonnes. Si celles 4e Gènes et des.

(1) Grande maison de commerce à, Gênes. Mr Millo est actuellement Président de la Chambre de commerce de Gènes.

Rivières ne sont pas détestables, on pourra marcher, mais avec une modification ministérielle, non dans le sens de la gauche, mais de manière à donner au cabinet plus d'homogénéité.

Demargherita (1) s'est coulé dans l'opinion publique, par sa conduite privée.

Adieu, mille amitiés.

Camille de Cavour.

CCLXXVI.

16 décembre 1849.

Mon cher ami,

Les élections des provinces de terre ferme sont toutes connues, elles sont, en grande majorité, conservatrices. Les plus sanguine assurent que les 2/3, au moins, seront ministériels. Cela est probable, car il y a toujours dans les assemblées, une partie flottante, qui se rallie au parti le plus fort. Nous en avons fait, dans les dernières législatures, la triste expérience.

La sortie de Demargherita est chose certame, j'aurais désiré qu'on eut également mis Mameli (2) à la porte, mais ses collègues n'ont pas eu le courage de le faire. On parie, pour le remplacer, de l'avocat Noellis,

(1) L'avocat baron Louis de Margherita, ministre de grâce et justice.

(2) Le chevalier avocat Cristoforo Mameli, ministre de l'instruction publique. Né en Sardaigne en 1795, député du III collège de Cagliari, siégeait à la droite. Fatigué des luttes parlementaires, il donna sa dimission en 1850, et fut nommé conseiller d'État. Très versé dans le droit canonique et catholique fervent, il protesta toujours contre les lois hostiles au clergé. Mort à Rome le 18 octobre 1872.

qui a eu l'honneur d'une triple élection (1), et de Gioia (2). J'ignore lequel des deux sera préféré (3).

La hausse des fonds ne m'inspire pas une grande confiance. L'état de la France ne me paraît pas encore bien rassurant. Je ne sais, mais je vois la marée du socialisme monter d'une manière irrésistible.

Je doute fort qu'en Angleterre, on baisse maintenant le prix de l'or. Notez d'abord, que cela ne peut avoir lieu qu'au moyen d'une loi, car c'est la loi qui a imposé à la Banque l'obligation d'acheter l'or au prix actuel.

Si, toutefois, l’affluence de l'or augmentait, il faudrait bien songer à baisser son prix relativement à l'argent. Alors, certainement, le change sur Londres baisserait, puisqu'en définitive, ce change s’établit (entre certaines limites), d'après le prix comparatif des deux métaux précieux.

Pour alimenter notre nouveau moulin à riz, qui marche fort bien, et pour profiter du bas prix de nos marchés, j'ai fait de grands achats de riz, ce qui m'a mis à sec. Si vous avez besoin de vos fonds, vous pourriez tirer sur moi, mais je pense que vous n’êtes pas pressé de rentrer dans les avances de la portion du guano que je vous dois encore.

Adieu, cher ami, croyez à mes sentiments dévoués.

Camille de Cavour.

PS. Un courrier, expédié de Lyon à l'agent de Rothschild, porte les fonds, sur cette place, à 86, ce qui les fera monter à 88 ici, demain, lorsque ce fait sera connu.

(1) L'avocat Prospero Perpetuo Novelli, nommé député par le IV collège de Turin, le II collège d'Alexandrie et celui de Felizzano, pour lequel il opta, mais il dut bientôt renoncer à son mandat, ayant, peu après, été nommé Préfet du Collège des Provinces.

(2) Voir lettre CLXXXII.

(3) Ni l'un ni l'autre, car Gioia n'entra au Ministère que le IO novembre 1850, et ce fut le comte Siccardi qui remplaça le baron De Margherita.

CCLXXVII.

Turin, 18 décembre 1849.

Mon cher ami,

Le comte Siccardi (1) remplace De Margherita. Mr Siccardi, aujourd'hui avocat général, est un homme d'un talent éminent. Si le courage ne lui fait pas défaut, ce sera le membre le plus important du ministère.

Il y aura une promotion de sénateurs..........................

Adieu, mille amitiés.

Camille de Cavour.

CCLXXVIII.

20 décembre 1819.

Mon cher ami,

…......................................................................................

Nigra compte, à l'ouverture du Parlement, demander l'autorisation de contracter dans le courant de l'année 1850, un emprunt de 4 millions de rentes. Je ne doute pas que les Chambres n'accèdent à cette demande.

Le pauvre Risorgimento a mangé ses fonds, comme tous les autres journaux. La Concordia n'a plus que des dettes, et l'Opinione vit des subsides des riches lombards, qui en ont fait leur organe.

J'espère que le parti conservateur de Turin et de Grènes ne laissera pas tomber le seul journal qui ait toujours soutenu en Italie les principes libéraux modérés. S'il était égoïste à ce point, il faudrait désespérer de l'avenir constitutionnel du pays.

(1) Le comte Giuseppe Siccardi, dont le nom est resté justement célèbre, à cause de la fameuse loi sur l'abolition du For ecclésiastique qu'il proposa au Parlement.

Je ne crois pas que les changes se relèvent de si tôt. Au contraire, je pense qu'ils baisseront encore, au commencement de l'année prochaine, car, d'ordinaire, les demandes de Paris baissent sur notre place, à cette époque.

Adieu, votre dévoué.

C. de Cavour.

CCLXXIX.

27 décembre 1849.

Mon cher Émile,

Une personne, qui m'a été vivement recommandée, monsieur G. (nom illisible), qui a étudié les mathématiques et les sciences mécaniques, désirerait être admise à travailler comme ingénieur volontaire dans les usines de Mr Taylor. C'est un jeune homme appartenant à une famille fort riche et qui n'a d'autre but que celui de s'instruire.

Si vous pouviez l'aider à obtenir de Mr Taylor ce qu'il désire, je vous en serais fort obligé.

Mille amitiés.

C. de Cavour.

CCLXXX.

29 décembre 1849.

Mon cher ami,

Je ne peux pas trouver du Turin ou du Gènes long, pour vous couvrir. Ainsi, si vous aimez mieux tirer sur moi, à trois mois, vous êtes le maître.

Quant à moi, je trouve un ample emploi de mes fonds, dans l'achat des riz nécessaires pour alimenter l'usine du pare.

La Société qui l'a construite, et dont je fais partie, a dépensé, comme cela arrive toujours, tous ses fonds en bâtisses et en machines, et elle s'est trouvée sans capitaux circulants.

Or, comme elle fait un travail excessivement profitable, j'ai fait un compte à demi avec elle, et je lui fournis à peu près 600 sacs de riz par semaine. Jusqu'à présent, l'affaire paraît fort avantageuse, seulement, elle exige beaucoup de fonds.

Le Risorgimento a mangé tout son capital, il a perdu 80,000 francs, en deux ans. Au reste, il en est arrivé de même à la Concordia et à l'Opinione.

Ainsi, je m'en vais vous débiter du dernier versement de vos deux actions et de celles de Ricci et Cevasco.

Quant à la nouvelle société, je ne vous condamne à prendre qu'une seule. action, ce qui vous coûtera 50 francs et vous vaudra un exemplaire du journal.

Nigra nous a annoncé hier que le budget de 1849 présentait un déficit de..................

101,000,000

et celui de 50  80,000,000
181,000,000
et qu'il allait demander l'autorisation d'émettre le million de rentes. En présence de cette nécessité, la hausse me paraît exagérée. Gardez vos actions de Turin, elles valent mieux que le Risorgimento, vous les vendrez, avant six mois,1400.

Adieu, à la hâte.

C. de Cavour.

Nous allons nommer: Pinelli (1), président; Demarchi (2) et Palluel (3), vice-présidents de la Chambre.

(1) Pier Dionigi Pinelli, ministre de l'intérieur en 1848 (ministère Alfieri), député du collège de Cuorgnè.

(2) Demarchi Gaetano, député du collège de Mongrande, avait déjà été vice-président de la Chambre, à la 1® législature.

(3) Palluel Ferdinand, député du Collège d'Albertville en Savoie, avait été questeur lors de la 1° législature.


vai su


CCLXXXI.

11 janvier 1817.

Mon cher ami,

J'ai re§u hier la lettre de votre maison, au moment où je revenais de la Chambro. J'ai eu, à peine, le temps de la lire et de vous expédier des traites, que j'avais négociées avec mon ami M. Adriani, en rentrant, ainsi qu'une traite de 35 mille francs, que m'a remise un de mes correspondants du Vercellais. Au moyen de ces remises, mon compte serait non-seulement soldé, mais je resterais en avance de 30,000 francs à peu près.

Je vous serais obligé de me remettre cette somme, soit en Turin, ou Gènes, escomptable à la Banque, soit en billets; ayant du 20 au 25, à solder d'assez fortes parties de riz, achetées pour le moulin du pare.

…............................................................................................

Cette diable d'affaire Balduino me gène un peu, car elle me cause un déboursé de plus de 120,000 francs, somme considérable pour moi, malgré les bénéfices réalisés cette année.

Nigra est en correspondance suivie avec Rothschild, je tâcherai qu'il ne se laisse pas mettre dedans..............................

..................................................................................................

La majorité de la Chambre demeure compacte. Les violents discours de Josti et de Lanza ont produit un bon effet sur elle (1). J'espère qu'elle se dessinera d'une manière plus nette que par le passe, dans le vote de la loi électorale qui se discute aujourd'hui. Adieu, mille amitiés.

C. de Cavour.

(1) Dans la séance du 9 janvier le député Josti protesta devant Dieu l'Italie, l'Histoire et le Monde entier, contre le Traité de paix du 6 août 1849, et contre les ministres, qui forcèrent le pays à en subir les désastreuses conditions, tandis que l'armée sarde, même après Novare, aurait pu encore combattre et vaincre. — Le député Lanza parla à peu près dans le même sens. La loi fut votée par 112 voix contre 17.

CCLXXXII

12 janvier 1850.

Mon cher ami,

A peine j'avais pris le papier d'Adriani, que je regrettais de l'avoir fait. C'est heureux que nous nous en soyons tirés à si bon compte. Nigra m'a assuré qu'il payerait à leur échéance, les bons du trésor, à bureau ouvert. Vous pouvez, en conséquence, compter sur ceux que vous avez en portefeuille, comme sur des billets de Banque.

Si vous trouviez à acheter au pair, vous feriez une bonne affaire.

Je talonnerai Bona et, au besoin, étant son voisin, je lui donnerai des pingons.

La gauche, sauf Eattazzi, a été pitoyable dans la discussion de la loi électorale (1). Le second jour, je me suis abstenu de prendre part au débat, car c'était trop misérable.

Hier, Galvagno a donné une soirée, à laquelle il avait invité tous les députés (2). L'opposition n'y est pas venue. Brofferio seul s'y est rendu pour se moquer avec nous, de ses chers collègues.

Adieu, mille amitiés.

Camille de Cavour.

(1) Il s'agissait de modifier la loi électorale, en divisant les collèges électoraux, en autant de sections qu'ils comptaient de mandements, afin de faciliter le vote aux électeurs. — La loi fut votée le 11 janvier par 87 voix, contre 43.

(2) Cette soirée fut vivement critiquée par la Gauche (La Concordia), qui trouvait que le pays n'était pas en circonstances telles, que ses ministres donnassent des fêtes.

CCLXXXIII.

17 janvier 1830.

Mon cher ami,

Je vous transmets la réponse de Bona aux Thompson, qui confirme pleinement ce que je vous ai mandé. Bona m'a expliqué le tour que les G........ont vòulu lui jouer, d'après lequel il ne serait plus tenu à rien. Mais il m'a assuré qu'avant le mois de mars, il ferait venir les 1000 tonnes en question.

Je suis rapporteur de la loi sur l'emprunt des 4 millions (1). J'ai un travail à faire pour le traité de commerce avec la France, de sorte que je n'ai pas un moment à moi. Pour comble de malheur mon secrétaire est malade.

Adieu, mille amitiés.

Camille de Cavour.

CCLXXXIV.

Turin, 21 janvier 1850.

Mon cher ami,

Vous lirez, ce matin, mon rapport sur l'émission de 4 millions de rentes, dans le Risorgimento, vous en saurez après, autant que moi (2).

…..........................................................................................................................

(1) Projet de loi présenté par le ministre Nigra, pour donner faculté an gouvernement d'émettre un emprunt de francs 6,000,000 de rente pour couvrir l'énorme déficit causé par les guerres de 1848 et 1849. L'opposition se divisa en deux partis, l'un voulait repousser la loi, l'autre ne voulait accorder que 3 millions, mais le ministère obtint 6 millions.

(2) «Parce que vous êtes rapporteur de la loi des 4 millions, je me trouve naturellement privé de rien savoir, parce que, en législateur honnête, vous redoublez de réserve» (Lettre de Mr de la Rue au comte de Cavour,19 janvier 1850).

Avigdor (1) est arrivé, je doute qu'il parvienne à rien faire avec le gouvernement; il est trop hâbleur, comme vous le dites, c'est un genre qui ne réussit pas chez nous.

Je n'ai pas besoin d'argent; lorsque je serai à sec, je vous enverrai du Turin de nos marchands de riz.

Adieu, mille amitiés.

Camille de Cavour.

CCLXXXV.

26 janvier 1850.

Mon cher ami,

Nigra m'a donné l'assurance la plus formelle que les bons seraient payés à leur échéance; seulement, il pensait que les premiers ne l'étaient que dès le 25. En conséquence, il veut faire commencer les payements le 1r février.

Il m'a assuré ne pas pouvoir autoriser leur payement à Grènes, ce qui entraînerait des difficultés de comptabilité extraordinaire. Mais il m'a dit à l'oreille, qu'il prendrait les bons qui sont échus et ceux dont l'échéance serait prochaine, en payement de la première portion de l'emprunt, et, dans ce cas, on pourrait les verser à Gènes, comme à Turin.

Gr. et M. m'écrivent qu'ils ne sont pas encore d'accord avec R., mais il me parait que ces messieurs finiront par s'entendre.

La souscription nationale dépassera, j'espère,20 millions. Seulement elle restera ouverte peu de jours, ainsi je vous conseille de vous préparer dès à présent.

Adieu, à la hâte.

Camille de Cavour.

(1) Le comte Henry Avigdor, député du collège de Gavi à la iv et v législature (1849-1857).

CCLXXXVI.

29 janvier 1850.

Mon cher Émile,

Je prends la liberté de recommander à votre aimable obligeance, Monsieur et Madame de Atzel, hongrois distingués, qui vont se rendre à Gènes. Je vous serai infiniment obligé de ce que vous pourrez faire pour leur rendre agréable le séjour de votre ville.

Cette lettre devant vous arriver moins rapidement que celles que je vous écris par la poste, je n'ajoute aucune nouvelle politique, et je me borne à vous renouveler l'expression de ma vieille amitié.

Camille de Cavour.

CCLXXXVII.

30 janvier 1850.

Mon cher ami,

Puisque vous n'avez pas voulu me croire, vous en serez (quitte) pour payer à la Banque quelques jours d’intérêts, ce qui, d'ailleurs, ne diminuera pas de beaucoup votre bénéfice sur les bons (1).

Nigra m'a encore répété, hier, que les bons échéants en février seront reçus, sans distinction, en payement de l'emprunt.

Cela l'arrange pour ne pas être obligé de les rembourser à la spicciolata avec des billets de 100 francs et des pièces de 3 francs.

(1) Pour ne pas courir le risque, au dernier moment, que l'ordre de prendre en payement des Bons du Trésor, ne fùt pas exactement parvenu à notre trésorerie, je me suis entendu avec la Banque, qui prend mes bons comme du papier sur Turin à 3 ½ % l'anno (Lettre de Mr de la Rue au comte Cavour, 28 janvier 1850).

Au reste, on n'exigera probablement que le tiers comptant; mais j'espère que l'on cherchera à faire payer les facilitations que le ministère accordera pour les payements.

A la demande de mon ami Bolmida, j'ai remis une lettre de recommandation à des hongrois très distingués; veuillez les accueillir avec votre obligeance accoutumée.

…...........................................................................................

Nous allons remettre sur le tapis le chemin de Savigliano; veuillez me dire votre intention à ce sujet. Je crois que, comme spéculation, ce n'est pas une mauvaise affaire, et que les actions se placeront sans difficulté.

A est un animai, un vrai faiseur d'embarras. Ne vous mêlez avec lui que comme banquier; mais laissez-lui faire ses tripotages tout seul.

Mon père vous prie de lui procurer, si l'occasion se présente, un petit tonneau de Marsala du meilleur qu'il soit possible de trouver.

Si, par hasard, on trouvait à Gènes du rhum de première qualité, mon père en désirerait également une douzaine de bouteilles.

A propos de liqueurs, n'avez-vous jamais entendu parler de deux caisses qui sont parties d'Amsterdam, il y a trois mois, à votre adresse, pour moi?

Adieu, mille amitiés.

Camille de Cavour.

CCLXXXVIII.

14 février 1850.

Mon cher ami,

Je ne vous ai pas écrit parce que j'ai eu immensément à faire cette semaine. Je suis de service à la Banque, où il y a eu un travail énorme. J'ai été assez heureux pour pouvoir donner de l'argent à tous ceux qui en ont demande, grâce à un petit million que je me suis procure. Mais ce n'a pas été sans peine.

La souscription ira à 40 millions. Nigra en donnera 30. Telle est du moins mon opinion.

Farina nous excède avec ses interpellations (1), mais je crois que nous en viendrons à bout.

La semaine prochaine, je vous enverrai une partie de vos certificats; je ne puis vous les envoyer tous, parceque je n'ai pas encore pu libérer les actions inscrites au nom de Salmour.

Adieu, mille amitiés.

Camille de Cavour.

CCLXXXIX.

20 avril 1850.

Mon cher ami,

Une nouvelle indisposition, qui m'a valu deux saignées, est cause que je n'ai pas pu répondre de suite à votre dernière lettre.

L'affaire du vin de Marsala est arrangée à ma pleine satisfaction.

Je vous remercie de l’intérêt que vous avez pris à mon affaire avec Avigdor (2). Je ne suis pas un batailleur, mais il y a de telles provocations, qui, même lorsqu'elles partent de très bas, ne peuvent pas rester impunies.

(1) An sujet de l'approbation du bilan, que le Parlement discutait alors.

(2) Le député de Nice, Jules Avigdor, avait fondé à Turin, le journal La Voix de l'Italie. Dans un article sur la question des impôts, il y avait attaqué le journal Le Risorgimento en termes qui mettaient en doute l'honneur et la délicatesse de ses rédacteurs et particulièrement du comte de Cavour. Un duel s'ensuivit entre celui-ci et le député Avigdor (M. Castelli, Le comte di Cavour, p.25-32).

Vous avez lu les discussions de la Chambre et les articles du Risorgimento, et je ne pense pas que vous y ayez trouvé rien qui justifie l'injustifiable article de La voix de l'Italie. Au reste, je crois qu'à l'heure qu'il est, le public apprécie Avigdor à sa juste valeur, que vous et moi connaissons depuis longtemps.

Je serai charmé de voir Madame de la Bue et de lui offrir mes services. Si elle le désire, je tâcherai de lui donner le spectacle d'une joute parlementaire avec Brofferio.

Comment voulez-vous que la discussion du budget chemine, avec des ministres aussi peu habiles que ceux que nous avons? Nigra, à la lettre, n'entend rien à l'administration financière. Il est matériellement impossible qu'il se tire du pétrain, où il est tombe.

Je suis parfaitement de votre avis à l'égard de Yincome tax (1). Le seul moyen d'éviter les folies du socialisme c'est de se montrer juste et généreux envers les classes inférieures, ainsi que le font les anglais. L’égoïsme et l'ignorance des classes riches, en France, sont les causes principales de l'état déplorable de ce malheureux pays.

J'ai peu de foi dans nos fonds. Dans quelques jours Nigra demandera l'autorisation d'émettre la dernière portion de l'emprunt qu'il a annoncé l'hiver dernier. Cela produira, je crains, un très mauvais effet. Ce n'est pas que l'argent manque, il est au contraire très abondant, ainsi que le prouve l'ardeur avec laquelle on se porte vers les entreprises particulières. Vous aurez su que le bail des moulins de la ville a échappé à la compagnie Custo, qui croyait tenir l'affaire dans son sac. Cette compagnie, maintenant, songe à établir une concurrence, à peu de distance de Turin.

(1) Je m'attends à ce qu'on en viendra à l'income tax. With the free Trade principles, you must come to that, sooner or la ter. Better perhaps, do it at ones. (Lettre de Mr de la Rue au comte Cavour, 18 avril 1850).

Savigliano va bien. Il est probable que la concession aura lieu dans le courant de la session.

Je ne saurais vous faire faire une offre pour votre intérêt dans l'affaire Rossi et Schiaparelli pour un tiers, car il faudrait les mettre au fait de toutes choses, ce qui n'est guère convenable.

…........................................................................................

Il est probable que cette année, l'inventaire présente de 20 à 26 mille francs de bénéfices. Mais, par le temps qui court, les entreprises industrielles sont difficiles à réaliser. Adieu, mille amitiés.

Camille de Cavour.

CCXC.

Turin, 28 avril 1850.

Mon cher ami,

Ayant eu à écrire à Davidy, je ne vous ai pas répondu de suite. D'ailleurs, je savais qu'il n'y avait pas péril dans la demeure, par rapport à nos rentes.

Nigra sera forcé de réclamer la faculté de contracter un nouvel emprunt, avant que la session ne finisse, c'est-à-dire dans le mois prochain.

Il prétend avoir de quoi aller jusqu'à la fin d’août, et même la fin de septembre. J'en doute fort; ce dont je suis certain, c'est que Nigra ne sait rien lui-même de positif.

Ce qui m'effraye, c'est le peu d'habileté du ministre et la mauvaise disposition de la Chambre, à l'égard des nouveaux impôts. Comme membre de la commission des finances, j'ai pu me convaincre que beaucoup de députés de la majorité sont d'avis de renvoyer la discussion des nouveaux impôts après celle du budget, c'est-à-dire aux calendes grecques. Si cela avait lieu, je crains que notre crédit aurait à en souffrir considérablement.

Vous concevez que ce que je vous dis ne repose que sur des appréciations vagues. Je ne voudrais pas que vous opériez sur ces notions.

Quant à convertir vos rentes en obligations, je ne vois guère quel profit vous pouvez y trouver. Vous perdez sur l’intérêt, cela est certain. Est-il probable que vous vous rattrapiez sur le capital?

Il y a déjà un écart de 10 p. % entre ces deux fonds. Si le ministre, profitant de la faveur dont jouissent les obligations, s'avisait d'en émettre pour 15 ou 20 millions, il est probable que le taux des deux fonds serait plus en rapport avec leur valeur réelle.

Quant à l'affaire E. S. je vous payerai au bout de 3 ans, mais, en attendant, l’intérêt courrait à raison de 120.

Je voudrais, vous payer fin juin la moitié du compte à 6 p. % st l'autre moitié à la fin de l'année, en vous autorisant, dans le cas où vous auriez besoin d'argent, à tirer sur moi à 3 mois.

…...........................................................................................

Adieu, je vous quitte pour aller me quereller avec Farina, à la commission de finance.

Votre dévoué

Camille de Cavour.

CCXCI.

Turin, 2 mai 1850.

Mon cher ami,

Je n'ai pas grand-chose à ajouter aux renseignements financiers que je vous ai donnés dans ma dernière lettre. Nigra n'a pas encore fixé le jour où il présentera sa demande pour le nouvel emprunt. Le brave homme est fidèle au système d'attendre le dernier moment pour agir.

Il a imaginé de créer 18,000 obligations pour rembourser la Banque, mais je doute que ce projet puisse recevoir son exécution dans la présente session.

Dans le cas de remboursement, je serais d'avis d'augmenter le capital de la Banque et de le porter à 10 millions, afin de pouvoir maintenir la circulation à 80 millions, au moins. Cette mesure pourra, de prime abord, paraître nuisible à la Banque; mais, en définitive, je crois qu'elle lui sera très avantageuse, en lui permettant de ne pas restreindre ses opérations, qui tendent chaque jour à s'étendre dans un cercle plus large.

Mr Papa m'a présenté Mr Rubattino (1), qui sollicite du gouvernement, la concession du service postai dé la (Sardaigne.

(1) Raffaele Rubattino (1809-1881), fonda à Gènes, en 1840, une Société de Navigation et d'Assurances maritimes, au capital de francs 330,000, divisé en 33 actions, et substitua les navires à vapeur à ceux à voiles. Ce capital fut porté en 1841, à francs 1,450,000, et ses navires faisaient un service régulier de Gènes à Naples, en touchant les ports intermédiaires. En 1850, il obtint du gouvernement une subvention et entreprit un service régulier de messageries entre Gènes et la Sardaigne, et la Société porta alors son capital à francs 1,600,000, divisé en 400 actions de francs 4000. — Le Cagliari, qui transporta, en 1857, l'expédition Pisacane et fut capturé par les vaisseaux napolitains, appartenait à la Société Rubattino, de même que le Lombardo et le Piemonte, qui, en 1860, transportèrent Garibaldi et ses mille légionnaires en Sicile. — En 1865, Rubattino, ayant racheté toutes les actions de sa Société, augmenta encore sa flotte et établit un service entre Gènes, Alexandrie, Bombay, Tunis, Malte et Tripoli. Il acheta alors la baie d'Assab, pour y établir une colonie italienne et une station navale, et le chemin de fer de la Golette à Tunis, qui donna lieu aux incidents que tout le monde connaît. — En 1880, il transforma la Société Rubattino en Société en commandite, au capital de 20 millions, divisé en 40 mille actions de francs 500, et il fusionna sa Compagnie avec celle de Florio de Palerme, qui devint ainsi la Società Generale di Navigazione Italiana, possédant une vraie flotte de navires à vapeur, faisant le service entre Gènes et les principaux ports de l'Asie, de l'Afrique et de l'Amérique. — Rubattino ne fut pas seulement un habile administrateur, il fut aussi un vrai philanthrope et nn patriote libéral. Il fut nommé en 1876 député du 3e collège de Gènes jet fit partie du Conseil municipal de cette ville, depuis 1860 jusqu'à sa mort, qui fut pour Gènes, un véritable deuil public.

Je suis d'opinion que ce service doit être concédé à l'industrie privée; je désirerais savoir si Rubattino et la Compagnie qu'il représente, sont dans le cas de le faire d'une manière convenable.

La Banque reçoit des masses de papiers de C. et S. en liquidation. Croyez-vous qu'il y ait là dessous quelque mic-mac? Adieu, mille amitiés.

Camille de Cavour.

CCXCII.

Turin, 7 mai 1850.

Mon cher ami,

Je vous remercie des renseignements que vous me donnez sur Rubattino. Malgré l'avis de l'andrai, je persiste à croire qu'il est essentiel au développement de la prospérité de la Sardaigne, de laisser à l'industrie privée le soin de maintenir des communications régulières entre elle et le continent. Les officiers de la marine royale ont horreur des marchandises et ne les reçoivent à bord, qu'à leur corps défendant. Cela seul suffit pour leur enlever un service dont le but principal doit être de favoriser l'échange des produits des deux pays.

Nigra présentera sa loi sur l'emprunt, dans le courant de la semaine. Grâce au ciel, je sera! dispensé de la rude et ingrate mission de défendre la politique malhabile du ministère; car celui-ci, pour neutraliser l'effet produit

par l'arrestation de l’archevêque (1), doit demander aujourd'hui l'autorisation de me poursuivre devant les tribunaux, à cause de mon duel avec Avigdor (2).

Cela me parait, de sa part, le comble de la stupidité; mais enfin, je ne dois, en aucune manière, m'opposer à ce que la justice ait son cours. Seulement, je suis décidé à ne plus me présenter à la Chambre pendant le cours de cette session, et même, à m'absenter de Turin, jusqu'au jour de mon jugement.

Avigdor, pour éviter l'ennui du procès, est parti pour l'Angleterre; de sorte que je reste seul à porter le poids «des poursuites du fisc.

Adieu, mille amitiés.

Camille de Cavour.

Le 4 mai, sur un mandat de l'autorité judiciaire, monseigneur Louis Fransoni, archevêque de Turin, avait été arrêté et enfermé dans la citadelle, pour avoir: 1° adressé aux prêtres de son diocèse, une circulaire les excitant à résister aux lois de l'État, et les menaçant de punitions financières et spirituelles, s'ils s'y soumettaient; 2° d'avoir refusé de comparaître devant les tribunaux compétents, pour y répondre de ce délit. — Cette arrestation souleva une vraie tempête dans le parti clérical (le journal L'Armonia en tète), qui fit de Fransoni un véritable martyr, ce qui n’empêcha pas que, le 23 mai, il fût condamné par le Magistrato d'appello de Turin, à un mois de prison et fr.500 d'amende, le jury l'ayant, à l'unanimité, déclaré coupable d’offense à la loi par sa circulaire à son clergé, du 18 avril.

Le ministère public et l'avocat général fiscal, par l'organe du garde-des-sceaux, demandèrent à la Chambre de pouvoir poursuivre Cavour et Avigdor, à cause de leur duel. Une commission fut nommée pour étudier la question, et, sur sa proposition, la Chambre repoussa la demande du fisc.

CCXCIII.

17 mai 1850.

Mon cher ami,

J'ai reçu à Leri votre lettre du 10 et celle que votre maison m'écrivait à la même date.

Le ministre doit présenter aujourd'hui le projet de la loi de Savigliano. Il croit qu'il ne rencontrera pas de sérieuses difficultés (1).

Il fait, depuis hier, un temps déplorable; on le considère comme très nuisible à la récolte des cocons. Je crois de même, que les blés commencent à souffrir.

Adieu, à la hâte. Je n'ai pas encore vu nos hommes politiques.

Camille de Cavour.

CCXCIV.

19 mai 1850.

Mon cher ami,

La Chambre a envoyé promener le ministère public et a refusé l'autorisation de me faire un procès. Les seuls membres qui ont voté contre moi, sont ceux de l’extrême droite.

La discussion des lois de finance marche mieux que je n'avais osé l’espérer. Il est possible qu'un certain nombre en soit voté avant la prorogation du Parlement.

(1) Le projet de loi et le chapitre des charges pour la concession du chemin de fer Turin-Savigliano à la Société qui s'était constituée? pour le construire et l'exploiter, avec un capital de 7 millions et demi fut, en effet, présenté le 17 mai au Parlement, mais n'y fut voté que plus tard.

Nigra renvoie d'un jour à l'autre, sa demande d'un nouvel emprunt. Il est, pourtant, bien près de ses écus, car il n'a plus à disposer que de 7 à 8 millions sur la rente de 4 millions, et notez qu'il n'a pas remboursé à la Banque de Gênes les 2 millions qui sont échus au mois d'avril.

Malgré cela, le bon ministre est d'une sérénité admirable.

Davidy m'a écrit que vous travaillez avec Mestrezat; je vous conseille de cultiver cette relation, c'est la meilleure que vous puissiez avoir à Turin.

Adieu, mille amitiés.

Camille de Cavour.

CCXCY.

26 mai 1850.

Mon cher ami,

Nous sommes dans une cruelle anxiété. Mon père est revenu de la campagne, avec une attaque de goutte; d'abord, nous avons cru que ce n'était rien de sérieux, mais, depuis trois jours, le mal a fait de grands progrès. Hier au soir, son état était inquiétant; néanmoins la nuit a été passable et ce matin le médecin l'a trouvé mieux. Si la goutte pouvait se manifester dans quelque partie extérieure du corps, il serait sauvé.

Je n'ai plus été à la Chambre, de sorte que je ne sais aucune nouvelle. Je ne regrette pas les débats parlementaires, car, en vérité, la Chambre, et nous autres ministériels en particulier, nous ne brillons que par notre médiocrité.

Adieu, mille amitiés.

Camille de Cavour.

CCXCVI.

30 mai 1850.

Mon cher ami.

Je vous remercie de l’intérêt que vous prenez à l'état de mon père. Depuis dimanche, le mieux qui s'était manifesté, s'est maintenu. Ce matin, cependant, il a eu une forte attaque de nerfs; mais, comme elle n'a pas eu de suites fâcheuses et qu'au contraire, elle a aidé l'action des remèdes qui lui avaient été administrés, le médecin ne la considère pas comme défavorable.

Je crois que le danger est éloigné, pour le moment; mais il est à craindre que sa santé ne soit fortement ébranlée.

Les trois caisses de liqueurs d'Amsterdam me sont, en effet, destinées. J'en attends encore d'autres, dont yoici le connaissement. Ne croyez pas que j'aie l'intention de me bruler le sang en les buvant. Je les ai fait venir pour le club, où l'on fait un large usage de l'eau de feu.

Le temps continue à être défavorable à la récolte des soies. Je suis persuadé qu'elle sera médiocre. Les soies ont beaucoup haussé et, probablement, elles hausseront encore.

Il y a longtemps que je vous ai dit que X était un bonhomme. Je crois qu'il radote un petit peu. Ne rompez pas avec lui, car il est trop honnête et loyal pour mériter un pareil traitement, mais limitez vos affaires et rapportez les sur Mestrezat et J. De Fernex. Choisissez le premier pour les grandes, et le second pour les petites. Mestrezat est maintenant un premier crédit sur notre place, et je crois qu'il le mérite, plus par son intelligence, sa régularité et sa probité, que par une très grande fortune.

Z. est un usurier, mais un usurier fort habile, qui sait dénicher des affaires souvent très bonnes. Il y a beaucoup gagné et, pour peu qu'il continue sur le train où il y va, il sera bientôt une première ligne.

Je n'ai pas de Turin long en portefeuille, mais il peut m'en arriver d'un moment à l'autre, de mes marchands de riz. Si vous m'envoyez votre Turin, je vous en créditerai au pair, valeur à l'échéance.

Nigra présentera lundi la demande de l'emprunt. Il demandera, en même temps, l'autorisation d'émettre des bons du trésor, sans fixer ni l'échéance, ni le taux de l’intérêt. Il se peut que cela l'aide à aller de l'avant. Cependant, si la hausse continue, comme tout le fait présager, il fera bien de profiter du moment pour en finir avec l'emprunt.

Le Roi a un succès complet en Savoie (1). Je ne sais s'il en sera de même lorsqu'il ira à Gènes.

Adieu, mille amitiés.

Camille de Cavour.

CCXCVII.

23 juin 1850.

Mon cher ami,

Je vous remercie des choses bonnes et affectueuses que vous me dites au sujet de la mort de mon père (2);

(1) Le Roi avait fait un voyage en Savoie, où la population l'avait accueilli avec enthousiasme.

(2) Le marquis Michel Benso de Cavour, mort à Turin le 15 juin 1850; ancien chambellan du prince Borghese, gouverneur général du Piémont, sous le premier Empire et jouissant d'une grande influence à la Cour de Turin. Il fut pendant plusieurs années «Vicaire» de Turin, charge correspondante à, celle de Préfet de police et qui, sous le gouvernement absolu de ce temps, pouvait donner lieu à toute espèce d'actes arbitraires. car tout ce qui se rapportait à la police, à. l'édilité, aux taxes, aux mœurs, etc., relevait du «Vicario». — L'opinion publique était peu favorable au marquis de Cavour et le comte Camille eut beaucoup de peine à prouver à ses concitoyens, qu'il ne partageait nullement les idées politiques de son père.

j'étais certain de votre sympatrie, car votre amitié est du très petit nombre de choses sur lesquelles je compte en ce monde.

Vous deviez vous apercevoir, par mes lettres, que depuis longtemps la maladie de mon père nous inspirait de vives inquiétudes. Il a été, dès le moment où il s'est couché, en grave danger. Il a constamment souffert cruellement, mais sa patience et sa résignation étaient telles, que souvent nous nous faisions illusion.

Je m'en vais passer quelques jours à la campagne, pour me mettre à l'abri de mes amis politiques, qui ne voudraient pas me laisser un moment de repos.

Si vous avez à m'écrire, adressez-moi votre lettre à Tronzano.

Adieu, mille amitiés.

Camille de Cavour.


vai su


CCXCVIII.

4 juillet 1850.

Mon cher ami,

J'ai reçu à Leri vos deux dernières lettres.

J'ai dû revenir à la hâte, pour assister à la discussion de la loi pour l'emprunt, qui devait commencer jeudi et que la bêtise de Nigra a fait renvoyer à lundi.

Je ne doute pas que le projet de la commission ne passe, à une grande majorité. Ce vote obtenu, le ministère renverra la Chambre, ou, pour mieux dire, celle-ci s'en ira; car, avec la chaleur qu'il fait, il n'y a plus moyen d'y tenir.

…......................................................................................

Je m'occuperai des propositions de Guest (1). C'est vous. qui les adresserez à la Compagnie; il est inutile d'en parler à G.

(1) Fournisseur des rails pour la ligne de Savigliano.

Rien ne sera décidé à cet égard, jusqu'à l'arrivée de l'ingénieur qui sera nommé. Il est probable que le choix de la Compagnie tombera sur un ingénieur français, vivement recommandé par Mr Ad. d'Eichthal (1), homme qui m'inspire une grande confiance.

Je ne sais pas encore ce que je ferai après la session. Je crains bien de ne pouvoir m'éloigner de Turin, car il faut, malgré moi, que je fasse marcher Savigliano. Je ne sais pas encore quel parti mon frère voudra prendre; il est probable que, pour le moment, nous demeurerons ensemble. Mon père a légué Santena à mon frère et Truffarello à moi. Du reste, il nous a laissé à chacun hériter par portions égales. Je crois que nous demeurerons indivis, à moins qu'il ne survienne des événements qui ne modifient notre position réciproque.

Adieu, mille amitiés.

Camille de Cavour.

CCXCIX.

Turin, 9 juillet 1850.

Mon cher ami,

Je vous félicité d'être sorti des ennuis d'une liquidation (2), qui a dû, à certains égards, vous être pénible. Je ne doute pas que la nouvelle barque dont vous tenez seul le gouvernail, ne vous conduise en peu d'années, à une petite Californie.

(1) Banquier à Paris, cousin de Mr de la Rue. L'ingénieur qu'il proposait, était Mr. Barrault, ancien ingénieur de la Compagnie de Lyon.

(2) Mr David Julien de la Rue s'étant retiré des affaires, Mr Émile de la Rue restait seul chef de la maison de Banque De la Rue frères, qui prit alors le nom de De la Rue et C.

Le Sénat ayant passe la loi de Savigliano, sans modifications, les fondateurs de la société se sont mis en train d'organiser l'administration, pour pousser la besogne le plus possible. J'ai été chargé de faire venir un ingénieur de France, et, grâce à Mr d'Eichthal, j'espère avoir trouvé notre homme. Maintenant nous allons ouvrir les souscriptions pour placer les 3000 actions que le gouvernement a voulu qu'on laissât à la disposition du public. Je suis certain que les souscriptions s'élèveront au doublé et peut être au triple de la somme disponible, cela fera un très bon effet et donnera immédiatement une impulsion aux actions. Pour y contribuer de notre part, permettez-moi de souscrire en votre nom, pour 200 actions, qui représentent l’intérêt que je vous ai cédé dans cette affaire. Il demeure bien entendu que, dans le cas où vous devriez subir une réduction dans votre demande, je parferai avec mes propres actions, le chiffre que vous désirez avoir.

En souscrivant on paye le 10 p. °/0, et un autre dixième dans le mois d’août.

Il n'y a pas de doutes que Savigliano ne donne lieu à de grandes affaires, car on devient chez nous très joueurs. Nos banquiers ont pris goût aux spéculations de bourse et, jusqu'à présent, cela leur a assez bien réussi. Les dernières oscillations des actions de la Banque ont fait gagner assez d'argent à nos plus fins matois. X..., entr'autres, a tondu deux ou trois Grènois et, en particulier, un certain Y..., d'importance. La baisse était absurde. En effet, le dividende du semestre est de 58 francs par action; mais, à ce chiffre il faut ajouter 105 mille francs mis en réserve, et 106 mille francs de réescomptes, ce qui porte le bénéfice du semestre à plus de 600,000 francs, touts frais déduits. Les résultats de ce semestre seront plus brillants encore, soit à cause des réescomptes, soit à cause de l'élévation du taux de l'escompte.

Je ne sais trop s'il sera possible de trouver du Turin ou du Gènes long à 5 p. °/0, car l’époque de l'achat des cocons

est passée, toutefois, si vous m'envoyez du Turin ou du Gènes dont l'échéance ne soit pas trop rapprochée, il est probable que d'ici à la fin du mois, je pourrai nous couvrir avantageusement. Veuillez seulement faire attention à ce que les remises soient régulièrement timbrées, car la Banque est à cet égard, très sévère. J'ai encore en portefeuille une ou deux de vos anciennes remises, que je n'ai pas pu pour ce motif, faire escompter.

Nigra triomphe dans sa nullité, il nous a pris en défiance Revel et moi, et il s'imagine, de la meilleure foi du monde, qu'il en sait cent fois plus que nous. C'est une chose véritablement comique.

Adieu, mille amitiés.

Camille de Cavour.

CCC.

11 juillet 1850.

Mon cher ami,

J'ai trouvé une quarantaine de mille francs, de Turin à 8 mois, d'un filateur de soie, qui est passable et qui d'ailleurs, doit avoir gagné assez d'argent ces trois dernières années. Vous pouvez par conséquent, m'envoyer au delà de 40 mille francs, si vous désirez que nous poussions nos affaires plus loin.

Nous avons préféré un ingénieur français, à un anglais, par la raison bien simple que les anglais sont des bourreaux d'argent et encore nous n'aurions pu avoir d'hommes passables qu'à des prix fous.

J'attends toujours une réponse définitive de d'Eichthal. Quant à Davidin, je ne sais plus ce qu'il est devenu.

J'ignore complètement les projets de Nigra. Le cher homme me boude.

Si les choses s'arrangent en France, nos fonds ne baisseront point, car je crois qu'il y a en Europe pléthore de capitaux. Le résultat du dernier trimestre en Angleterre, prouve combien rapidement les capitaux s'accumulent. Notez que jusqu'à présent, l'Europe n'a pas encore ressenti l'influence de la Californie; ce ne sera probablement, que l'année prochaine que l'or de cette contrée commencera à affluer dans le vieux monde. Si, comme plusieurs journaux l'annoncent, la récolte des blés est mauvaise en Amérique, vous verrez un grand mouvement de métaux précieux avoir lieu. Si ces prévisions se réalisent avant la fin du 51, le 3 p. % anglais sera au pair, et tous les autres fonds européens suivront un mouvement ascensionnel.

Dites-moi quelque chose sur les blés à Gênes. Quel est le prix actuel des belles qualités Pologne? Il se pourrait qu'il y eut quelque chose à faire, en cas d'une baisse au dessous de francs 20.

Adieu, mille amitiés.

Camille de Cavour.

CCCI.

15 juillet 1850.

Mon cher ami,

Je vous envoie ce matin 39,000 de Prandi du Mondovì, habile fileur, qui fait des organsins qui ont une grande réputation. J'espère accrocher encore une dixaine de mille francs, dans le courant de la semaine.

Le Turin que vous m'offrez, est trop long. Il y aurait un bien faible bénéfice à le changer contre du papier à 3 mois.

Je vous remercie beaucoup des offres que vous me faites au sujet de Savigliano (1), j'en profilerai probablement,

(1) Je ne sais pas si ma caisse pourra vous être utile pour l'affaire de Savigliano, mais elle est à votre disposition». (Lettre de Mr E. de la Rue au comte de Cavour,12 juillet 18M).

car j'ai une excellente idée de cette affaire, attendu que nos faiseurs ont la tète montée à ce sujet.

Le blé Pologne à 22, est beaucoup trop cher pour spéculer.

Ici, les nouveaux-blés sont à vils prix, je crois qu'on pourrait en acheter sans crainte. Si vous le voulez, nous pourrions refaire une seconde affaire avec Pichiura de Chivasso, homme d'une grande intelligence et honnêteté. Il faut acheter de 3,12 à 3,15, la minette. À ce prix, il n'y a rien à craindre. Le moulin de Collegno, qui sera en activité au mois de novembre, sera forcé de nous racheter avec un large bénéfice.

H... a gagné de l'argent et passe pour habile; mais il est très joueur.

La Banque a souvent refusé son papier, parcequ'il sentait trop la circulation.

Les frères V... sont d’honnêtes gens, fort intelligents, mais qui n'ont pas beaucoup de fortune. Ils méritent un petit crédit, mais il faut les surveiller.

Adieu, mille amitiés.

Camille de Cavour.

CCCII.

Turin, 28 juillet 1850.

Mon cher ami,

Une course de quelques jours à Grinzane m'a empêché de répondre plus tôt à votre lettre du 22.

Je vous envoie 55,000 de mes marchands de riz, la grande baisse nous a fait juger opportun de pousser un peu les achats.

Mestrezat m'a dit que le Londres était difficile à faire, je lui ai dit de ne pas se presser, n'ayant besoin de fonds que vers le 15, époque à laquelle il me faudra verser les deux premier dixièmes des mes actions de Savigliano.

Je pense que votre maison est chargée de faire les fonds des 50 actions que j'ai cédées à D... en son particulier.

Notre minette équivaut à 23 litres à peu près. On compte 6 minettes pour 7 doubles décalitres. Les nouvelles mesures ne soulèvent pas de grandes oppositions.

H nous est déjà arrivé de Paris notre sous-ingénieur, Mr de Blonay (1), qui m'a été excessivement recommandé par Davidin et par Mr d'Eichthal, il a une figure qui prévient tout à fait en sa faveur.

Adieu, mille amitiés.

Camille de Cavour.

CCCIII.

7 août 1850.

Mon cher ami,

Vous aurez appris par les journaux, la mort de mon pauvre ami Sainte Rose (2), et les circonstances douloureuses qui l'ont accompagnée.

(1) L'ingénieur De Blonay, de Vevey: C'est un jeune homme plein d'ardeur, mon parent, que je puis vous recommander. Il à été employé utilement par des entrepreneurs au souterrain du Blaisy (o più vero nome). Pour vous donner une idée de son ardeur, il fait, en ce moment, le Chauffeur, pour passer mécanicien de 1re classe, ce qui lui donne la chance d'être employé au matériel de quelque gare, comme directeur. Je suis sur que ce serait une valuable acquisition». (Lettre de Mr Davidy de la Rue au comte de Cavour. Paris, 10 juin 1850).

(2) Pierre de Saint-Rose, ministre d'agriculture, industrie et commerce, qui avait beaucoup contribué à l'adoption de la loi Siccardi, abolissant le For ecclésiastique, était ainsi devenu le sujet des invectives de ceux qui considéraient cette loi comme un sacrilège contre les prérogatives de l’Église. Sur le point de mourir, il demanda les consolations de la religion, que le clergé lui refusa, à moins qu'il ne consentit à rétracter formellement ses opinions et ses actes, comme ministre et comme député.

L'aveuglement et la haine de notre archevêque et de ses aides, sont inconcevables. Il faut avoir vu ce que j'ai vu et ce que j'ai entendu, pour croire que pareilles choses soient possibles au dix-neuvième siècle.

Grâce au ciel et à la fermeté déployée par le gouvernement, il n'y a pas eu de grands scandales dans les rues. Mais il a fallu faire partir le curé de St-Charles et ses moines, ainsi que l’archevêque. Sans cela, on n'aurait pas pu contenir l'indignation populaire.

Vous devez comprendre combien cette perte m'a été sensible, Sainte Rose étant un de mes plus anciens et meilleurs amis.

Je compte partir dimanche ou lundi, pour aller faire un tour industriel, c'est à dire pour visiter les principales fabriques du pays. Je ne serai pas longtemps absent. Huit à dix jours, au plus.

Je vous envoie 30 mille francs de Turin long; si vous m'envoyez pareille somme en Turin court, j'en aurai l'emploi. Bona m'a promis de faire partir dans peu de jours, l'ingénieur Sommeiller (1),. pour aller recevoir les rails de Guest.

S'il ne ra pas fait plus tôt, la faute en est à X..., qui a remué ciel et terre pour qu'on reçut d'abord les 8000 tonnes qu'il a traitées pour son compte avec Mrs T... et sur lesquelles il gagne 60,000 francs.

Il s'y refusa noblement, et mourut sans recevoir les sacrements de l'Église, préférant en être privé plutôt que de faire un acte contraire à sa conscience. L’archevêque de Turin refusa de lui accorder la sépulture ecclésiastique, puis fut forcé d'y consentir, et la population entière y prit part, indignée de l'intolérance du clergé. — Une émeute s'en suivit et les pères Servites du couvent de St-Charles, dont faisait partie le curé Pittavino, qui refusa les sacrements à Sainte Rose, furent renvoyés de Turin, et l’archevêque, arrêté.

(1) Le célèbre ingénieur Germain Sommeiller, qui, avec l’ingénieur Severino Grattoni et Sébastien Grandis, accomplit le percement du fameux tunnel du Mont-Cénis, né en 1815, à St- Jeoire (Savoie). La 1re idée de ce tunnel est due à Médail de Bardonéche, qui, fit en 1832, un projet sur ce sujet. Le ministre Des Ambrois de Nevache et le colonel Menabrea, la reprirent et le célèbre ingénieur belge Mauss, lui donna un corps par les études qu'il en fit, en 1845, et la machine perforatrice qu'il avait inventée et que Sommeiller et Grandis perfectionnèrent.

Le tour n'étant pas fort honnête, il ne devrait plus avoir part aux bénéfices du premier contrat.

Dans quelques jours nous expédierons à Gènes notre ingénieur, pour visiter les rails de Guest.

Adieu, mille amitiés.

Camille de Cavour.

CCCIV.

24 août 1850.

Mon cher ami,

Je suis de retour, depuis hier, d'une course dans le Biellais et sur les bords du Lac Majeur (1), faite dans le but de visiter les principaux établissements industriels. J'ai été fort content de ce que j'ai vu, et je rapporte la conviction qu'une forte réduction des droits n'ébranlera nullement la plupart de nos manufactures.

En 1848, Mauss présenta son projet que Menabrea, Paleocapa et Cavour appuyèrent chaudement. En 1857, le percement du tunnel fut décrété et en 1871, il était accompli. Sommeiller inventa, pour l'exécuter, le compressent à colonne et à trombe et la perforatrice. Le tunnel mesure 12 kilom. de longueur; 4000 ouvriers y furent occupés simultanément et il coùtaenviron 100 millions. Un monument élevé à Turin, ait Génie de la Science» consacre le souvenir des 3 ingénieurs qui dirigèrent cette œuvre colossale. — Sommeiller représenta le collège du Taninges (Savoie) à la V législature du Parlement subalpin et lorsqu'en 1860, la Savoie fut annexée à la France, il opta pour l'Italie. Il fut ensuite député d'Aoste et de Suse. Il collabora aussi aux études du célèbre chemin de fer américain, qui unit l'Océan Atlantique au Pacifique. Il mourut en 1871.

(1) En compagnie du comte Henry Martini, exilé lombard, et de l'avocat sicilien Philippe Cordova, un des collaborateurs du Risorgimento. A Stresa, Rosmini les re§ut chez lui. avec Manzoni, dont Cavour fit alors la connaissance et qui, après cette entrevue, disait de lui à son ami Berchet: «Ce petit homme (omino) proinet joliment». (Massari, Il Conte di Cavour, pag. 91).

Les Biellais ont d'immenses capitaux une prodigieuse activité et beaucoup d'intelligence; avec ces qualités, je ne vois pas pourquoi ils ne pourraient pas lutter avec les étrangers.

Il n'a pas été question de mou entrée au ministère, sinon dans les cafés et sous les arcades de la rue du PO. Les ministres actuels ne se soucient nullement, à l'exception de Lamarmora, de m'avoir pour collègue.

Savigliano a baissé, par la raison toute simple que la manière dont les actions livrées au public ont été distribuées, a fait qu'elles sont tombées entre les mains d'un tas de mauvais spéculateurs qui n'avaient d'autre but que de réaliser un bénéfice quelconque. Je crois qu'elles reprendront, on a fait 5 p. °/0 de prime.

Je dois verser 86,000 le 80 de ce mois, pour les actions du Moulin de Collegno. Si vous pouvez m'envoyer d'ici là 40 à 50 mille francs, vous m'obligerez.

Je n'ai pas foi dans la réussite de la mission de Pinelli (1) et le ministère non plus.

J'irai demain, voir Mr votre beau-père et lui demander si je puis lui être de quelque utilité.

Adieu, mille amitiés.

Camille de Cavour.

(1) Envoyé à Rome pour essayer d'amener le Pape à consentir à un concordat et à l'abolition du For ecclésiastique en Piémont; mission qui n'eut aucun succès, de même que celle du comte Siccardi, envoyé peu après, dans le même but, à Rome.

CCCV.

26 août 1850.

Mon cher ami,

J'ai eu hier, le plaisir (1q voir Mr et Mme Granet. Quoique faibles l'un et l'autre, leur sante ra' a paru moins ébranlée que votre lettre aurait pu me le faire craindre. Leur intention est d'aller d'abord à Yiù, ensuite au Lac Majeur. Je crois qu'ils ont raison, car l'air de Yiù est encore très convenable, il n'y fait pas encore froid, tandis que le climat d'Arone est bon pendant toute l'automne.

J'ai pris la liberté de remettre une lettre pour votre maison, à Mr L. Badino, riche négociant vercellais, qui a un fils à Gênes, qui débute dans le commerce. Si vous pouvez lui accorder ce que je vous demande, je vous en sera! reconnaissant.

X... n'a pas envie que la société achète les rails de Guest, l'Intendant et lui, ont dit à plusieurs de mes collègues qu'il n'y en avait plus que quelques centaines de tonnes, les autres ayant été vendues aux entrepreneurs de la galerie des Gioghi. Là dessus, il a été décidé que notre ingénieur n'irait à Gènes qu'a son retour de Paris. Je n'ai pas mis beaucoup d'insistance dans cette affaire, de peur qu'on ne crut qu'il s'agissait d'un intérêt personnel.

Les bruits relatifs à un changement de ministère n'ont pas de fondement. Azeglio et ses collègues se présenteront aux chambres et, très probablement, ils auront la majorité, comme par le passé.

Puisque Mr Goldsmith désire avoir le cours des fonds de Gènes, soyez assez bon pour adresser deux ou trois fois par semaine, votre listino au directeur du Risorgimento.

Vous arrive-t-il quelques fois de recevoir des cargaisons de morues avariées, que vous vendez à vil prix?

Les blés sont en voie de hausse, chez nous, cependant le mouvement n'est pas encore bien décidé. Mille amitiés.

Camille de Cavour.

CCCVI.

28 août 1850.

Mon cher ami,

Je pars ce soir pour le conseil provincial de Verceil, après avoir assisté à celui de Turin. Vous voyez que je remplis scrupuleusement mes devoirs de citoyen.

Je serai de retour la semaine prochaine; écrivez-moi néanmoins, à Turin.

Si la rente ne monte pas, la faute en est à Nigra, qui, devant 21 millions à Rothschild, ne sait pas se décider à traiter le nouvel emprunt.

Vous comprenez que tant que le Baron ne l'aura pas entre les mains, il empêchera la hausse. Il faut être aussi peu malin que l'est Nigra, pour ne pas comprendre cela.

Ne croyez pas aux bruits de modification ministérielle, ils n'ont aucun fondement.

Si vous voulez spéculer, achetez des actions de la Banque, au-dessous de 1600, elles ne resteront pas longtemps dans -ces cours.

X... et Y... ne valent à peu près rien par eux-mêmes; ce sont de simples agents de Z... et, comme celui-ci est un véritable fripon, il peut les sacrifier d'un moment à l'autre, si c'est son intérêt. Ils font, d'ailleurs, des affaires hors de toute proportion avec leurs moyens pécuniaires.

Mille amitiés.

Camille de Cavour.

CCCVII.

10 septembre 1850.

Mon cher ami,

Vous devez me croire mort, sinon enterré; il n'en n'est rien cependant, je suis encore plein de vie, seulement je sors d'un accès d'apathie complète, qui a duré pendant plusieurs jours et qui m'a retenu à Leri, plus que je ne l'avais d'abord calculé.

Que voulez-vous, il y a des moments où l'àme s'affaisse sous le poids des petites contrariétés, qui s'accumulent d'une manière fatigante, sur les hommes qui ont ombrasse la vie politique. Cela arrivo surtout lorsqu'il n'y a pas de mobiles pressants qui nous poussent à agir.

Enfin, j'ai secoué ma paresse et suis revenu reprendre mon poste à Turin. Je n'ai jamais eu le projet d'aller à Gènes; sauf le plaisir de vous voir, rien ne m'appelle dans cette ville. Une course à Gènes, dans ce moment, serait mal interprétée.

Ma position vis-à-vis du ministère, m'impose une prudence et une réserve extrêmes. Je ne puis, ni ne veux, me prêter aux vues de l'opposition; d'autre part, je dois conserver une entière indépendance.

Je n'ai pas vu, et ne verrai probablement pas, Nigra. J'ignore ses projets. Il se vante d'avoir préparé un pian de finances complet; tant mieux. Je désire, de tout mon cœur, de pouvoir lui prêter mon entier appui.

Je vous serais infiniment obligé de me procurer, dès que l'occasion s'en présentera, une ou deux balles de café, du qualité analogue à celle que vous m'avez maintes fois expédiée.

Je ne vous parie pas politique, car je ne sais rien de particulier, et que vous ne puissiez apprendre par les journaux.

Tous les jours davantage, je me sens dégoutté de la France. Je commence presque à lui préférer l'Autriche. J'éprouve surtout, une aversion croissante pour le parti légitimiste; je serais fort embarrassé si je devais choisir entre lui et les rouges.

Adieu, à la hâte, mille amitiés.

Camille de Cavour.

CCCVIII.

18 septembre 1850.

Mon cher ami,

J'ai fait une course jusqu'à Savigliano, pour examiner en détail les travaux de la ligne, et me mettre en mesure de prendre part, avec connaissance de cause, à l'administration de cette affaire.

La baisse des actions est causée par l'empressement des souscripteurs des 3000 actions, à vendre, et, aussi, peut être, à cause de l'impopularité de X.

Nous remédierons à cette cause, en nous occupant de l'affaire, Bolmida et moi.

Nigra était décidé, il y a huit jours, à conclure avec Rothschild; j'ignore s'il l'a fait, mais j'en doute fort; c'est déplorable.

La rente est soutenue, parce qu’en général, on a confiance dans nos fonds et que l'argent est probablement abondant. Je ne sais si c'est X qui achète; en tout cas, ne lui faites qu'un crédit très limité. C'est un joueur, qui a gagné assez d'argent, mais qui peut, d'un moment à l'autre, le reperdre avec ce qu'il n'a pas.

Les actions de la Banque sont faibles, parce que nos plus habiles faiseurs se sont retirés du marché. Si elles baissent au dessous de 1600, je crois qu'ils recommenceront à spéculer.

Adieu, mille amitiés.

Camille de Cavour.

CCCIX.

21 septembre 1850.

Mon cher ami,

Je sue, sang et eau, pour organiser Savigliano. Il y a une foule de petites susceptibilités, qu'on a la plus grande peine du monde à mettre d'accord. J'espère que nous en. viendrons à bout, mais ce ne sera pas sans avoir acquis des droits à de nombreuses indulgences.

Demain il me faut aller à la hâte à Verceil, pour assister à la commission des rizières, et empêcher qu'on ne mette de trop fortes entraves à la culture du riz. Je ne serai de retour que la semaine prochaine. Soyez assez bon pour envoyer, avant samedi, à Mr Tosco, le bon sur la Banque, de 50,000 francs que vous me destinez.

Les ministres sont inconcevables.. Ils s'en vont disant à tort et à travers, que je dois entrer au ministère, et à moi ils ne me font pas la moindre ouverture. Il faut que ces Messieurs me supposent le plus grand de tous les benêts, ou, ce qui est probable, qu'ils soient eux-mêmes les plus fiéfés animaux de la terre.

On m'a annoncé comme certaine l'arrivée a Turin du grand baron. Nigra en est excessivement vexé. Je ne conçois pas pourquoi, car Rothschild, se donnant la peine de venir ici, ne s'en ira pas sans avoir conclu son emprunt, dut-il le payer 1 p. % plus cher.

Pour le moment, il n'y aura pas de souscription poui' les gens du pays. En effet, le moment serait mal choisi pour cette opération financière. Adieu, mille amitiés.

Camille de Cavour.

CCCX.

24 septembre 1850.

Mon cher ami,

J'ai le regret de vous annoncer que je n'ai pu parvenir à mettre d'accord notre ingénieur avec le comité. Mr Barrault a des formes excessivement àpres et manque absolument de tact. Le comité est amoureux de ses pouvoirs. Les esprits se sont aigris, et mes efforts pour amener une conciliation ont été vains.

J'ai donné ma démission de membre du comité. H est probable que, pour sortir d'embarras, on mettra la ligne en adjudication. Ce sera fâcheux au point de vue de l'art, mais avantageux pour les actionnaires qui voudront réaliser.

Du jour où l'on sera certain que la ligne ne coûte pas plus de 6 à 7 millions, les actions vaudront de 10 à 20 p. % de prime.

Adieu, je vais monter en voiture pour aller à Verceil.

Camille de Cavour,

CCCXI.

6 octobre 1850.

Mon cher ami,

J'avais prolongé mon absence de Turin, afin de ne pas me trouver avec Rothschild. Il me paraissait peu convenable, dans ma position exceptionnelle, de me mêler officieusement de la négociation de l'emprunt. Je pense que vous approuverez ma conduite.

Pendant que j'étais à Leri, attendant le départ de Rothschild, j'ai reçu une lettre d'Azeglio, qui me pressait de venir lui parler, me donnant à entendre qu'il s'agissait d'une proposition ministérielle. Là dessus, je suis parti et je suis ici, depuis hier au soir.

Vous écrivant ce matin, à la lumière, je ne puis encore rien vous dire de l'emprunt, ni du résultat de ini conférence avec Azeglio. Je vous assure que je suis dans les dispositions d'esprit les plus conciliantes. Je regarde que d'entrer dans le ministère, dans ce moment, est pour moi un grand malheur. Je m'userai inutilement. D'ailleurs, je crois, comme vous l'indiquez, que la plupart des ministres ont la plus grande répugnance à me voir aller m'asseoir à côté d'eux. Aussi, la coupé du pouvoir, loin de me paraître enivrante, me fait l'effet d'être empoisonnée.

Je me trouve aussi dans quelque embarras momentanés, d'argent. Grâce à Savigliano, pour lequel j'ai déboursé 100,000 francs, et la Société des riz qui m'absorbe 200,000 francs, je serais gêné si, étant au ministère, je ne pouvais faire escompter ici, ou à Gènes, par votre entremise, des traites de mes marchands de riz, pour une centaine de mille francs.

A la fin de l'année, la Société des riz finit, et alors je rentrerai. dans la plus grande partie de mes fonds, et serai fort à mon aise. Mais, pour marcher jusqu'à la fin de janvier, si la ressource de la Banque me manque, j'aurai besoin de votre appui. Pouvez-vous me prêter sans vous gêner? Il est possible, même probable, que je n'aie besoin que de 40 ou 50 mille francs; mais, si les rentrées que j'attends n'arrivaient pas, si les riz continuaient à se mal vendre, je pourrais avoir besoin de près de 100,000 francs.

Je finirai ma lettre en revenant de chez Azeglio.

Il est deux heures; je n'ai que le temps de vous dire que sur beaucoup de points nous sommes près de nous entendre, mais qu'il j a encore des difficultés à vaincre. On veut me charger de la marine, à laquelle je n'entends goutte, on veut m'adosser un poids au-dessus de mes forces.

Adieu, à vous de cœur.

Camille de Cavour.

CCCXII.

8 octobre 1850.

Mon cher ami,

Après trois jours de pénibles hésitations, j'ai fini par céder et accepter le ministère. J'ai cédé surtout, aux désirs du Roi, et, plus encore, aux instances de Lamarmora. D'Azeglio a été assez bien, ainsi que Galvagno. Jusqu'ici, je n'ai pas vu Nigra; je veux qu'il soit bien établi que la responsabilité de l'emprunt pèse sur lui seul.

Je suis dans le plus grand embarras pour le premier officier (1). D'Azeglio voudrait Persano (2); mais tous ceux qui le connaissent, s'accordent à dire qu'il est trop impétueux pour une place de ce genre. Pelletta (3) est un ancien ami, que j'ai toujours fort affectionné, mais il est lié au prince de Carignan, dont il faut se garder plus que de toute autre chose. D'ailleurs, il est, sur plusieurs questions relatives à la marine marchande, dans des opinions un peu rétrogrades.

(1) C'est-à-dire le secrétaire général de marine, agriculture et commerce (département de la marine).

(2) Le comte Charles Pellion de Persano, alors capitaine de vaisseau.

(3) Le chevalier Emilio Pelletta di Cortanzone, alors capitaine de vaisseau de 1classe et directeur de l'Arsenal royal maritime.

Lamarmora me parie d'un marquis Serra (1), qu'il dit excessivement capable. Le connaissez-vous et pouvez-vous me procurer à son sujet des informations précises? Il m'importerait surtout de savoir comment sa nomination serait goûtée par le corps; car, avant tout, il ne faut pas débuter par un acte impopulaire. Je vous prie de me parler, à cet égard, avec la plus entière franchise et d'user della massima circospezione.

….........................................................................................

Adieu, à la hâte, mille amitiés.

Camille de Cavour.


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CCCXIII.

13 octobre 1850.

Mon cher ami,

Je vous remercie de tous les renseignements que vous m'avez donnés. D'après ce que j'ai recueilli de toutes parts, je crois que je choisirai pour premier officier Serra-Cassano. Je regrette excessivement de ne pas pouvoir donner cette place à mon ami Pelletta. Mais, lorsque vous saurez ce que je vous dirai à ce sujet, vous me donnerez raison.

Le ministère a reçu des offres d'une Société représentée par Mr Figoli Carlo (2), pour l'établissement d'un service régulier de bateaux à vapeur, entre Grènes et la Sardaigne. Veuillez me dire ce que c'est (8).

(1) Le marquis Francois Serra di Cassano, capitarne de vaisseau.

(2) Charles Figoli, de Gènes, se consacra de bonne heure aux affaires et fonda dans cette ville une grande Société de navigation. Les électeurs de Novi le nommèrent député à la VIIe législature, où il siégea parmi les libéraux de la droite. Il fut nommé sénateur en 1872.

(3) Il était question d'établir un service régulier de 3 vapeurs, qui auraient fait 72 voyages par an, entre Gènes et la Sardaigne. Ces navires auraient été fournis par une Compagnie dont Mr Figoli était le représentant à Gènes {Lettre de la Rue à Cavour,25 octobre 1850).

Il faut, mon cher, qu'en cessant d'être mon correspondant d'affaires, vous continuiez à être mon confident. Je ne connais personne à Gènes, et, quand-même je connaîtrais toute la ville, je n'aurais en personne, autant de confiance qu'en vous.

Ce que vous me dites sur mes affaires, est parfaitement juste. Je m'en vais tout liquider, mais, pour cela, il me faut du temps et votre aide.

…...........................................................................................

Vous allez voir arriver Pinelli, si déjà il n'est entre vos murs.

Je ne saurais assez vous dire combien le Roi m'a bien accueilli.

Si je puis vous être bon à quelque chose, ici ou à Gènes, rappelez-vous bien, que, pour vous, je ne suis, ni plus ni moins, que votre ami Camille.

Tout ce qui est affaire, veuillez l'écrire à Mr Tosco (1). Si vous adoptez, dans votre correspondance avec lui, la langue italienne, vous lui rendriez un grand service.

Écrivez-lui: À Mr Martino Tosco — Casa Cavour

Torino.

Adieu.

Camille de Cavour.

CCCXIV.

28 novembre 1850.

Mon cher ami,

J'ai été fâché de ne pas pouvoir suivre vos conseils sur le choix du premier officier de la marine, malgré que je fusse convaincu qu'ils étaient conformes aux vœux de la majorité des officiers.

(1) Secrétaire du comte de Cavour.

Des raisons très graves m'ont empêché de choisir Mr Ricci (1). Si vous désirez les connaître, adressez-vous à Pelletta; il vous dira que j'ai bien fait.

Mr Serra n'est pas un aigle, mais il a toute la capacité qu'il faut, pour bien remplir le poste auquel il est appelé.

Je ne veux pas annuler le pouvoir du commandant en chef, et tout concentrer à Turin. C'est ce qui serait arrivé avec Ricci, et c'est ce qui aurait eu de funestes conséquences.

Au reste, j'ai fait pour le mieux, sans prévention, ni passion; car je ne connaissais pas même l'existence de Ricci et de Serra.

Nigra est malade, saigné trois fois et menacé d'une quatrième opération; c'est fâcheux, au moment de l'ouverture du Parlement.

Adieu, vous pouvez. vous imaginer tout ce que j'ai à faire.

Votre ami

Camille de Cavour.

PS. Je serai charmé de vous voir à votre passage; je travaille à la maison jusqu'à9 heures, à 9 heures je vais au ministère jusqu'à 3 heures, et à 3 heures il y a le conseil jusqu'à 5.

Le meilleur moyen de me voir, est de venir dîner avec moi. Adieu.

(1) Le marquis Giovanni Ricci, capitaine de frégate, ministre de la marine, du 8 décembre 1862 au 22 janvier 1868 (Cabinet Farini). Cavour le tenait en très haute estime pour son caractère et ses capacités. — «Le marquis Di Negro est certainement, après Ricci, le plus capable et le plus estimé de nos officiers». (Lettre de Cavour au Roi,14 décembre 1860).

CCCXV.

12 décembre 1850.

Mon cher ami,

Je vous remercie de vos lettres; je fais examiner l'affaire des conserves, que vous me recommandez.

D'Eichthal m'écrit une lettre fort intéressante, sur la dépréciation de l'or. Il croit les craintes, à cet égard, fort exagérées, sauf le cas où le gouvernement français démonétiserait ce métal.

J'écris aujourd'hui, à notre ministre à Paris, de s'informer des intentions de Mr Fould à cet égard.

L'affaire de Savigliano recevra une solution à l'assemblée générale, qui aura lieu le 5.

Veuillez dire à Bombrini que je l'engage à demeurer neutre. Je ne lui demande pas de se prononcer contre Bolmida, mais seulement de ne pas appuyer le nom de GL qui nous a été si funeste dans cette affaire.

Les dames de la Heine ont conspiré, ces jours derniers, pour le rétablissement des pages (1). Heureusement que le Roi a déjoué l'intrigue, et sauvé la Cour, du ridicule énorme que cette résurrection d'une institution surannée aurait jeté sur elle.

Adieu, mille amitiés.

Camille de Cavour.

(1) Bien malgré lui, le comte de Cavour avait aussi été page du prince de Carignan, dans sa jeunesse, et il avait toujours conservé une profonde aversion pour cette institution, qu'il considérait comme une domesticité humiliante pour les jeunes gens de familles nobles qui étaient appelés à en remplir les fonctions.

CCCXVI.

Turin, 22 décembre 1850.

Mon cher ami,

Je prends une part bien vive au malheur qui vient de vous frapper (1).

Quoique la nouvelle vous en soit arrivée inopinément, vous deviez, hélas ! vous y attendre, car vous aviez laissé Mr votre père dans un état qui ne laissait plus d'espoir.

Mr votre père sera regretté de tous ceux qui ont eu l'avantage de le connaltre. En mon particulier, je ne puis oublier toutes les bontés qu'il a eues pour moi, toutes les fois que j'ai eu le plaisir de le rencontrer.

Je suis, en effet, fort occupé, même trop, pour pouvoir bien faire tout ce que j'ai entrepris. Si je ne réussis pas, ce ne sera pas faute de bonne volonté. Jusqu'à présent, j'ai trouvé une grande condescendance dans mes collègues, et beaucoup de sympathie dans la Chambre. Cela durera-t-il? Ce ne serait pas sage de l'espèrer pour longtemps.

Je me considérerai, toutefois, comme fort heureux, si je parviens à aider le pays à faire quelques pas dans la voie qui doit le sortir de la position financière difficile, où il se trouve.

Encouragez Mr Taylor à venir me voir. J'ai besoin de causer avec lui, au sujet de la Darse. Mais persuadez-lui de m'apporter des calculs exacts, et non des données hypothétiques.

J'attends l’amiral, qui doit venir à Turin, j'ai grand besoin de lui parler. Pendant son absence, Pelletta aura le commandement, je ne suis pas fâché de voir ce qu'il fera.

J'ai reçu un rapport fort grave sur Mr X..., qui revient de Montevideo.

(1) La mort de Mr Jean de la Rue, père de Mr Émile, mort à Genève, à l'àge de 89 ans.

On prétend que cet officier s'est laissé outrager publiquement, sans demander raison, et que, par suite, il passe pour un lâche. Pourriez-vous me fournir quelques renseignements sur son compte? Connaissez-vous à Gènes, des personnes ayant des correspondants à Montevideo, sur lesquels on puisse compter? Dans ce cas, tâchez de savoir d'eux, s'il est vrai que, dans les premiers jours de septembre, Mr P........ a été rossé par les parents d'une femme qu'il avait outragée.

La commission nommée par le gouvernement français pour examiner la question de l'or, est divisée. Mr Thiers est pour la démonétisation immédiate, mais, jusqu'à présent, la majorité ne partage pas son opinion.

Les dernières nouvelles de Californie portent que l'exploitation de mines de mercure commençait à donner de grands résultats. Si cette nouvelle se confirme, si le prix de ce métal baisse considérablement, la production de l'argent augmentera rapidement, et la proportion ancienne entre la valeur des deux métaux, tendra à se rétablir.

Dans ce cas, ce sera la valeur des métaux précieux qui baissera, au grand profit des gouvernements qui ont de grandes dettes. Mais ce ne sera pas de sitôt.

Mille amitiés.

Camille de Cavour.

CCCXVIbis.

24 décembre 1850.

Mon cher ami,

Il m'est venu une idée, que je vous communique de la manière la plus confidentielle. Le Parlement a autorisé le ministre des finances à émettre 18 mille obligations, pour rembourser la Banque. Cette condition, toutefois,

n'est pas tellement vitale qu'il soit impossible d'en disposer autrement, sauf à obtenir un bill d'indemnité.

J'ai pensé qu'on pourrait, peut-être, aliéner ces obligations à des maisons d'Allemagne, sur les places de Frankfort et de Vienne, où ce genre de titres est, dit-on, assez recherché. Les preneurs se chargeraient de payer ce qui reste du à l'Autriche, à Vienne même, ce qui pourrait leur procurer un fort bénéfice sur le change.

Si vous croyez que cette idée soit réalisable, communiquez-la, comme venant de vous, à vos amis Groldsmith et Sina. C'est une affaire qui devrait leur aller. Je crois qu'ils seraient bien aises de jouer un petit tour à Rothschild, et, moi, je serai charmé de faire une niche à ce juif qui nous jugule.

Si ces messieurs nous font une offre convenable, Nigra l'acceptera, soyez en certain, car lui aussi commence à être fatigué du grand Baron.

D'Auvare est ici, je l'ai trouvé moins ahuri que je ne le craignais.

Adieu, à la hâte, mille amitiés.

Camille de Cavour.

CCCXVII.

Turin, janvier 1851.

Mon cher ami,

Vous pouvez accorder à l'avocat Sella, chef de la maison Sella et C., un crédit illimité. Je vous réponds qu'il a une fortune de 2 à 3 millions et, son frère et associé, J. B. Sella (1), en a une plus considérable encore. Cependant comme il y a beaucoup de Sella, faites attention que votre correspondant soit celui dont je vous parie.

(1) Jean Baptiste Sella, grand industriel à Biella. Député de Broglio, sénateur en 1853, onde de Quintino Sella, ministre des finances. en 1852,1865 et 1869.

L. A. Sella vient d'acheter une maison à Turin, et il ne veut pas vendre les nombreux titres de rente qu'il possède. Je suis étonné qu'il ait besoin d'argent, car, l'autre jour, un de ses fermiers, qui lui paye 20 mille francs par an, étant venu à Turin, pour lui demander un délai de quelques jours, pouf le payement du loyer de l'année derniére, il lui a répondu de le payer quand il le voudrait, n'ayant pas besoin de fonds. Mais, l'avocat est un originai, et il est possible qu'il ait en vue quelque grande spéculation. Ce qu'il y a de certain c'est que la Banque place le crédit des Sella et Comp. au même niveau que celui des Nigra, des Barbaroux et des Cotta.

Nigra m'a fait voir toute sa correspondance avec X......., de laquelle il résulte évidemment, qu'il a été mis dedans, de la manière la plus indigne.

Si les mines de mercure donnent autant qu'on l'espère, la production de l'argent augmentera énormément, et alors ce seront les métaux précieux qui baisseront de valeur. Si la production de l'or se maintient à 250,000,000, et que celle de l'argent s'élève à une somme plus forte, alors nous verrons, dans peu d'années, le prix de toutes choses augmenter considérablement.

Nous avons eu une lutte parlementaire très vive, au sujet du budget de la justice (1). Le pauvre Siccardi, accoutumé à triompher, sans peine, des vieux Codini, s'est laissé complètement abattre par les attaques passionnées de la gauche. Je suis venu hier à la rescousse, et j'ai lieu de croire que l'honneur de la journée est resté au ministère.

Le discours de la Reine d'Angleterre fera mention du traité de commerce avec la Sardaigne.

Adieu, mille amitiés.

Camille de Cavour.

(1) Le budget portait à 6,600,000 francs ce chapitre, qui comprenait, outre les frais de justice, ceux du culte.

CCCXVIII.

27 janvier 1851.

Mon cher ami,

J'ai reçu votre note en faveur de l'avocat Morchio (1), je la transmettrai à Nigra, avec recommandation, sachant fort bien qu'il est moins sanguinaire que son fils, le féroce triumvir.

Je vous remercie de ce que vous me dites sur le traité avec la France. Vous verrez dans peu de jours, de bien autres discussions relatives à deux traités qui vont être conclus avec la Belgique et l'Angleterre (2), et qui consacrent le principe de la liberté de commerce. Ces traités, dont on ne se doute pas, et dont un est cependant déjà signé, seront un grand événement économique. Ils donneront lieu à des débats excessivement animés, et, peut-être, ils feront naître contre moi, qui en suis l'auteur, des oppositions acharnées.

N'importe, je suis décidé à les affronter pour pousser le pays dans la seule voie qui puisse le sauver.

Il y a conflit entre les deux conseils de Régence de Gènes et de Turin, à l'égard du dividende. Les génois se conduisent, à mon avis, en véritables Robert-Macaire. Ils ne veulent pas porter au compte profits et pertes, la perte sur l'or, qu'ils ont laissé accumuler dans leurs caves. Ils prétendent que l'or remontera, qu'une perte non réalisée est une perte imaginaire, et mille autres sornettes pareilles.

X se conduit ignoblement. Il est venu à Turin, en cachette, et il est parvenu à mettre dedans le brave Nigra, qui, jusqu'alors, avait une foi entière dans sa délicatesse.

(1) Pére de l'avocat David Morchio, compromis dans les affaires de Gènes, en avril 1849. Monsieur Morchio était l'avocat habitué! de la maison De la Rue et C.

(2) Traités de commerce et de navigation.

Cette scission me fait désespérer de pouvoir donner à la Banque nationale un développement en rapport avec les besoins du pays.

…...............................................................................

Turin est, on ne peut plus, animé. Les bals se succèdent sans interruption. Cela calme un peu l'irritation réactionnaire de certains salons. Les esprits les plus chagrins sont forcés d'avouer que jamais notre ville n'a joui d'une plus grande prospérité.

La Chambre des députés devient assez raisonnable. Enfin, les apparences sont favorables, et l'on peut dire que le Piémont est, pour le moment, le pays de l'Europe, où l'esprit révolutionnaire est le moins actif et le moins dangereux.

Ne vous laissez pas prendre aux raisonnements du gouvernement français, et tenez pour certain que la valeur de l'or, relativement à l'argent, et la valeur intrinsèque de ces deux métaux, baisseront plus rapidement que l'on ne l'imagine. Les dernières nouvelles d'Amérique ne me laissent aucun doute à cet égard.

L'argent hausse progressivement, à New-York; en douze mois, il a gagné 3 p. % sans que ce mouvement s’arrête. Comme la valeur relative de ces deux métaux ne peut varier d'un pays à l'autre, que dans d'étroites limites, il est évident qu'en Europe, un changement analogue à ceux réalisés en Amérique, doit se produire.

L'effet de la Californie commence seulement à se faire sentir. Si les mines continuent en 1851, à être aussi productives qu'en 1850, la livre sterling tombera à 24.50.

Adieu, mille amitiés, continuez à m'écrire et à me faire savoir ce qu'on dit à Gènes de la marche du gouvernement.

Votre dévoué

Camille de Cavour.

CCCXIX.

Turin, 4 février 1851.

Mon cher ami,

Je vérifie l'affaire de A... Celui-ci est un frère de X... r chef et seul associé de la maison J.... Il est sorti de la maison depuis dix ans, et a acheté un grand domaine. Il est un peu benêt, et n'a aucun talent, ni aptitude pour les affaires, aussi, a-t-il perdu assez d'argent. Dernièrement il s'est mis dans la tète de monter une fabrique de draps à N...., dans le voisinage des magnifiques établissements de Sella frères et Sella et Comp. N'ayant pas la capacité nécessaire pour diriger une fabrique, je ne doute pas qu'il ne fasse de mauvaises affaires et qu'il ne finisse par se ruiner.

Le danger, cependant, est encore très loin, car, malgré sa bêtise, il n'a pas réussi à manger la fortune que son père lui a laissée.

Quant aux deux maisons X.... et Y...., je vous répète que vous pouvez les mettre sur la même ligne que Nigra et Barbaroux. X...., chef de la maison X...., est un des hommes les plus distingués du pays, il a gagné énormément d'argent et, dans ce moment, je crois qu'il a au moins 1,300,000 de fortune. Je regrette, en conséquence, que vous-ayez fait quelques difficultés à lui fournir des florins. Il paraît que vous leur avez écrit une lettre qui les a vivement blessés.

Quant à la maison Y.......... qui a pour chef l'avocat Y......... celui dont on ne voit jamais le blanc des yeux, c'est lfr plus riche des deux, elle est archimillionnaire, et, quoique= l'avocat soit un originai, son originalité ne l'a jamais portéà faire de mauvaises affaires.

Je vous écris, pendant que Sineo prononce un des discours les plus ennuyeux qu'il ait jamais prononcés (1). Adieu et bonsoir.

Votre dévoué ami

Camille de Cavour.

CCCXX.

22 février 1851.

Mon cher ami,

Je m'empresse de vous faire part du mariage de ma irièce Joséphine avec Charles Alfieri, le fils unique de mon ami César Alfieri, l'ancien ministre.

Ce mariage, qui, au premier abord, paraît être une affaire de convenance, a été, au contraire, le résultat d'une inclination réciproque, car les grands parents des époux n'ont pris aucune initiative et ne sont entrés en pourparler que lorsque le mariage était combiné entre les jeunes personnes.

Je vous prie de communiquer cette heureuse nouvelle à Davidy, à qui je dois deux réponses, desquelles je m'acquitterai très prochainement. Adieu.

Camille de Cavour.

(1) Sur la validité de l'élection comme député de la Spezia, du marquis Giuseppe Ricci.

CCCXXI.

7 mars 1851.

Mon cher ami,

Je dois vous rassurer sur le fait de la note de l'Autriche, dont vous me parlez (1). Rien de pareil n'existe. Il est vrai, toutefois, que cette puissance tient, depuis quelque temps, à la France, un langage qui peut faire soupçonner des intentions passablement hostiles à notre égard. La France à manifeste, à ce sujet, des idées suffisamment positives,. pour croire que l'orage qui nous menaçait soit conjuré.

Nigra patauge, je ne sais trop comment l'en empêcher. Je ne puis prendre sur moi la responsabilité d'une opération qu'il a fort embrouillée et que je ne serais pas le maître de diriger d'une manière absolue. Je le regrette profondément; mais, comme je ne vois d'autre remède au mal, qu'une crise ministérielle, je considère qu'il serait plus fâcheux que les inconvénients de l'état actuel des choses.

J'espère que Savigliano va se redresser. Il faudra encore un peu de patience, car le moment actuel n'est pas favorable à l'esprit de spéculation.

Ce diable de Persano, en a fait des siennes. Au lieu d'envoyer un rapport à l'amiral, comme c'était son devoir, il lui a adressé une lettre insolente, ce qui me force,

(1) «La nouvelle courait à la Bourse, aujourd'hui, que le ministère a reçu une note violente de l'Autriche, menagant de faire avancer ses troupes; que la Chambre, dans une séance secrète, a assigné 2 millions à d'Azeglio, pour qu'il fasse marcher des forces à la frontière, et qu'on appellerà deux contingents sous les armes». (Lettre de Mr de la Rue au comte de Cavour,5 mars 1851).

à mon grand regret, à le mettre sous un conseil de guerre (1).

Je vous serai obligé de me dire l'effet que cette mesure produira à Grènes, lorsqu'elle sera connue. Je suis certain que le bon d'Auvare (2) en est tout ahuri.

Les fabricants de draps, de coton et de fer, sont furieux contre moi. Ils font le diable pour faire rejeter le traité avec la Belgique, et, comme ils ont trouvé dans Revel un auxiliaire puissant, ils me donneront certainement du fil à retordre.

Mais je suis prêt au combat.

Adieu, mille amitiés.

Camille de Cavour.

(1) L’amiral comte Charles Pellion de Persano, alors capitaine de frégate. Quatre mois auparavant, sortant de Gênes, sur la frégate Le Governolo, il avait échoué, par suite d'une manœuvre mal exécutée, mais, peu de jours après, il entrait, sans pilote, dans la Tamise, excitant l'admiration de la marine Anglaise. Ayant trouvé à Londres, une lettre du commandant général de la marine Sarde, qui lui demandait un rapport sur l'accident de Gènes et lui reprochait de ne pas l'avoir encore fait, Persano répondit par une lettre offensante, à la suite de laquelle il fut rappelé à Turin, condamné aux arrêts et soumis à un conseil de guerre, qui l'absout pour insubordination, mais ne le réintégra pas dans le commandement de son navire.

(2) Philippe A. Corporandi d'Auvare, contre-amiral de la flotte sarde, chargé du commandement de la marine. Né à la Croix (Nice) en 1806, fit la campagne de Tripoli, en 1825, avec le grade de sous-lieutenant de vaisseau, celle de 1848, contre l'Autriche, avec le grade de capitaine de vaisseau, — nommé contre-amiral, en mai 1845, et commandant général de la marine royale, la même année, prit sa retraite en 1859, avec le grade de vice-amiral.

CCCXXII.

22 mars 1851.

Mon cher ami,

Veuillez me répondre, poste courante, pour m'informer sur la moralité d'un polonais, W...., qui est venu me communiquer de grands projets financiers.

Il est porteur de lettres de recommandation de plusieurs personnes honorables de Grènes, qui parlent de lui comme d'un homme jouissant d'un discret crédit.

La politique intérieure va son train. Si ce n'était la question financière, je serais tranquille, mais celle-là me donne de grands soucis. Nigra est d'une incapacité effrayante.

Ma nièce se marie jeudi prochain et part immédiatement pour Paris..................................................................................

Dites-moi, je vous prie, ce que valent les actions du Gaz et si on peut facilement les vendre.

Je suis accablé d'affaires. Il faut préparer la loi de douane, qui sera le complément des traités. Ceux-ci seront vivement attaqués par Revel, par Sella et par Brofferio, mais il paraît qu'une grande majorité leur est acquise.

La vie de ministre est bien rude. — Je pense que Persano va arriver et que son procès sera vite expédié

L'affaire de la Banque traîne (1) au Conseil d'État. Spinola, qui devait l'examiner et faire un rapport, est saigné six fois. C'est déplorable.

Adieu, croyez à ma bien vive amitié.

Camille de Cavour.

(1) La fusion des Banques de Gènes et de Turin, pour former la banque Nationale.

CCCXXIII.

8 avril 1851.

Mon cher Émile,

Nigra s'est retiré, et j'ai du prendre sa place. Il laisse la position compromise, mais, certes, non désespérée (1). M'en tirerai-je? Je l'ignore. J'apporte, beaucoup de bonne volonté et d'énergie. Cela suffira-t-il? L'avenir en décidera. Plus mal que cela allait, cela n’ira pas.

Si vous aviez 48 heures à perdre, et que vous puissiez me les sacrifier, j'aurais le plus grand plaisir à causer avec vous

(1) Lorsque le comte de Cavour prit la direction des finances, son premier soin fut d'établir l'état dans lequel son prédécesseur, Mr Nigra, avait laissé l'administration financière du pays, et de faire un pian pour parer aux besoins du présent et de l'avenir. Dans ce but, il fit arreter immédiatement les comptes au 1er avril 1851, et, le 8 mai, il put déjà faire aux Chambres l'exposé complet de la situation financière du pays; d’après lequel il résultait un budget pour 1851, présentant un déficit de 68,000,000 et que pour arriver à la fin de l'année, il fallait: 1° Émettre 18,000 obligations de 1000 fr. pour payer à la Banque les avances qu'elle avait faites à l'État et faire cesser le cours forcé de ses billets; 2° Rembourser à Mrs M. de Rothschild, leur créance de 25,000,000, et 3° Opérer la vente des 2 millions de rentes, complément des 6 millions créés par la loi du 12 juillet 1850 et demeurés libres dans les mains du ministre des finances. Mr de Cavour, persuadé que pour se tirer d'affaire, il fallait avant tout sortir de la dépendance de M. M. de Rothschild, refusa les avances qu'ils lui offriraient et se décida: 1° À faire face aux dépenses courantes extraordinaires, au moyen de l'émission de bons du Trésor (autorisée en 1850 et dont Mr Nigra n'avait pas fait usage) et d'avances temporaires de la Banque Nationale. 2° A émettre, au moyen d'une souscription publique, les 18,000 obligations, dont le produit était destiné à solder le compte de la Banque et à faire cesser le cours forcé de ses billets.3° À contracter en Angleterre, un emprunt de 3,600,000 livres sterlings, soit francs 75,000,000, garanti sur les chemins de fer de l'État (Emprunt Anglo-Sarde).

 et à vous consulter sur plusieurs points intéressants (1).

Mais je ne veux pas être indiscret, en insistant pour que vous fassiez une course à Turin.

Mille amitiés.

Camille de Cavour.

CCCXXIV.

avril 1851.

Mon cher Émile,

Je vous prie de passer au Conseil des ministres, (aux affaires étrangères), et de m'y faire appeller. J'ai ouvert la lettre de Mr Charles Hambro, et j'ai besoin de causer, sans délai, avec vous.

A la hâte.

Camille de Cavour.

— Ces mesures eurent un succès complet et, en particulier, celle de l'émission des bons du Trésor, dont le ministre négocia dans le courant de juin, pour environ 7 millions, qui lui permirent de payer l'avant-dernier terme de l'indemnité de guerre due à l'Autriche, échu en mai, et qu'on n'avait pas pu payer plus tôt, faute de fonds. La souscription ouverte pour l'émission de ces 18,000 obligations, s'éleva bien vite, à 33,000,000, c'est-à-dire à peu près au doublé des rentes à distribuer, résultat d'autant plus remarquable que le taux d'émission avait été fixé à 90 francs et que la rente 5 % n'était alors cotée, à Paris et Turin, qu'à 80 et 82.

(1) En particulier sur l'emprunt de 75,000,000 de francs représentant un capital nominai de 3,600,000 livres sterlings, avec hypothèque sur les chemins de fer de Turin-Gènes et du Lac Majeur, à négocier en Angleterre, opération à laquelle Mr de la Bile prit une part fort motive, étant en relations assez intimes avec Mr E. Hambro.

CCCXXV.

18 mai 1851.

Mon cher ami,

J'ai retenu l'obligation Danoise (1) Dans la semaine, je présenterai le projet de loi pour l'emprunt. Adieu, je suis accablé.

Tout à vous

Camille de Cavour.

CCCXXVI.

20 mai 1851.

Mon cher ami,

Je vous envoie deux lettres d'H... Je doute que je puisse obtenir, de sitôt, le vote nécessaire pour la négociation de l'emprunt (2).

Vous avez le temps, par conséquent, de vous décider pour le voyage de Londres.

(1) «La bonne réussite des emprunts du Danemark et de la Norvège a augmenté l'influence que la maison Hambro exerce sur le marché de Londres et sur ceux du nord de l'Europe». (Lettre du comte de Cavour à Mr de Revel, juin 1s51). Mrss J. Hambro et C. étaient les banquiers de la Cour de Danemark.

(2) La discussion commença à la Chambre, le 14 juin.

J'enverrai à Mr H... le rapport Menabrea (1).

Les affaires de Nice sont plus ridicules que graves, (2)#

Adieu, mille amitiés.

Camille de Cavour.


vai su


CCCXXVII.

30 mai 1851.

Mon cher Émile,

Je vous envoie la lettre, ci jointe, de Mr H...

Je dois vous prévenir que votre ami, Mr Lombard (3), m'ayant écrit pour me. proposer un projet d'emprunt d'après les principes américains de convertibilité, je l'ai prié de venir à Turin, et que nous avons ensemble arrêté des bases que je me suis empressé de transmettre sur le champ à Mr H... pour qu'il voulut bien me dire ce qu'il en pense.

(1) Sur le chemin de fer du Mont-Cenis. Le général Louis Frédéric Ménabrea, de Chambéry, actuellement ambassadeur d'Italie à Paris, fut un des élèves les plus distingués du célèbre professeur Plana et remplit pendant longtemps les fonctions de professeur de mécanique et de constructions à l'Académie Militaire de Turin. Député du collège de S. Jean de Maurienne, il collabora à La Concordia, et se distingua à la Chambre, par sa connaissance des affaires militaires et des travaux publics. En 1859 il dirigea l'assaut de Peschiera et combattit vaillamment à Palestro et Solferino. En 1860 il dirigea le génie à Ancóne. Ministre de la marine en 1862, des travaux publics en 1864, présida le cabinet en 1867, ambassadeur à Londres en 1867. Il eut une large part dans la décision du Parlement pour les travaux du Mont-Cenis.

(2) À l'occasion de la nouvelle loi douanière, la question de l'abolition du port-franc de Nice avait été discutée au Parlement, et nne vive agitation s'était manifestée dans cette ville, pour protester contre cette abolition.

(3) Mr Lombard, de la maison Lombard-Odier de Genève.

Si vous pouviez faire une course à Turin, je vous les expliquerai en détail, c'est nouveau, mais cela peut être séduisant. Tel est, du moins, l'avis de Mr Lombard, qui me fait l'effet d'un homme fort capable.

Vous avez vu avec quelle facilité la loi des obligations a passé. Celle de la Banque (1) rencontrera de plus grandes difficultés; toutefois, je crois qu'elle sera adoptée, la commission nommée par la Chambre ne contient qu'un seul membre, Farina (2), qui lui soit tout à fait hostile.

La grande difficulté du moment, c'est le traité avec la France (3), je ne sais pas encore si nous parviendrons à la vaincre.

Adieu, mille amitiés.

Camille de Cavour.

CCCXXVIII.

2 juin 1851.

Mon cher ami,

Je vous envoie la lettre, ci-jointe, d'H.; je garde son pian. Le temps presse, je pense que vous feriez bien de venir causer quelques instants avec moi. Recevez mes amitiés, à la hâte.

Camille de Cavour.

(1) Le comte de Cavour avait proposé un projet de loi qui doublait le capital de la Banque Nationale, le portant de 8 millions, à 16 millions, afin de la mettre ainsi en état de pouvoir efficacement aider le gouvernement dans des moments difficiles. Cette loi ayant rencontré une vive opposition, le comte de Cavour la retira, pour le moment.

(2) Paul Farina, député de Gènes.

(3) Le traité de commerce et navigation.

CCCXXIX.

3 juin 1851.

J'ai une lettre d'A........... que je vous transmets, en vous

renouvelant la prière de venir, sur le champ, à Turin. Mille amitiés.

Camille de Cavour.

CCCXXX.

6 juin 1851.

Mon cher ami,

Mr de Revel accepte (1); il partira aussitôt après le vote de la Chambre des députés. Je ne doute pas que son nom n'exerce une excellente influence en Angleterre, où son frère (2) a résidé longtemps.

Croyez-vous qu'il serait possible de se procurer quelques millions de Paris et de Londres, et à quelles conditions? €e serait pour payer l'Autriche. Répondez-moi de suite.

La discussion de l'emprunt aura lieu mercredi ou jeudi. Revel partira probablement dimanche.

(1) Le comte Octave de Revel accepta de partir pour l'Angleterre, revêtu de la qualité de Commissaire royal, muni de pleins pouvoirs, pour y négocier la grande opération financière, à laquelle Cavour tenait particulièrement, «afin de nous affranchir de la dépendance de Rothschild, devenue, depuis quelque temps, si funeste à notre pays.» (Lettre de Cavour au comte Revel, juin 1851, Chiala, I, p.447).

(2) Le chevalier Adrien de Revel.

Les obligations (1) s'émettront samedi prochain; le prix d'émission sera de 900. Adieu, à la hâte.

Camille de Cavour.

Tachez de souscrire au moins pour deux millions.

CCCXXXI.

8 juin 1851.

Mon cher ami,

Je vous attends mardi matin; nous causerons de toutes nos affaires, et je vous mettrai en rapport avec Revel. Adieu, à la hâte.

Camille de Cavour.

CCCXXXII.

30 juin 1851.

Mon cher ami,

Je suis désolé que Mr H. persiste à vouloir ouvrir la souscription à 84. Je le suis plus encore, de ce qu'on attribue, en grande partie, cette fâcheuse détermination à l'influence que vous exercez sur Mr H.

Vraiment, après nous avoir bercé de 90, quand nos fonds étaient à 80, venir exiger 84, lorsqu'ils sont à 84,50, c'est inconcevable. Si j'étais à Londres, je romprais, plutôt que de souscrire à de pareilles conditions.

(1) Les 18,000 obligations destinées à rembourser la Banque, de ses avances, et à faire ces3er le cours forcé de ses billets.

Je vous parie en toute franchise. Je ne puis pas m'expliquer la manière de procéder de Mr H. Si, en effet, l'emprunt se fait à 84, je le réaliserai, mais j'en serai hautement mécontent (1).

Mille amitiés.

Camille de Cavour.

CCCXXXIII.

9 juillet 1851.

Mon cher ami,

Je vous demande pardon de ma boutade. Je vous ai écrit dans un moment de découragement. Maintenant que le succès a dépassé mon attente, il ne me reste plus qu'à vous remercier de toutes les peines que vous vous ètes données (2).

Je vous prie d'adresser mes félicitations à Mr Hambro, en lui témoignant combien j'apprécie l'exquise délicatesse, dont il a fait preuve pendant toute cette négociation.

Croyez, mon cher, à ma sincère affection.

Camille de Cavour.

(1) «Je partage vos perplexités et vos angoisses. Le retard que la discussion de la loi a subi, nous a été fatal. Il est certain que si nous avions pu conclure, il y a 10 jours, le taux d'émission aurait pu être fixé à 86 ou 87. L'action des banquiers de Paris nous a été nuisible. (Lettre du comte de Cavour à Mr de Revel,30 juin 1851). Ce taux était cependant bien élevé, puisque le 5 % Rothschild ne dépassait pas alors,81 francs.

(2) «Je ne saurais assez vous dire quelle vive satisfaction j'ai éprouvée en apprenant la conclusion de l'emprunt. Je vous avoue avoir été, pendant quelques jours, en proie à la plus vive anxiété.

(3) ….............En définitive, le prix de 85 me parai t hautement satisfaisant, je ne pense pas qu'on pût espérer mieux, vu l'état de notre crédit sur les marchés du Continent». (Lettre à Mr de Revel,5 juillet 1851).

CCCXXXIV.

Turin, 15 juillet 1851.

Mon cher ami,

Nous venons de passer de bien mauvais quarts d'heures, j'espère néanmoins, que le moment difficile est passé. Le coup était bien monté (1), si les baissiers avaient pu empêcher le versement, nous étions flambés. Rothschild fait la sainte Nitouche, et parie de venir au secours de notre rente, en faisant acheter. Il finira par contribuer à la hausse.

Au reste, je sais que la bonne réussite de l'affaire est due à la manière dont Mr Hambro s'est conduit, je vous prie de le remercier de ma part, et de lui adresser mes compliments bien sincères (2).

Puisque vous êtes à Londres, vous devriez vous occuper de l'affaire de la Darse. Malgré le froid accueil que le projet de la Spezia (3) a reçu, je suis décide à le représenter à la session prochaine, et j'espère le faire approuver.

(1) «Rothschild a tout vendu, il ne lui reste plus aucune de nos rentes entre les mains». (Lettre à Mr de Revel, 6 juillet 1851). «L'emprunt a fini à temps, car il me parait que nos ennemis étaient sur le point d'émouvrir l'opinion publique contre nous. Le baron James avait annoncé que nous échouerions; il s'était même permis un jeu de mots sur notre compte, en disant que: l'emprunt était ouvert, mais non couvert». (id., 9 juillet 1851).

(2) Soit à cause de l’élévation du cours, soit à cause de l'opposition organisée par Rothschild, la souscription ne fut pas couverte et n'atteignit que 2,200,000 liv. st. Ce résultat, fâcheux au point de vue moral, tourna à l’avantage du trésor, en laissant à sa disposition, des rentes, dont il n'avait pas besoin pour le moment, et qu'il put aliéner, peu à peu, plus tard, à des cours beaucoup plus élevés que le prix d'émission.

(3) Le transport de l'arsenal et de la marine militaire, de Gènes à la Spezia.

Mais, pour cela, il faudrait que j'eusse la certitude de pouvoir vendre la Darse. Tachez d'en parler à quelques grands industriels. Je sais que Mrs Anderson, les entrepreneurs du Palais de Cristal, avaient manifesté le désir de faire quelque chose en Piémont.

Le dock de Gênes serait une entreprise digne d'eux. Le digne Thompson pourrait vous aider, car il a, m'assure-ton, un grand crédit à la Bourse de Londres.

Occupez vous de cette affaire, allez visiter les docks de Liverpool et ceux de Birkenhead, et, en revenant à Gènes, avec l'appui de quelques solides John Bull, mettez-vous à la tète d'une société, vous y gagnerez beaucoup d'argent et vous immortaliserez votre nom.

La session est finie. Tout est passé, sauf la Banque, qui est venue trop tard. Ce sera pour cet hiver.

Adieu, mille amitiés.

C. de Cavour.

CCCXXXV.

28 juillet 1851.

Mon cher ami,

La nouvelle de la mort de Mr G. Odier (1), m'a profondément affligé. Mr Odier était un ancien ami de mon père, et il a toujours été plein de bonté pour moi. Dans les dernières circonstances, il a rendu de véritables services à notre pays. C'est une perte pour nous, une perte pour Paris, qui ne compte guère d'hommes aussi distingués et finîmes de sentiments aussi élevés que Mr votre beau-frère.

(1) Mr Gabriel Odier, banquier à Taris, beau-frère de Mr Émile de |a Rue.

Je vous prie d'exprimer à Madame Odier mes profonds regrets et ma bien vive sympathie pour son malheur.

Je comprends que vous prolongiez votre séjour à Paris, dans cette circonstance, et que vous restiez quelque temps auprès de votre sœur, à qui vous devez être d'un grand secours.

Mr Hambro vous croit de retour, car il vous a adressé deux lettres à mon adresse.

D'après votre autorisation, je les ai ouvertes. Ce Monsieur Hambro. est le phénix des banquiers, c'est un homme excellent; je comprends qu'il ait fait la conquête de Revel. Je l'aime comme un ami. Par égard pour Revel, je ne lui ai pas encore écrit directement, mais je vais le faire pour lui exprimer toute ma reconnaissance et ma satisfaction pour la manière dont il a conduit nos affaires.

Pensez à l'affaire des Docks, nous la traiterons à votre retour.

Adieu, mille amitiés.

Camille de Cavour.

CCCXXXVI.

3 août 1851.

Mon cher ami,

J'ai reçu la lettre que vous m'avez adressée en arrivant à Genes, je vous remercie des renseignements que vous me donnez sur les changes.

Demain, l’inspection du trésor vous expédiera le Naples, le Messine, le Palerme et une partie de Livourne, et je vous écrirai d'office.

Vous m'obligerez en continuant à aider Rossi et Schiaparelli, que je continue à garantir.

L'affaire que vous m'avez recommandée, en particulier, avant de partir, était faite depuis longtemps, ce qui prouve toute la sollicitude du ministère.

La souscription a dépassé le pair, j'écris à Mr Hambro pour lui en faire compliment.

Je viens de rabattre 400,000 sur l'offre que m'a faite Rothschild pour des tabacs.

Camille de Cavour.

CCCXXXVII.

7 août 1861.

Mon cher ami,

Pour vous témoigner ma satisfaction de votre manière d’opérer, je vous envoie ce qui me reste du Livourne, avec près de 200,000 francs de Marseille.

Je crois, en effet, qu'il convient de se hâter de négocier le papier à l'étranger, car, plus nous approcherons du moment auquel la Banque reprendra ses payements en numéraire, plus il y a de chances de voir baisser les changes.

Je suis la victime de Mr Haslewood (1), depuis hier. Je serais charmé de causer avec lui, s'il parlait moins vite, et s'il comprenait quelques mots de français. Je m'use à rechercher dans ma tète toutes mes vieilles phrases anglaises. Je crois avoir fait sa conquête en lui témoignant mon enthousiasme pour le guano. C'est son côté sensible. Je lui ai promis que vous feriez des affaires en guano; quoique cela sente mauvais, cela peut rendre beaucoup.

(1) Mr Édouard Haslewood, banquier à Londres, recommandé à Mrde Cavour par le comte de Revel. «Mr Haslewood est ici, depuis deux jours. Je fais ce qui dépend de moi, pour faire honneur à votre recommandation, et j'espère que, malgré l'horrible anglais que je suis forcé de bredouiller pour me faire comprendre de lui, il ne sera pas mécontent de l'accueil qu'il aura reçu au ministère» (Lettre de Mr de Cavour à Mr de Revel,8 août 1851).

Dimanche, il viendra dîner a Santene et lundi il repart pour Gènes, où il n'arrivera probablement que mardi, car il veut faire une partie de la route à pied. Maus l'accompagnera.

Adieu, mille amitiés.

Camille de Cavour.

CCCXXXVIII.

26 août 1851.

Mon cher ami,

Je vous remercie de votre lettre du 25. Je m'empresse de vous annoncer que j'arriverai à Gènes, lundi soir, et que j'irai débarquer chez Feder, qui m'a promis de me préparer un petit appartement. Le Roi arrivera le 5 (1). Vous voyez par là, qu'il est de toute nécessité que vous différiez votre départ pour Londres, de quelque temps.

H parait que le Municipio se décide à penser au Dock, ce qui m'irait à merveille.

Je vous prie de m'envoyer le compte détaillé des différentes opérations que vous faites pour les finances, dès qu'elles sont terminées.

Mille amitiés.

Camille de Cavour.

(1) Victor Emmanuel n' était plus revenu à Gènes, depuis la révolution d'avril 1849. — Le ministère crut bien de lui conseiller d'y faire une visite. — Cavour et d'Azeglio l'y accompagnèrent. L'accueil qu'ils y reçurent, fut plutôt froid et le Roi et ses ministres durent en être péniblement impressionnés. «Je crois que, sans se faire illusion, on peut considérer le voyage du Roi comme ayant produit un effet utile n. (Lettre du comte de Cavour à Mr de Revel, IO septembre 1851).

CCCXXXIX.

Gènes,3 septembre 1851.

Je vous prie de venir me trouver, car je ne puis bouger, et je voudrais combiner avec vous la lettre pour Hambro.

Camille de Cavour.

CCCXL.

Turin, 2 octobre 1851.

Mon cher ami,

J'ai reçu votre bonne lettre du 29 (1). Je vous en remercie, ainsi que des nouvelles politiques, qui me font l'effet de ce que j'ai reçu de plus raisonnable, depuis longtemps.

Je prends mon parti de la baisse, n'ayant pas besoin de vendre, pour le moment. Allez, au plus tôt, à Londres, ranimer Hambro; à votre retour à Paris, vous m'écrirez pour me dire si vous croyez qu'on puisse combiner quelque opération pour faire remonter les fonds. Il faudrait faire agir par des gens surs, qui ne nous vendissent pas à Rothschild.

Je pense que si on faisait acheter, au comptant, une centaine de mille livres de rentes, par plusieurs maisons, à l'insu les unes des autres, cela produirait un excellent effet. Il est bon, toutefois, d'attendre la fin d'octobre; au retour de l'assemblée, les craintes du coup d'état disparaîtront.

Votre féroce beau-frère (2) m'écrit qu'il a besoin de faire escompter les traites que je lui ai remises. Dites-lui de n'en rien faire.

(1) Mr de la Bue était alors à Paris.

(2) Mr William Granet, beau-frère de Mr de la Rue.

J'ai payé 10,000 francs pour vos actions de Savigliano, et je tâcherai de vous verser encore, une 40,000 avant la fin de l'année.

Adieu, mille amitiés.

Camille de Cavour.

CCCXLI.

6 octobre 1851.

Mon cher ami,

Je suis désolé que vous ayez cherché à mettre dedans ces pauvres finances (1). Il faut avoir l’âme bien dure pour ne pas avoir compassion de l'état misérable dans lequel elles se trouvent. Enfin, comme le résultat définitif sera une recette extraordinaire pour le trésor, je suis tout disposé à vous accorder l'absolution, moyennant une bonne pénitence pécuniaire. Je vous engage à écrire à votre beau frère, d'aller trouver le directeur des douanes, qui sera fort accommodant sur tout, sauf la question fiscale. Je vous envoie force Livourne pour vous dédommager de l'amende que vous allez payer. J'ai écrit une longue lettre à Hambro pour lui demander son avis sur une opération relative au 5 p. % Rothschild. Allez lui donner courage.

Je vous prie, étant en Angleterre, de me traiter et de terminer l'affaire guano. Si Haslewood ne peut me procurer directement, de cet engrais, soit du Pérou, soit de Messieurs A. Gribbs et Comp., faites-m'en acheter, de 100 à 150 tonnes, par votre neveu, de toute première qualité, et voyez qu'on me l'expédie à Gènes, sans délais.

Adieu, mille amitiés.

Camille de Cavour.

(1) J'ignore à quoi cette lettre fait al lusion. Probablement, à quelque envoi, fait de Londres, à Mr de la Rue, et dont le contenu n'avait pas été régulièrement déclaré à la douane.

CCCXLII.

17 octobre 1851.

Mon cher ami,

Votre lettre du 14 courant est venue me trouver dans mon lit, où je suis retenu depuis 8 jours, par une maladie inflammatoire. Veuillez Técrire à Mr H., en attendant que je lui réponde, en détail, sur les 400 mille livres. Je n'ai aucune difficulté à les lui laisser entre les mains jusqu'à ce que j'en aie besoin, ce qui ne peut avoir lieu que fin janvier. Seulement, je suis fort agité à cause de la tournure des événements politiques. Si la baisse se déclaré après décembre, que ferons-nous? Cela me donne la fièvre, rien que d'y penser.

Vous ne me dites pas un mot du guano, cependant il faut en finir; en conséquence, otez tout ordre à Haslewood, et écrivez, tout bêtement, à votre neveu, de m'acheter au mieux,100 tonnes à peu près, de guano de l'ile de Chincha, de première qualité, et de me les expédier à Gènes, à votre adresse.

J'ai envoyé 20000 francs à votre beau-frère, j'espère lui envoyer bientôt, pareille somme.

Adieu, mille amitiés.

C. de Cavour.

Écrivez-moi les impressions de la Bourse.

CCCXLIII.

7 novembre 1851.

Mon cher ami,

Je vous remercie des excellentes lettres que vous m'adressez; si je n'y réponds pas, c'est que je suis, à la lettre, accablé d'affaires. Que mon silence ne vous décourage pas, je vous en prie.

Haslewood m'annonce avoir payé le guano de Messieurs Gibbs, L. st.1409, qu'il a retirées de Mr Hambro. J'espère qu'il m'enverra un compte précis.

Je désirerais bien connaître l’époque précise de l'arrivée du guano à Gènes, pour pouvoir prendre mes mesures pour le faire conduire, à peu de frais, à Leri. Tachez de m'éclairer à cet égard.

La session va s'ouvrir dans quelques jours. Je crains qu'elle ne soit passablement orageuse.

Adieu, mille amitiés.

Camille de Cavour.

CCCXLIV.

1er février 1852.

Mon cher ami,

Je réponds à votre lettre du 27, je regrette de ne pas l'avoir fait plus tôt. Tenez-vous aux instructions de Hambro. Après une fièvre de hausse, nous avons subi un accès furieux de baisse. Cet accès passera et nos fonds, comme les français, reprendront leur équilibre entre 90 et 95.

Je ne suis pas pressé d'argent, et j'aime mieux attendre, que de forcer les cours. J'avais cru convenable d'accepter une offre définitive de Rothschild, pour vendre, à prix fait, les 2 millions de rente 5 p. % qui nous restent, mais, puisque cette offre n'a pas été ratifiée, j'aime mieux courir la chance de l'avenir. S'il n'y a pas de guerre, la rente haussera et beaucoup. Si, au contraire, la guerre éclate, je serai justifié si des mesures extraordinaires deviennent nécessaires.

Revel a agi d'une manière indigne et perfide. — Ma conduite à son égard me donnait droit à attendre d'autres procédés. Mais, dans ce moment, le parti réactionnaire se croit tout permis pour remercier le ministère.

Croyez à ma sincère amitié.

Camille de Cavour.

CCCXLV.

24 mai 1852.

Mon cher ami,

Si fai quitte le ministère, j'ai eu de graves raisons pour le faire (1). Ma position n'était plus tenable.

(1) A l'occasion du connubio, c. -à. -d. de l'évolution qui avait amené le Centre gauche, dirigé par Rattazzi, à fusionner avec le Centre, et à laquelle le comte Cavour avait largement contribué, quelque mécontentement s'était déjà manifesté chez quelques membres du cabinet. Ce mécontentement s'accentua plus encore, lorsque Rattazzi, avec l'appui de Cavour, fut nommé président de la Chambre, tandis que ses collègues du ministère auraient désiré que Boncompagni fût nommé à cette charge. Après une discussion très vive, à ce sujet, entre Cavour et son collègue Galvagno, ministre de l'intérieur (22 mai 1852), le premier donna sa dimission, et tous les autres ministres en firent autant. Le même jour, d'Azeglio fut chargé par le Roi de former un nouveau cabinet, dont Cavour et Farini seraient exclus. — D'Azeglio accepta à contre-coeur ce mandat, persuadé que, si, avec Cavour, le ministère avait eu beaucoup de peine à se soutenir, sans Cavour, il était un ministère condamné d'avance.

Je ne pouvais pas continuer à porter, seul, le fardeau des travaux parlementaires, en laissant Azeglio faire avec la diplomatie, une politique contraire à celle que je m’efforçais de faire triompher à la Chambre.

Azeglio est souffrant et affaibli; le moral se ressent de son état physique. Il ne pouvait plus se traîner après moi. Un beau jour, la corde s'est rompue. Maintenant, il faut subir le ministère qu'à grand peine, il est parvenu à reconstituer. C'est une nécessité comprise par tout le monde. La crise passée, Azeglio devra se retirer, car il a perdu tout prestige à la Chambre, et, alors, le choix devra tomber sur Revel ou sur moi. Je vous remercie de ce que vous me dites d'aimable, je le mets sur le compte de notre ancienne amitié.

J'ai écrit une longue lettre confidentielle à Hambro, pour le rassurer.

Je viens d'acheter mon guano pour l'année prochaine. Je pense que je puis compter sur vous pour le payer, car vous devez, comme tous les banquiers du monde, ne plus savoir que faire de votre argent.

Dites-moi à quel prix se vendent les actions du gaz, car j'aurais bien envie de m'en défaire. Demain, je pars pour Leri, écrivez-moi à Turin.

Adieu, croyez à ma bien sincère amitié.

Camille de Cavour.

Le nouveau cabinet fut composé de: D'Azeglio, président — Pernati di Momo, intérieur — Dabormida, extérieur — Boncompagni, grâce et justice et instruction publique — Lamarmora, guerre — Cibrario, agriculture, commerce et finances — Paleocapa, travaux publics. — Ce cabinet, qui fut le 2e présidé par d'Azeglio, demeura au pouvoir jusqu'au 4 novembre 1852, où Cavour fut chargé de former un nouveau ministère (ler cabinet Cavour).

CCCXLVI.

Turin, 17 juin 1852.

Mon cher Émile,

Je vous annonce mon prochain départ pour Londres et Paris. Je passerai par le Rhin et la Belgique, et ce ne sera qu'à mon retour que je visiterai la France. Je laisse les affaires et la politique dont je suis très fatigué.

Annoncez, je vous prie, mon arrivée à Hambro, qui me recevra bien, j'espère, quoique je ne sois plus ministre.

Thiers (1) est ici, j'ai beaucoup causé avec lui, il nous porte aux nues. Quand même ce serait de la blague, cela fait toujours plaisir à entendre.

Vous m'obligeriez beaucoup, en envoyant à Fosco un bon de L.10,000 sur la Banque, j'ai besoin de cette somme jusqu'au premier juillet.

Adieu, je vous écrirai encore un mot, avant de monter en voiture.

Votre dévoué

Camille de Cavour.

(1) Mr Thiers, exilé de la France après le coup d'État du 2 décembre, était venu passer quelques jours à, Turin. Voyant la prudence avec laquelle Cavour se conduisait après sa sortie du ministère, et l'appui qu'il donnait au nouveau cabinet, au lieu de le combat tre, comme on s'y attendait peut-être, l'illustre homme d'État français aurait dit: «On peut tout espérer d'un pays où les hommes les plus influents quittent le pouvoir, pour appuyer avec leurs amis, le gouvernement qui s'est séparé d'eux». — (Correspondance inèdite de M. A. Castelli avec M. Minghetti, citée par Chiala, I, p.262).

Dans une lettre, en date du 27 juin, à une dame lombarde, demeurant à Paris, Mr Thiers disait, entre autres éloges sur le Piémont, son esprit et ses institutions: «J'y ai vu un pays sage, un gouvernement excellent et une armée admirable».

CCCXLVII.

28 juin 1852.

Mon cher ami,

Je comptais partir aujourd'hui, la discussion de la loi sur la Banque me retient encore (1), je ne partirai que demain. Je ne regrette pas ce retard, car, par l'amendement que j'ai proposé, j'ai amené la Banque, par l'organe de Bolmida, à porter son capital, dans le courant de l'année prochaine, à 24 millions.

Je n'ai pas insisté pour qu'il fut de 32, de suite; car je pense que 24 millions suffisent pour un assez grand nombre d'années.

Quant à Savigliano, je vous conseille de ne pas vendre, du moins avant que la ligne ne soit ouverte jusqu'à cette ville, ce qui aura lieu dans trois ou quatre mois, au plus. Les rails sont posés jusqu'à Carmagnole; dans le courant de la semaine prochaine ils atteindront peut-être Raconis. H est probable qu'alors, on commence à ouvrir cette première section de la route, qui sera très productive, grâce à la concession de l'usage, presque gratuit, du tronc de Truffarello à Turin.

Les actions, à mon avis, devront alors dépasser le pair. Malgré toutes les fautes qui ont été faites, on n'a pas jeté de l'argent et aucun événement imprévu n'est venu déranger les calculs primitifs. C'est là une circonstance rare jusqu'ici, dans les entreprises industrielles.

(1) Avant de partir, le comte de Cavour prit encore une part active à la discussion des lois proposées par le cabinet dont il avait fait partie, c'est-à-dire, des lois concernant la concession de la ligne de Turin à Novare, les modifications aux tarifs douaniers, et la faculté accordée à la Banque Nationale, de porter son capital de 16 à 24 millions.

Écrivez-moi à Londres, chez Mrs Heath, chez lesquels, si vous me le permettez, je prendrai les fonds dont j'ai besoin.

J'ai yu hier le Roi, qui m'a remis la croix du mérite civil (1), ce qui prouve que nous ne sommes pas brouillés, comme on voudrait le faire croire. Adieu, mille amitiés.

Camille de Cavour.


vai su


CCCXLVIII.

Londres,10 juillet 1852.

Mon cher ami,

J'ai reçu ici, en arrivant, la lettre que vous m'avez écrite le 2 courant. Je vous remercie des ordres que vous avez transmis à Mr Heath. Je crains bien, d'être obligé d'en faire un large usage, car, en Angleterre, les guinées coulent des mains, comme de l'eau.

N'étant à Londres que depuis deux jours, je n'ai guère eu le temps de voir les hommes politiques. J'ai couru, avant hier, à Oxford, pour assister à la nomination des candidats à la députation de l'Université, et hier j'ai assiste à la proclamation des députés de Westminster. J'ai vu, en conséquence, plus de mób que d'intelligences.

(1) Le Roi et les nouveaux ministres, comprenant combien il était important pour eux de se maintenir en bons termes avec le comte Cavour, décidèrent, de commun accord, de lui décerner la croix du mérite civil et de le charger officieusement de s'occuper à Paris et à Londres, des négociations relatives à l’indemnité requise par le prince Florestan de Monaco, pour la cession de ses terres de Roquebrune et Menton, qui, en 1848, s'étaient révoltées contre son autorité, pour s'unir au Piémont.

Les quelques individus que j'ai rencontrés, appartenant tous au parti libéral, se montrent très satisfaits. Je crois qu'ils exagèrent leur satisfaction. Jusqu'ici, ce qu'on peut dire c'est que le ministère a gagné quelques voix, mais qu'il espérait en gagner davantage, que ces succès ne suffisent pas pour le constituer en majorité.

Ce qui réjouit le plus les whigs, ce n'est pas le peu de pertes jusqu'ici essuyées, c'est surtout, la défaite des Peelites. On peut dire que les Peelites, comme parti, vont disparaître de la scène, et c'est là ce qui plaît si fort aux amis de lord John Russel, qui redoutent sir James Graham autant que lord Derby.

Je n'ai pas eu encore le temps de voir ni Mr Heath, ni Mr Hambro. J'irai demain les chercher à la Cité.

La faiblesse des actions de la Banque ne m'étonne pas. Les spéculateurs ne comptaient que sur 8 millions, à payer, et sur l'émission de 8000 titres. Au lieu de cela, ils doivent payer 16 millions et il y aura 24,000 nouveaux titres. À mon avis, je crois que les nouveaux titres débuteront par le cours de 1200, ce qui porte à 1800 les titres actuels. Il y aura ensuite, une forte hausse.

Grâce au ciel, je n'ai plus lu de journaux piémontais, depuis dix jours. Cela me repose singulièrement l'esprit.

Si vous m'écrivez, veuillez m'adresser votre lettre:

1, Regent Street.

Votre dévoué ami

Camille de Cavour.

CCCXLIX.

Paris, 13 septembre 1852.

Mon cher ami,

Je ne vous ai plus écrit de Londres, car je n'avais pas de nouvelles politiques à vous mander. La position des partis, en Angleterre, n'a pas changé, à mon avis. Le ministère est faible, mais la Chambre l'est encore davantage. La position que la fraction catholique irlandaise a prise, me paraît imposer au parti libéral l'obligation de l'exclure de ses rangs. Si, au contraire, il consentait à une coalition avec lui, il serait perdu dans l'opinion publique. H n'y a de salut pour l'Angleterre, que dans l'union des nuances modérées des deux grands partis qui divisent le pays. Maintenant que la grande question du free-trade est settle, cette union ne me paraît pas impossible. D'Israeli s'y prèterait très volontiers, et lord Derby l'acceptera, s'il ne voit pas d'autre chance de se tirer d'embarras. Elle s'accomplira sous les auspices du marquis de Lansdowne, si elle doit avoir lieu. Je le désire ardemment.

Maintenant, que vous dirai-je de la France? Peu de choses, sinon que le gouvernement actuel est accepté par les masses et subi, avec une parfaite résignation, par les gens raisonnables de tous les partis. Les hautes classes de la société ne l'aiment pas, mais personne ne songe à le renverser, aussi, je crois qu'il a toutes les chances de durer longtemps. S'il tombe, ce ne sera que par sa propre faute, mais s'il se conduit avec modération et prudence, nous aurons le règne d'Auguste, après la licence des Gracques et la gloire de César.

En dehors de la politique, tout marche à merveille. Le commerce, l'industrie, les grandes entreprises ont pris un essor prodigieux. Les capitaux regorgent; il en sort de tous les cotés.

Cependant, je ne jurerais pas qu'on n'abuse de la prospérité actuelle et qu'on ne pousse les choses trop loin. Jusqu'à présent, on n'a pas dépassé le but, mais, si l'on continue de la sorte, il y aura un temps d’arrêt et, peut-être même, une reculade. Nous devons profiter de l'entrain pour pousser nos affaires. Quel dommage que la question des docks n'ait pas reçu encore de solution! Si la ville de Grènes refusait de s'en charger, on trouverait à Paris, à le placer sans difficulté.

Je rapporte de l'Angleterre, la conviction intime que le dock est la plus belle affaire qu'on puisse faire chez nous. Il faut vraiment, avoir autant de préjugés qu'en ont les génois, pour en douter un instant. Je ne sais plus trop ce qui se passe chez nous. On m'écrit seulement, vaguement, qu'Azeglio est très en train, et qu'il fait arranger son appartement à Turin, pour donner des bals. Tant mieux! Si le ministère ne marche pas, au moins il dansera.

L’honnête Hambro a bien voulu se charger d'expédier à Gènes, à votre adresse, 4 caisses remplies de livres et autres objets que j'ai achetés à Londres. Comme il s'est également chargé de payer mes achats, je l'ai engagé à se rembourser sur vous. Les débours doivent s'élever à 200 livres sterlings à peu près.

Quant à mes caisses, vous m'obligerez en les faisant filer sur la douane de Turin. J'ai écrit au comte de Castelbourg (1), pour que la, douane ne fit pas de difficultés.

J'ai aussi pris de l'argent chez Mrs Blanc Mathieu et Comp. Ils se rembourseront chez vous. Je me ruine, mais patience, on ne va pas tous les jours en Angleterre.

(1) Le comte Camillo Bongiovanni di Castelborgo, secrétaire chef de division au ministère des finances, puis directeur général des douanes (gabelle) et conseiller d'État.

Adieu, Mon cher ami, répondez-moi ici, j'y serai jusqu'à Ja fin du mois.

Camille de Cavour.

CCCL.

Paris, 19 septembre 1852.

Mon cher Émile,

Je regrette bien, que vous ayez choisi, pour être à Turin, une époque pendant laquelle je suis absent. J'espère, toutefois, vous y retrouver encore, à mon retour, qui aura lieu dans la première quinzaine d'octobre.

….......................................................................................

La prospérité financière est immense. La France serait bien riche, si elle était sage et plus éclairée.

Le gouvernement, sans aller au libre échange, fera, à ce qu'il parait, quelques pas dans la voie des réformes commerciales.

Faites-moi l'amitié de vous informer à Gènes, s'il est vrai qu'on y attend deux navires chargés de guano venant du Pérou. J'aurais besoin d'avoir des notions précises à cet égard, avant de quitter Paris.

Adieu, mille amitiés.

C. de Cavour.

CCCLI.

8 décembre 1852 (1).

Mon cher ami,

Je vous remercie de la communication de la lettre de Hambro. Je lui avais écrit au long, la veille du jour ou je l'ai reçue.

(1) Le roi Victor Emmanuel, persuadé, comme Louis Philippe, qu'il ne faut pas avoir de querelles avec le clergé, n'avait consenti à introduire dans le discours de la couronne, du 4 mars 1852, la promesse d'une loi sur le mariage civil, que si cette loi n'offensait pas les principes catholiques. Le 19 septembre, le Pape, dans une lettre sévère, l'accusait de vouloir ainsi, introduire le concubinage dans ses États, et l'ancien précepteur du Roi, Monseigneur Charvaz, archevêque de Gênes, ayant écrit à Victor Emmanuel dans le même sens, celui-ci déclara, en plein conseil des ministres, le 21 octobre, que jamais il ne signerait cette loi. — Le lendemain, D'Azeglio et ses collègues donnaient leur démission, et, le 24, le Roi chargeait Cavour de former un nouveau cabinet, à condition qu'il réglerait, d'accord avec la Cour de Rome, les questions ecclésiastiques et en particulier, celle du mariage civil. — Cavour, naturellement, déclara au Roi qu'il ne pouvait accepter cette condition et lui conseilla de s'adresser au comte Balbo. Celui-ci accepta la mission de former un nouveau cabinet, mais il ne put y réussir, car tous refusèrent d'y entrer dans ces conditions, comprenant le triste rôle qu'ils joueraient au Parlement, en s'y présentant avec un programme semblable. — Le Roi, convaincu, enfin, de l'impossibilité de  céder aux prétentions de la Cour de Rome, dut de nouveau, assez malgré lui, appeler Cavour à former le nouveau cabinet, insistant cependant, pour que Cibrario (ministre des finances dans le précédent cabinet) en fìt partie, acte qui cachait une certaine défiance envers Cavour, mais auquel celui-ci consentit, pour tirer le Roi de la mauvaise situation où il s'était placé. — Le nouveau cabinet (1er cabinet Cavour,4 novembre 1852 à ler mai 1855) fut composé de: Cavour, présidence et finances; San Martino, intérieur; Cibrario, instruction publique; Dabormida, extérieur; Boncompagni, grâce et justice; Lamarmora, guerre et marine; Paleocapa, travaux publics. — On a, à juste titre, appelé ce cabinet il gran Ministero, parce que c'est sous sa direction que s'accomplirent l'expédition de Crimée, la guerre de la Lombardie et les principaux événements qui amenèrent l'Unité italienne.

Si, comme on le dit, D'Israeli réduit les consolidés, peut-être le nouvel emprunt pourra se faire en Angleterre, à des conditions avantageuses (1).

La Banque me donne bien des soucis. Elle s'est mise dans une position difficile; maintenant, pour en sortir, elle est forcée à des mesures fâcheuses, quoique indispensables.

Il est de l’intérêt du commerce de l'aider, aussi je vous recommande de lui venir en aide, si vous le pouvez.

…...........................................................................................

Je suis accablé d'affaires. Cependant, je dois dire que jusqu'à présent, je trouve dans tous les partis une condescendance qui rend ma tâche moins difficile.

J'attends une députation du municipio de Grènes, qui vient traiter la question du dock.

Ce pauvre municipio a fait une triste figure avec sa pétition contre les gabelles (2).

Il est impossible de voir une pièce plus ridicule.. Je vous envoie la lettre d'Hambro.

Croyez à mes sentiments dévoués.

C. de Cavour.

CCCLII.

10 décembre 1852.

Mon cher ami,

Comme vous devez croire, je ne veux pas même recevoir officiellement, les propositions du municipio. Si ses députés viennent à Turin, je le leur déclarerai nettement.

(1) Le 2 décembre 1852, le comte de Cavour avait présenté à la Chambre un projet de loi pour l'aliénation de 2 millions de rente de la Dette publique, afin d'être à même de couvrir le déficit prévu pour l'exercice 1853, ainsi que le déficit déjà reconnu, pour l'exercice 1852

(2) La taxe sur les boissons et sur leur débit au détail.

CCCLYI.

Turin, 12 février 1853.

Mon cher ami,

J'ai donné l'ordre pour qu'on vous expédiât les 16 dessins de notre chemin de fer, que le brave Hambro a fait lithographier à Londres. J'espère que vous en serez content.

Les connaisseurs déclarent que c'est un travail fort remarquable. Hambro ne m'ayant pas fait savoir ce qu'il a payé au lithographe, je n'en ai pas encore fixé le prix. Lorsque je le saurai, je vous débiterai de leur valeur.

À propos de chemin de fer, vous vous réjouirez, comme moi, de voir la route ouverte jusqu'à Busalla (1). La course de Grènes n'est plus rien, puisqu'on peut la faire entre le déjeuner et le dîner. Je pense avec plaisir, que si j'avais besoin de causer avec vous, le voyage de Turin ne vous incommoderait pas trop.

Vous avez raison de dire que les événements politiques contrarient singulièrement la négociation de l'emprunt. Lorsque j'ai demandé aux Chambres l'autorisation de le contracter, le 3 p. % français était à 86 et notre Hambro au pair. Maintenant, le 3 p. % tombé de 7 francs à 79, et l'Anglo Sarde est au diable, et, aussi, Hambro, qui paraissait sur de son fait à 70, parie maintenant, avec hésitation, de 65.

J'espère obtenir mieux de Rothschild, ou de Fould. Les derniers événements de Milan (2),

(1) X 23 kilom. de Gènes, à l'embouchure du grand Tunnel des Giovi.

(2) Le 6 février 1853, avait eu lieu la farceuse tentative Mazzinienne de révolte contre l'Autriche, et le 13 février, le gouvernement autrichien lança un décret de séquestre sur les biens possédés en Lombardie et Venise, par les émigrés qui avaient été naturalisés citoyens Sardes.

loin de faire du tort à être mis au fait de l'affaire, faire rédiger la procuration par brevet, que je devrai préalablement vous envoyer. Croyez, Mon cher ami, à mes sentiments dévoués.

Camille de Cavour.

CCCLIII.

26 décembre 1852.

Mon cher ami,

Mr Palmer (1) s'est adressé à moi, pour que j'intervienne dans son procès avec l'administration des chemins de fer. Quoique cette affaire soit étrangère à mes attributions, me rappelant l’intérêt que vous portez à monsieur Palmer, j'ai consenti à m'en occuper. J'ai interpelé, successivement, messieurs Paleocapa et Bona, qui m'ont fourni des renseignements et des explications, qui m'ont convaincu que l'administration ne peut pas suspendre, ne fusse que d'une minute, l'exécution de la sentence, qui ordonne la remise de l'établissement de San Pier d'Arena.

Les conséquences d'un retard quelconque, pourraient être excessivement graves.

Cette remise, d'ailleurs, ne porte aucune atteinte aux droits de Mr Palmer.

Les raisons qui décident l'administration à persister dans le parti pris, sont exposées dans la note confidentielle, ci-jointe, de Mr Bona, que je vous transmets, en vous autorisant à en donner lecture à Mr Palmer.

J'ajouterai que j'ai su que l'administration avait lieu de se plaindre de la conduite de Mr Taylor, dans ces derniers temps.

(1) Industriel anglais, qui avait, avec Mr Prandi, eu la concession de l'usine métallurgique du gouvernement, à s. Pier d'Arena.

 Les dernières fournitures étaient détestables et ont du être, en grande partie, refusées.

Je n’accuse pas Mr Palmer d'indélicatesse; mais, après toutes les pertes, tous les sacrifices que ce malheureux établissement de S. Pier d'Arena a imposés au trésor, l'administration a le droit et le devoir de se montrer sévère vis-a-vis de Mr Taylor.

Après avoir fait de la lettre de Mr Bona l'usage que vous jugerez convenable, je vous prie de me la renvoyer. -

J'ai vu avec plaisir, votre beau-frère partir pour l'Angleterre; j'espère qu'il ramènera Mr Randell (1), qui rendra un jugement sans appel.

J'écris à Hambro, pour avoir son avis définitif sur l'emprunt. J'espère que votre beau-frère me rapportera une réponse satisfaisante.

Croyez à ma sincère amitié.

Camille de Cavour.

(1) Célèbre ingénieur anglais, président de la Société des Ingénieurs d'Angleterre. Plusieurs projets avaient été présentés pour la création de dock8 à. Gènes, et Mr Randell avait été invité à venir étudier sur place, lequel serait le meilleur à adopter. — «Pour sortir d’embarras et être certain de bien choisir, le Gouvernement a décidé de recourir à un ingénieur étranger, de premier ordre, qui fùt en état de porter un jugement sùr et définitif sur tous ces projets et, au besoin, en con8eiUer un nouveau. Son choix ne pouvait être douteux; comme il s'agit de Constructions maritimes, il devait d'abord songer à, Mr Randell, qui, sous ce rapport, tient le premier rang en Angleterre et sur le continent n. (. Lettre du comte de Cavour à Mr W. Brockedon, 20 dicembre 1852).

CCCLIV.

24 décembre 1852.

Mon cher ami,

Je vous remercie d'avoir tranquillisé Mr Palmer et de lui avoir fait prendre bravement son parti. Au fond, je crois qu'il avait tort.

….......................................................................................

Croyez à ma sincère amitié.

Camille de Cavour.

CCCLV.

1er janvier 1S53.

Mon cher ami,

J'ai reçu le bon de L.12,000 sur la Banque. Je l'enverrai encaisser au retour de Tosco, qui est, depuis huit jours, à Alexandrie, pour faire accepter un remplaçant, que j'ai eu la bonhomie de promettre à mon agent favori, pour son fils.

Mes débiteurs ont été plus exacts que je ne l'aurais cru, de sorte que j'ai pu fournir les 20,000 francs qu'on m'avait demandés, sans le bon.

J'espère que Randell viendra bientôt, et que l'affaire du dock recevra, enfin, une solution.

Je vous souhaite une bonne année, pleine d'excellentes affaires et de gros bénéfices.

Adieu, mille amitiés.

Camille de Cavour.

CCCLVI.

Turin, 12 février 1853.

Mon cher ami,

J'ai donné l'ordre pour qu'on vous expédiât les 16 dessins de notre chemin de fer, que le brave Hambro a fait lithographier à Londres. J'espère que vous en serez content.

Les connaisseurs déclarent que c'est un travail fort remarquable. Hambro ne m'ayant pas fait savoir ce qu'il a payé au lithographe, je n'en ai pas encore fixé leprix. Lorsque je le saurai, je vous débiterai de leur valeur.

À propos de chemin de fer, vous vous réjouirez, comme moi, de voir la route ouverte jusqu'à Busalla (1). La course de Grènes n'est plus rien, puisqu'on peut la faire entre le déjeuner et le dîner. Je pense avec plaisir, que si j'avais besoin de causer avec vous, le voyage de Turin ne vous incommoderait pas trop.

Vous avez raison de dire que les événements politiques contrarient singulièrement la négociation de l'emprunt. Lorsque j'ai demandé aux Chambres l'autorisation de le contracter, le 3 p. % français était à 86 et notre Hambro au pair. Maintenant, le 3 p. % est tombé de 7 francs à 79, et l'Anglo-Sarde est au diable, et, aussi, Hambro, qui paraissait sur de son fait à 70, parie maintenant, avec hésitation, de 65.

J'espère obtenir mieux de Rothschild, ou de Fould. Les derniers événements de Milan (2), loin de faire du tort à notre crédit, me paraissent devoir lui être favorables, une fois qu'ils seront connus et appréciés.

(1) X 23 kilom. de Gènes, à l'embouchure du grand Tunnel des Giovi.

(2) Le 6 février 1853, avait eu lieu la fameuse tentative Mazzinienne de révolte contre l'Autriche, et le 13 février, le gouvernement autrichien lança un décret de séquestre sur les biens possédés en Lombardie et Venise, par les émigrés qui avaient été naturalisés citoyens Sardes.

En effet, ils ont démontré, d'une manière évidente, que le parti révolutionnaire était impuissant, non pas à troubler le pays, mais à y produire le moindre trouble. Jamais Turin n'a été si calme que ces jours derniers, et je crois qu'il en a été de même à Gènes, vos réfugiés se sont tenus tranquilles et Buffa (1), qui avait pris toutes ses mesures, n'a pas eu à employer la moindre force pour les empêcher de faire des démonstrations.

Je vous prie d'insister sur ces faits, auprès de vos correspondants de Paris et surtout, auprès de Mrs Blanc et Mathieu, qui, soit dit en confidence, sont associés avec Fould.

Croyez à mes sentiments dévoués.

Camille de Cavour.

CCCLVII.

16 février 1853.

Mon cher ami,

Je vous envoie, ci-joint, une lettre importante pour Monsieur F. d'A.. de Naples. Je vous prie de l'envoyer à un de vos correspondants de cette ville, pour qu'il la fasse parvenir à son adresse. Je vous garantis qu'elle ne renferme rien de compromettant.

L'emprunt n'est pas conclu; si la loi avait été votée lorsque Rothschild était ici, peut-être l'affaire serait faite à des conditions avantageuses. Je ne sais dans quelles dispositions il sera à son retour. S'il ne me donne pas au delà et beaucoup, de 65, j'aurai recours à Hambro.

Quoique, dans ce moment, ces pauvres Anglo-Sardes fassent assez triste figure, Hambro m'écrit toujours, qu'il pourrait les faire monter, mais qu'il s'en abstient, je ne comprends pas trop pourquoi.

(1) Alors intendant général à Gènes.

La Banque ayant baissé le taux de l’intérêt sur les prêts sur dépôts de rente, cela produira peut-être, un bon effet sur nos cours.

Croyez-vous que des achats au comptant, pour un ou deux millions, feraient un effet sensible? Répondez-moi par le retour du courrier.

Adieu, mille amitiés.

Camille de Cavour.

CCCLVIII.

27 février 1853.

Mon cher ami,

Je vous remercie de la communication de la lettre d'Hambro; elle a confirmé l'opinion que j'ai depuis longtemps conçue, de la loyauté et de la délicatesse de son caractère, seulement, je regrette qu'il ait moins de courage. Vous voyez qu'il hésite sur le prix de 68. Or, je suis à peu près certain que Rothschild me donnera mieux. Il y a d'ailleurs, une circonstance qui me porte à préférer un trois pour cent Continental, à un 3 p. °/0 anglais. Si nous devons convertir notre 5, ce ne peut être qu'en fonds payables à Turin et à Paris. Rothschild (le jeune) est arrivé. Je l'ai vu, mais nous n'avons pas encore entamé de négociation. J'attends une réponse de Fould. En attendant, nous avons à peu près convenu avec Lafitte, la concession du chemin de la Savoie. Vous voyez que les affaires ne manquent pas.

L'horizon politique s'était, ces jours-ci, un peu obscurci. J'espère qu'il se réclaircira. Les puissances étrangères sont fort aimables à notre égard. Même l'Autriche ! Cela durera-t-il?

Veuillez me dire votre opinion sur P..., son beau frère me le recommande beaucoup, pour que je le fasse directeur d'une nouvelle Banque, que j'ai l'intention de fonder en Sardaigne.

Laissez le sucre, et riez au nez de tous ceux qui vous diront que je prends la moindre part à une affaire quelconque (1).

Mille amitiés.

Camille de Cavour.

Avez-vous reçu les dessins du chemin de fer?

CCCLIX.

2 mars 1853.

Mon cher ami,

Malgré le séquestre (2), Rothschild a tenu bon, et l'emprunt est fait à 70,2 p. % de commission. Je ne pense pas qu'il fut possible de faire mieux. Si vous faites l'équation du 8 et du 5, vous reconnaîtrez que la rivalité de Fould nous a valu quelques millions.

Adieu, mille amitiés.

Camille de Cavour.

(1) «On vient de m'offrir de m'intéresser dans une raffinerie de sucre, en me disant que vous y prendriez aussi un intérêt, mais qu'on ne pouvait pas me le garantir. J'ai répondu qu'on ferait mieux de garantir tout le contraire». (Lettre de Mr de la Rue au comte de Cavour, 18 février 1853).

(2) L'Autriche avait mis sous séquestre les biens des émigrés Lombards réfugiés en Piémont et y naturalisés (13 février 1853), violant ainsi les promesses qu'elle avait faites lors de la négociation du traité de paix de Milan, qui assurait l'amnistie des émigrés de 1849, et le traité de commerce de 1851, qui garantissait aux sujets sardes la libre possession de leurs biens situés sur le territoire Lombard-Vénitien. À la suite de ce séquestre, le Gouvernement sarde protesta énergiquement en face de l'Europe entière, contre la conduite de l'Autriche et rappela de Vienne son ministre Air de Revel.

CCCLX.

6 mars 1853.

Mon cher ami,

La conclusion de l'emprunt a produit un excellent effet. La hausse s'est prononcée avec une grande vigueur, et, ce qui vaut mieux, c'est qu'elle parait produite, moins par la spéculation, que par l'argent sorti tout-à-coup des caisses. L'Hambro fait une beaucoup moins mauvaise figure.

Je ne pense pas que vous deviez être inquiet au sujet de X..., seulement, vous devez comme par le passé, le considérer comme fort honnête, médiocrement riche et d'une habileté moyenne. Mestrezat vaut, sous tous les rapports, beaucoup mieux.

La direction de Savigliano est absurde. Ghiidée par des intrigants et des avocats, elle a voulu faire capituler les entrepreneurs, à force de procès et de chicanes. Elle n'y a pas réussi. Enfin, elle s'est résignée, et hier une transaction finale a été signée avec les Pickering (1). La route sera ouverte dans le courant de la semaine, ou dimanche prochain, au plus tard.

Si vous vendez vos Savigliano, achetez des actions de Suse. Vous pouvez être certain que si la ligne de Savoie est concédée, ces actions monteront rapidement.

Ce chemin s'exécute rapidement; il sera ouvert avant la fin de l'année.

Adieu, mille amitiés.

Camille de Cavour.

(1) Entrepreneurs Anglais, qui construisirent les lignes de Savigliano et de Pignerol.

CCCLXI.

16 avril 1853.

Mon cher ami,

Mon ami Farini (1) est venu m'annoncer que la personne sur laquelle il avait tiré une traite de 10,000 livres toscanes, et que je vous ai remise, a été expulsée d'Italie, pour cause politique, et que, par conséquent, cette traite ne sera pas payée à son échéance, qui aura lieu à la fin du mois. Je vous prie, en conséquence, de la retirer de la circulation, si vous êtes encore à temps pour le faire, et, en cas contraire, de la faire payer, sans protêt et avec le moins de frais possible.

Dès qu'elle sera entre vos mains, vous me la renverrez avec le compte de vos frais.

Pardon de l'ennui. Croyez à ma sincère amitié.

Camille de Cavour.

(1) Le médecin Louis Charles Farini, né à Russi (Ravenne) en 1812, dut prendre le chemin de l'exil à cause de ses opinions libérales. Après avoir été Mazzinien et Carbonaro, il revint à des idées plus modérées et put rentrer dans sa patrie. Au commencement du règne de Pie IX, il fut chargé de la direction de la santé publique à Rome, pendant le ministère de Pellegrino Rossi. Après la fuite de Pie IX et les événements qui la suivirent, il dut se réfugier à Turin, où il écrivit son HÌ8toire des États Romains de 1814 à 1850, et son Histoire d'Italie. Naturalisé piémontais, il fut député au Parlement par le collège de Varazze, puis par ceux de Cigliano et de Chieti. Il fut ministre de l'instruction publique en 1852 (1er cabinet d'Azeglio), commissaire royal en 1859, à Modène, à Bologne et à Florence, où il présida les plébiscites qui unirent ces provinces au Piémont. En 1860, Cavour l'appela au ministère des affaires étrangères et, après l'annexion des provinces napolitaines, il y fut envoyé en qualité de lieutenant du Roi. En novembre 1862, il fut chargé de former un nouveau cabinet, qu'il présida jusqu'en mars 1863, époque où sa santé le for$a à se retirer des affaires. Il mourut à Quarto, près de Gènes, le ler août 1866. Le Parlement lui avait voté en 1865, une pension de 25,000 francs, en témoignage de reconnaissance pour les services qu'il avait rendus à la patrie.

CCCLXII.

24 avril 1853.

Mon cher ami,

Je vous remercie de l'obligeance que vous avez mise, à arranger l'affaire Farini.

Devant faire de nombreuses remises à Hambro, je vous prie de me dire si votre maison peut et veut se charger de livrer au trésor, de 40 à 60 mille livres sterlings, d'ici au 15 mai, et à quelles conditions. Ayant déjà pourvu au payement du dividende, je préférerais du papier long.

Je soumettrai, dans la semaine, au Parlement, un projet de loi pour confier à la Banque le service de la trésorerie générale, et un autre pour établir une Banque en Sardaigne.

Bombrini deviendra Direttore Capo, ce sera un grand personnage. A Gènes, on criera un peu, à cause de la concentration à Turin, de la direction supérieure; mais, c'est là une conséquence nécessaire des nouvelles fonctions de la Banque.

Mille amitiés.

Camille de Cavour.

CCCLXIII.

27 avril 1853.

Mon cher ami,

Rothschild m'envoie du Londres, de Paris, à 24,87 ½, ¼ de commission, ce qui le fait revenir à peu près à 24,95, net de frais. C'est le prix que je vous offre et que je ne saurais dépasser. Je vous ai écrit par le télégraphe.

Tout à vous

Camille de Cavour.


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CCCLXIV.

21 mai 1853.

Mon cher ami,

Voyant que notre 5 p. % demeure stationnaire aux environs du pair, je serais tenté de faire un effort pour l'aider à franchir les colonnes d'Hercule. D'après des renseignements précis, puisés à des sources certaines, j'ai lieu de croire que les titres sont assez rares et que c'est la spéculation, plutôt que le besoin d'argent, qui tient la rente basse. On m'assure qu'en faisant acheter simultanément, à Gènes, Turin et Paris, une centaine de mille livres, on enlèverait la rente.

Avant de me décider à tenter, sous ma responsabilité, une opération aussi délicate, j'ai voulu vous consulter, et vous demander, en même temps, à quelles conditions votre maison se chargerait d'acheter des rentes pour le compte du trésor. Il ne s'agirait que d'opérations au comptant. Répondez-moi, poste courante, afin que, cas échéant, je puisse vous donner des ordres par le télégraphie de lundi.

Les actions de Savigliano font fureur. Les recettes dépassent les prévisions des plus sanguine. Pour peu que donnent les marchandises, on arrivera, probablement, dans le mois de juin, à 3000 francs par jour.

On a organisé une Société des courses. La souscription est de 100 francs. Vous devriez bien en être. On fera courir à Turin, Alexandrie et Mortare; vous voyez que les courses seront à la porte de Gènes. Le Roi y prend un vif intérêt. La politique va bien. L'Autriche se radoucit. Je ne doute pas que, d'une manière ou de l'autre, l'affaire du séquestre ne finisse par s'arranger.

Adieu, mille amitiés.

Camille de Cavour.

CCCLXV.

25 mai 1853.

Mon cher ami,

Je vous remercie des renseignements que votre lettre du 22 renferme. Quoique vous évaluiez à un chiffre plus élevé que je ne l'aurais calculé, la rente qu'il faudrait acheter pour la pousser à la hausse, j'aurais commencé à opérer, si les nouvelles d'Orient ne m'eussent pas effrayé.

Je ne crois pas, qu'en définitive, elles annoncent des complications sérieuses; mais elles sont assez graves pour effrayer les spéculateurs et agir sur les fonds.

La spéculation est à la baisse, dans ce sens qu'elle vend des rentes, pour acheter des actions. Savigliano continue à monter. Le mouvement continuera, ou s’arrêtera, suivant que le service des marchandises rendra plus où moins.

Suse monte, de son côte. Dans quelques jours, ce sera le tour de Novare. Le comptoir d'escompte, prêtant sur dépôt de titres, aide le mouvement.

Vous ne m'avez plus parlé de mes actions du ga2. Croyez-vous qu'il faille attendre après le dividende? La Société du gaz hydrogène est autorisée.

….....................................................................................

Adieu, mille amitiés.

Camille de Cavour.

CCCLXVI.

19 juin 1853.

Mon cher ami,

Je n'attends plus rien de Londres, si ce n'est des dessins du chemin de fer. Comme je ne suis pas pressé de les avoir interpelez Hambro, avant de m'envoyer la caisse que vous avez reçue.

Allez-y sûrement, avec le crédit mobilier. Les affaires d'Orient sont venues bien mal à propos. Si elles s'arrangent, la hausse sera énorme. La session va finir. Il en est temps, je n'en peux plus.

Adieu.

Camille de Cavour.

CCCLXVII.

24 juin 1853.

Mon cher ami,

Mon frère n'est d'aucune Compagnie de fonciers. Je crois celle de Bombrini la meilleure de toutes, mais je vous préviens que je donnerai la préférence à celle qui fera les conditions les plus favorables aux emprunteurs (1).

Si l'Orient se pacifie, nous irons loin, car le mouvement est donné; il ne s'agit plus que de le régler.

Que vous écrit-on de la récolte de Naples, de la Romagne et de l'Orient? Si le temps ne change pas, nous sommes bien menacés. Adieu.

Camille de Cavour.

(1) Mr Bombrini avait offert à Mr de la Rue d'entrer dans la fondation d'une Banque Foncière, de la création de laquelle il s'occupait alors. Avant d'accepter, Mr de la Rue désirait savoir s'il était vrai, comme le bruit en courait, que le frère du comte de Cavour s'occupait de la fondation d'une institution de ce genre, à Turin (Lettre de Mr De la Bue au comte de Cavour,22 juin 1853).

CCCLXVIII.

3 septembre 1853.

Mon cher ami,

Je reçois de Grènes, les notions les plus contradictoires sur le commerce des blés. Les uns m'annoncent une hausse effrayante, tandis que d'autres m'assurent que la baisse est certame à l'arrivée de la flotte des navires chargés de blé, qui est partie de la mer Noire. Je crois qu'il y a exagération des deux cótés. Les besoins étant réels, il est impossible que le blé tombe à bas prix. D'un autre coté, les besoins ayant été prévus en temps opportun, je pense que le commerce pourra y satisfaire, sans qu'il y ait disette nulle part.

Les marchands de blé, de Gènes, poussent à la suppression des droits. En mon particulier, je suis convaincu que cette mesure n'aurait d'autre effet que d'augmenter les bénéfices de ces messieurs, qui sont déjà énormes.

Je vous prie de me donner votre opinion sur les deux points que je viens d'indiquer: l'avenir du commerce des blés et les effets probables de la suppression des droits d'entrée (1).

Randell m'envoie les projets du Dock, qu'il nous avait promis pour le mois d’août. Je crains qu'en travaillant pour le gouvernement, il ne pense aussi à lui, en préparant une Société pour soumissionner l'entreprise dont il s'occupe.

(1) «En résumant les pour et les contre une suppression du droit d'entrée, j'opinerais, financièrement, pour non, et, politiquement, pour oui;car, d'un côté, l'État y perdrait environ un million (en 6 mois», mais, d'un autre coté, il enlèverait tout prétexte d'agitation et aurait fait,. administrativement, tout ce qu'il pouvait pour les prévenir». (Lettre de Mr de la Bile au comte de Cavour,5 septembre 1858).

Ce n'est pas que j'eusse du regret de voir Randell à la tète de la Compagnie qui exécutera les Docks de Gènes, mais je voudrais seulement que cette Compagnie cherchât à obtenir la concession, en posant cartes sur table.

Croyez, Mon cher ami, à mes sentiments dévoués.

Camille de Cavour.

CCCLXIX.

25 octobre 1853.

Mon cher ami,

Je vous remercie de votre bonne lettre. Je n'ai jamais douté de votre amitié, mais je suis toujours heureux d'en recevoir de nouvelles preuves.

L'attaque a été habilement dirigée (1). On espérait agir sur mes nerfs et sur l'opinion du Roi. On a échoué dans l'une et l'autre tentative. Toutefois, comme on a débité une foule de bruits calomnieux dans les masses, mes amis politiques et personnels ont presque exigé que j'intentasse un procès en diffamation, à La Maga (2), qui, dans le numéro ci-joint, m'accuse d'avoir acheté tout le blé que produit le Piémont.

(1) Les ennemis du comte de Cavour (parmi lesquels quelques journaux), faisaient, depuis longtemps, courir le bruit qu'il profitait de sa position pour accaparer et monopoliser, à son profit individuel, le commerce des blés. Le 18 octobre, une foule d'émeutiers, irrités de la chèreté du pain, chercha à envahir son palais, à Turin, et à y commettre des dégâts, que la gendarmerie parvint à prévenir (M. A. Castelli, Bicordi, p.32,33 et 34).

(2) La Maga, journal politique, avec caricatures, un des organes de l'opposition à Gènes. Le N° du 21 octobre 1853, après s'être longuement étendu sur les désordres survenus à Turin, le 18, à cause du prix élevé du pain, et avoir accusé le ministère de sucer le sang du peuple et de vouloir le faire mourir de faim, ajoutait, comme Ultime

Comme, ici, je n'agis pas comme ministre, mais seulement comme homme privé, je vous envoie ma requête, en vous priant de la faire présenter au Procureur du Roi par un procureur, que je vous laisse libre de choisir.

Je vous prie de donner au procureur, pour instruction, de ne pas réclamer qu'on procède par citatìon directe, afin de donner à La Maga le temps de réunir les preuves des faits calomnieux qu'elle m'impute.

J'ai chargé de la poursuite, les avocats Cassinis (1) et Tecchio (2). Ces messieurs voudraient que je leur adjoignisse un avocat génois, pour la forme. Ils me conseillent un certain Orsini (8). Donnez-moi un conseil à ce sujet.

Un de mes collègues de la Chambre, le député Cadorna (4), va partir pour le Hanovre, pour y chercher un ingénieur des mines, capable de transformer en or, les rochers du Mont-Rose. Il désirerait une lettre de recommandation pour ce pays.

Notizie di Torino: «L'irritazione dei Torinesi era al colmo per rumori corsi nei giorni precedenti, di speculazioni e raggiri poco onorevoli pel Presidente del Consiglio... Si attribuisce all'ostinazione del ministro e al suo spirito speculatore, l'attuale rincarimento del pane, e l'irritazione del popolo si rivolge tutta contro di lui. — Poco tempo innanzi, lo stesso ministro Cavour, in un villaggio, nelle vicinanze di Asti, dove si era recato a diporto, aveva corso rischio di essere accoppato du una mano di contadini avvedutisi che un di lui agente incettava tutte le granaglie del mercato. A stento gli riuscì di fuggire in vettura».

(1) L'avocat G. B. Cassinis. — Voir Lettre CC.

(2) L'avocat Sébastien Tecchio de Vicence, illustre jurisconsulte et ardent patriote, député au Parlement en 1848, ministre des travaux publics en 1849, président de la Chambre à la 8® législature, puis président de la Cour d'appel de Venise, sénateur en 1866, ministre de grâce et justice en 1867 (cabinet Rattazzi), président du Sénat en 1880.

(3) L'avocat Tito Orsini, actuellement sénateur du royaume et une des sommités du barreau de Gènes. La Maga choisit pour la défendre, les députés avocats Angelo Brofferio et Cesare Cabella de Gènes.

(4) Carlo Cadorna, député de Pallanza.

Voyez si vous m'en pouvez procurer une, par le successeur de Mr Pauli (1).

Le Cahier des charges du Dock est fini, ou à peu près. Si vous avez un moment de loisir, venez à Turin; je vous le communiquerai, ainsi que les dessins de Randell. Adieu, Mon cher ami, croyez à ma sincère amitié.

Camille de Cavour.

CCCLXX.

30 octobre 1853.

Mon cher ami,

Je reçois, avec plaisir, l'avis que le Prieur des procureurs (2) a eu le courage de présenter ma requête contre la Maga.

Veuillez prier, de ma part, Mr Orsini, de se joindre à Tecchio et Cassinis, pour défendre ma cause.

Je vous prie de vous arranger de manière à dîner avec moi, mardi, jour de la Toussaint.

J'attends Frère-Orban (8), mon ancien collègue de Belgique. Je vous ferai, à cette occasion, connaître Rattazzi, qui est, à mon avis, l'homme le plus capable de la Chambre.

A la hâte, mille amitiés.

Camille de Cavour.

(1)  Ancien consul de Hanovre, à Gènes. Son successeur était monsieur Georges De la Rue, cousin de Mr. Émile.

(2) Le procureur (avoué) Barthélemy Miroli, prieur du collège des procureurs de Gènes. «Mon substitut-procureur se serait chargé très volontiers, de présenter votre requète, si son principal n'avait eu peur de La Maga». (Lettre de Mr É, de la Rue au comte de Cavour,25 octobre 1858).

(3) L'ex-ministre belge, Frère-Orban, était tenu en haute estime par le comte de Cavour, dont il appréciait aussi vivement le sens politique et l'énergie. Ces deux hommes combattaient, en effet, chacun dans sa patrie, pour la même cause et devaient naturellement, s'entendre cordialement. (Il Conte di Cavour par Massari, pag. 96).

CCCLXXI.

15 novembre 1853.

Mon cher ami,

Je vous prie de dire à notre honnête procureur, qu'il m'adresse directement les communications qu'il recevra.

Les affaires d'Orient se compliquent (1); si jamais la guerre générale éclate, nous aurons une fameuse besogne sur les bras. J'espère encore, toutefois, que le moment de dégainer ne viendra pas de sitôt.

Je pense que votre beau-frère, en revenant de Londres, passera par Turin et viendra me voir.

Rothschild voudrait me juiver avec son Londres; dites-moi à quelles conditions vous vous engageriez à me fournir 30,000 livres sterlings, dans le courant de la semaine prochaine.

Mille amitiés.

Camille de Cavour.

(1) La guerre entre la Russie et la Turquie menaçait déjà de devenir, comme elle le devint en effet, une guerre entre la Russie et les deux principales puissances de l'Occident, et, dès cette époque, le comte de Cavour commença à s'occuper des moyens de rendre cet état de choses favorable à ses projets pour le Piémont. Le capitaine d'état major, Joseph Govone, fut envoyé sur le Danube pour y suivre les opérations militaires, il assista au siège de Silistrie et plus tard, à la fameuse charge de la cavalerie anglaise à Balaclava. Les rapports qu'il envoyait à son gouvernement étaient si bien conçus et rédigés, que l'empereur Napoléon III, voulut en prendre connaissance. Depuis 1848, les relations étaient rompues entre la Russie et le Piémont, en sorte que celui-ci pouvait se considérer comme tout à fait libre vis-à-vis d'elle, aussi, dès les premiers mois de 1854, Cavour avait déjà con§u l'idée d'associer un corps de troupes piémontaises à celles que la France et l'Angleterre envoyèrent en Orient, et de conquérir ainsi, en Europe, une position qui donnât le droit au Piémont de faire prévaloir sa politique. (Massari, Il Conte Cavour, p.101).

CCCLXXII.

2 décembre 1853.

Mon cher ami,

J'aurais besoin de 12,000 livres sterlings, le plus-tót possible; veuillez me dire à quel prix vous pourriez les fournir au trésor.

Adieu, mille amitiés.

Camille de Cavour.

PS. Grènes doit être fière du résultat de ses élections. Je lui en fais mon compliment (1).

(1) Les seuls faits fâcheux, ce sont les élections de Gênes. Non que les représentants nommés par les rouges de cette ville, soient des adversaires bien redoutables, mais, parce que leur nomination est un indice du mauvais esprit qui règne dans cette ville. Cet esprit mauvais n'est ni révolutionnaire, ni républicain. C'est, tout simplement, un esprit de municipalisme, étroit, mesquin et jaloux. Les Génois ont élu Cabella, Asproni, etc., non pas à cause de leurs opinions avancées, mais pour faire une niche aux Piémontais (N. Bianchi, Politique du comte de Cavour, p.22. Lettre du comte de Cavour au marquis E. d'Azeglio). — Les 7 députés élus à Gènes, étaient: Ricci, Casareto, Asproni, Catella, Polleri, Sauli et L. Pareto.

CCCLXXIII.

Turin, 11 janvier 1854.

Mon cher ami,

J'ai été charmé de voir votre beau-frère, et d'apprendre que vous persistiez dans votre projet d'exécuter le Dock. Malgré les difficultés financières, je suis persuadé que cette entreprise trouvera faveur à Gènes, auprès des capitalistes grands et petits. Son caractère éminemment municipal la fera goûter des Génois. D'ailleurs, l'entreprise n'a presque rien d'aléatoire; elle offre un placement aussi certain qu'un prêt hypothécaire.

La place est en grand désarroi. Les joueurs tombent les uns après les autres, comme des capucins de cartes. Je crois, toutefois, que le mal ne s'ótendra pas bien loin, et qu'aucune maison de commerce n'est sérieusement compromise. Les bruits qu'on a fait courir sur M. sont sans fondements.

Je vous prie de me dire si je puis disposer de votre maison pour payer le guano, qu'à la barbe de la Maga, je viens d'acheter de Balduino; il s'agit de 80,000 francs à peu près, que je vous rembouserai avant Pàques.

L'horizon politique est bien trouble, toutefois je suis loin encore de croire la guerre certaine.

Adieu, mille amitiés.

Camille de Cavour.

CCCLXXIV.

11 février 1854.

Mon cher ami,

Je suis charmé que la Maga ait appelé du jugement par défaut, qui Fa frappée (1). Ce débat, qui aura lieu à la fin du mois, sera une dernière fête que nous procurerons aux Génois.

Je crois, comme vous, que les blés ont atteint le point culminant et qu'ils vont descendre. C'est pour moi un grand soulagement; j'espère que les Génois ne répéteront pas les folies de 47, et que nous n'aurons pas des imitateurs de Custo (2) de triste mémoire.

J'aurais besoin de 10 à 12 mille livres sterlings, dans le mois. Pouvez-Vous me faire une offre avantageuse?

La position est critique, toutefois, je ne crois pas la guerre générale. La position que l'Autriche et la Prusse ont prise, est de nature à l'éviter. C'est un bien pour l'Europe, quoique cela ne soit pas sans danger pour nous.

Rien ne presse pour le Dock; nous en causerons à notre aise, pendant mon séjour à Gènes, avec vos associés.

Croyez à ma sincère amitié.

Camille de Cavour.

(1) Le 2 janvier 1854, le gérant de La Maga, Carpi, avait été condamné, en contumace, par la section correctionnelle du tribunal de 1re instance de Gênes, à 6 mois de prison et L.1000 d'amende, en vertu de l'art,il de la loi sur la presse.

(2) Alessandro Cnsto, négociant en grains.

CCCLXXV.

18 février 1854.

Mon cher ami,

Votre Londres est trop cher. J'ai écrit à Rothschild de m'en envoyer de Paris. J'ai écrit à Randell, et je lui enverrai les dessins qu'il me demande.

Les députés de Gènes mettent en avant le Dock du Mandraccio. Ils sont absurdes.

J'arriverai (1) demain au soir, avec mon neveu Àynard; je vais loger au palais, mais je ne sais où loger mon compagnon; soyez assez bon pour lui procurer une chambre dans un hôtel quelconque.

Si vous voyez Orso Serra, ou Cusani, veuillez leur dire que je les prie d'inviter Aynard à leur bai.

Ces maudites fêtes m'ont donné autant de mal et plus encore, que la question d'Orient. Pasqua (2), d'un côté, Ellena (8), de l'autre, paraissent jouer à qui fera le plus de sottises.

Au revoir, demain au soir, au débotté. Mille amitiés.

C. de Cavour.

(1) Pour la fête de l'inauguration du chemin de fer Turin-Gènes.

(2) Préfet du palais.

(3) Le syndic de Gènes, Domenico Ellena, député de Gènes, puis préfet et enfin sénateur.

CCCLXXVI.

(Gênes) 24 février 1854.

Mon cher ami,

J'ai formé dix fois, le projet d'aller vous serrer la main et vous exprimer la part que je prends au nouveau malheur qui vient de vous frapper (1). Mais, j'en ai toujours été empêché par une multitude d'affaires qui ne me laissent pas un instant de repos.

Je verrai volontiers vos collègues (2), demain matin (samedi), à 9 heures. Croyez à ma sincère amitié.

C. de Cavour.

CCCLXXVII.

3 mars 1854.

Mon cher ami,

J'avais appris, avec la plus vive satisfaction, que vous aviez été nommé régent de la Banque; maintenant, Bombrini m'écrit que vous ne voulez pas accepter, ce qui rn'afflige extrèmement. Je viens, en conséquence, vous prier de ne pas persister dans votre refus, et de prèter votre concours à un établissement qui, plus que jamais, a besoin d'être dirige par des personnes délicates et capables. Votre refus serait mal interprété, et ferait du tort, à l'étranger, où votre maison jouit d'une réputation séculaire.

J'espère que vous céderez à mes instances et que vous me donnerez, en acceptant la place de régent, une nouvelle preuve de votre vieille et bonne amitié.

Camille de Cavour.

(1) La mort de Madame Granet, belle-mère de Mr de la Rue.

(2) La Société pour la construction du Dock.

CCCLXXVIII.

5 mars 1854.

Mon cher ami,

J'apprécie les graves motifs qui vous inspirent une répugnance presqu'invincible, à accepter la place de régent.

Mais, permettez-moi de vous faire observer que, précisément, c'est parce que le Conseil a besoin d'être réformé, que je désire vivement, que vous en fassiez partie.

A la première élection, nous y infuserons du sang nouveau. D'ailleurs, vous pouvez être certain que votre action serait, dès à présent, secondée par le Conseil de Turin et, au besoin, par le ministère. Si les gens capables et honorés se refusent à entrer dans le conseil, comment parviendrons nous à le réformer? et, si nous ne le réformons pas, que deviendra la Banque?

C'est un véritable sacrifice pour vous que d'accepter le poste où la confiance des actionnaires vous appelle, mais, ce sacrifice, l’intérêt du pays et du commerce le réclame. Les temps deviennent difficiles, si les bons quittent le timon des affaires, que deviendrons-nous?

L'idée d'Hambro (1) n'est pas applicable, pour le moment. Je ne conçois rien à son silence, car je sais que mon paquet lui a été remis, il y a deux ou trois jours.

Adieu, mille amitiés.

Camille de Cavour.

(1) Les lettres de Mr de la Rue au comte de Cavour, en 1854, n'ayant pas été trouvées, il est impossible de dire quelle était cette idée de Mr Hambro.

CCCLXXIX.

14 mars 1854.

Mon cher ami,

Je viens de consacrer deux heures à la lecture des pièces relatives au Dock, que j'ai reçues de Londres et de Grènes. La question de la position à faire à l'ingénieur, si cet ingénieur est Randell, ne me parait pas devoir présenter la moindre difficulté. Pour mon compte, je serais prêt à signer l'article tei que Randell le propose. Je ne crois pas que Paleocapa ait, à cet égard, une autre opinion que moi.

Toutefois, comme il ne peut se prononcer, avant d'avoir lu les différentes lettres et rapports de Randell, je ne pourrai faire, à lui et à vous, une réponse officielle, si ce n'est dans quelques jours. Ce retard vient de ce que Paleocapa ne connaissant pas l'anglais, je dois faire traduire les pièces en question.

Je ne crois pas utile de faire démentir sur les journaux, le bruit que l'on a fait courir sur le cours forcé. Je préfère le démentir moi-même, à la Chambre, à l'occasion de l'emprunt.

Vous avez tout le temps de passer votre contrat pour le crédit foncier.

Croyez à ma sincère amitié.

C. Cavour.

Je vous enverrai la copie du rapport de Randell.

CCCLXXX.

5 avril 1854.

Mon cher ami,

Je vous prie de rassurer pleinement Hambro. Ce matin même, j'ai combiné avec Bombrini le moyen de faire, à Londres, les fonds pour le payement. Il n'est nullement en avance, il a accepté des traites d'Heine, pour tabac, qui n’échoient qu'au mois de mai.

Veuillez insinuer à Hambro, que, s'il craint d'accepter des traites pour le trésor sans être couvert, je pourrai fort bien me passer de lui. Rothschild, de Londres, ne demande pas mieux.

Croyez, Mon cher ami, à mes sentiments dévoués.

C. Cavour.

CCCLXXXI.

21 avril 1854.

Mon cher ami,

Vous serez, j'en suis certain, bien aise d'apprendre que la souscription (1) a réussi, malgré les prédictions des pessimistes. Il y a eu foule, soit à Turin, soit dans les provinces piémontaises. On compte un très petit nombre de gros preneurs, mais, la masse a suppléé à la qualité. Il a fallu envoyer de nouvelles déclarations dans plus de 10 chefs-lieux de provinces. Alexandrie, Novare, Casal et Verceil en ont fait une immense consommation.

(1) La souscription pour le nouvel emprunt de 85 millions.

Ce qui vient de se passer prouve qu'il y a un bien plus grand nombre de petits capitalistes, qu'on ne le croit généralement, et ensuite cela prouve aussi, que la classe moyenne a pleine confiance dans le gouvernement. Les deux premiers jours, Gènes avait été bien tiède. Les souscriptions reçues à la Banque, étaient inférieures à celles reçues à Verceil ! ! ! — Mais, hier, Gènes a réparé ses torts.

J'ai reçu une lettre particulière d'Hambro, qui répare un peu celle de sa maison. Je lui réponds amicalement. Il m'en coûte de me brouiller avec lui, car, au fond, je le crois assez bonhomme.

J'ai demandé à Rothschild 70,000 livres sterlings, pour le semestre. J'ai besoin encore de 10,000 livres sterlings. Pouvez-vous me les envoyer, de suite, et à quelles conditions?

Ce qui vaut mieux encore que la souscription, c'est la pluie, qui tombe, en petite quantité, il est vrai, mais sans discontinuer, depuis hier au soir. Si elle continue pendant vingt-quatre heures, les récoltes sont assurées. C'est un grand soulagement. Car, à vrai dire, j'envisageais avec terreur, la perspective d'une mauvaise récolte. Vous verrez que la confiance va renaìtre et que tout haussera.

Les Codini sont furieux; ils avaient prédit que l'emprunt ne se ferait pas, et que la sécheresse durerait jusqu'à la Saint-Jean.

Adieu, mille amitiés.

C. Cavour.

CCCLXXXII.

27 avril 1854.

Mon cher ami,

J'attends votre Londres, que je vous ferai payer sans délais. Donnez-le-moi le meilleur marché possible.

J'ai envoyé hier 70,000 livres sterlings à Hambro. J'ai besoin de lui remettre encore 20,000 livres, d'ici au 15 mai.

Vous pouvez compter sur cette somme, à me fournir peu h peu.

J'ai retiré le crédit ouvert aux chemins de fer. Rothschild a été enchanté de se charger de nos affaires.

La politique ne se débrouille guère. Heureusement, la pluie est venue à temps, nous préserver de calamités pires que celles que pouvaient nous causer des boulets.

Mille amitiés.

Camille de Cavour.

CCCLXXXIII.

3 mai 1854.

Mon cher ami,

Grâce à vos 20,000 livres sterl. et aux 70,000 de Rothschild, le bon homme Hambro sera rassuré. Pour vous prouver combien ses exigences étaient absurdes, je me bornerai à vous dire qu'il vient de m'envoyer le compte du semestre à décembre 1853, d'après lequel il résulte n'avoir payé que 62,000 livres sterlings. Je n'ai pas voulu me brouiller avec lui, car cela aurait fait du tort à notre crédit à la Bourse de Londres.

J'ai reçu hier, les dernières notes de souscriptions pròvenant de la Sardaigne. Le résultat définitif est: 6100 souscriptions pour 1,503,000 rentes. Là dessus il a été décidé que les souscripteurs des 8 premiers jours recevraient leurs rentes tout entières, ce qui emporte 1,120,000, et que les souscripteurs des 2 derniers jours recevraient tous 50 livres de rentes; ce qui m'oblige à prendre de 30 à 40 mille livres sur les rentes laissées à Rothschild.

La rente monte à Paris, sans que je comprenne trop pourquoi.

Adieu, mille amitiés.

Camille de Cavour.

CCCLXXXIV.

14 mai 1854.

Mon cher ami,

Je vous autorise à payer les 1250 L. que Madame Bebizzo réclame de mon patriotisme.

Il fait un temps admirable, si nous étions en meilleure odeur dans les sacristies, on dirait que la Providence est décidément pour le Statut.

Je vous quitte.................................

Camille de Cavour.


vai su


CCCLXXXV.

21 juin 1854.

Mon cher ami,

Les intentions du gouvernement, par rapport au Dock, ne sont nullement altérées. Il compte, comme je vous l'ai répóté plusieurs fois, présenter, aux débuts de la session prochaine, un projet de loi pour être autorisé à vendre la darse et à transporter l'arsenal à la Spezia.

C'est-ce que j'ai répondu au bon Giorgio, toutes les fois qu'il m'a interrogé à cet égard. Il m'a demandé si je l'autorisais à faire connaître cette réponse. Je lui ai dit que nous n'avions aucun secret, et que, par conséquent, il pouvait donner à nos intentions la plus grande publicité.

Je m'en vais faire écrire à Ricci, pour qu'il finisse le travail que Randell lui a demandé.

Sarti a présenté un nouveau projet, mais il faudrait 60 millions pour l'exécuter.

Il fait un temps des plus vexants. Il pleut presque tous les jours. Cela retarde la récolte, qui est magnifique, et nous laisse sans blé. Croyez à mes sentiments affectueux.

C. Cavour.

CCCLXXXVI.

16 août 1854.

Mon cher ami,

J'ai reçu votre lettre du 14, et j'ai pris note des 25 livres sterlings qu'Hambro a payées pour mon compte, et dont vous m'avez débité en L.510.

Si vous avez du Londres, ou si vous pouvez vous en procurer, je serais dans le cas d'en prendre. Je veux en ramasser, dès à présent, pour ne pas laisser dans l'inquiétude ce bonhomme de Hambro......................................................

Le choléra ne se développe pas à Turin, quoiqu'on signale quelques cas isolés. Ce fléau dérange furieusement tous mes calculs.

Adieu.

Votre dévoué

C. Cavour.

CCCLXXXVII.

19 août 1854.

Mon cher ami,

Votre Londres est trop cher. J'en ai pris ici, à 24.80. Je consentirais bien, à vous payer 5 cent, de plus, mais 15, c'est trop. J'espère que la sécurité renaissant, le papier reparaîtra, et que je pourrai obtenir de meilleures conditions.

Le choléra n'augmente pas à Turin, il se borne a faire quelques victimes çà et là. La manufacture de tabac, du Pare, est la seule localité qu'on puisse dire un peu maltraitée.

L'affaire des religieuses (1) a mis en émoi toutes les béates et les cagots. Édouard Lamarmora (2) renvoie de chez lui le ministre, son frère, pour mettre dans son appartement les capucines.

Cela amuse singulièrement le public.

Adieu.

Votre dévoué

Camille de Cavour.

CCCLXXXVIII.

Leri, 26 septembre 1854.

Mon cher ami,

Je suis venu passer à Leri mes vacances, loin de la politique et des affaires. Ce repos d'esprit m'a tout à fait réussi, et je me sens retrempé et prêt à reprendre avec courage le lourd fardeau du ministère.

Le choléra m'a poursuivi, sans m'atteindre. Les environs de Leri sont infectés, mais, chose étrange, jamais les rizières n'on été aussi salubres que cette année.

Un de mes amis m'ayant prié de lui prêter, sur le champ,.10,000 livres, que je n'ai pas sous la main, vous m'obligerez beaucoup, en envoyant, avant samedi, cette somme à Tosco. Je vous la rendrai bientôt, car la récolte du riz est fort belle, et se vendra fort bien.

Les prix se soutiennent d'une façon désespérante. On a fait beaucoup de blé, on récolte du mais et des châtaignes en abondance, et, malgré cela, tout est terriblement cher, c'est désespérant.

J'espère que cela ne durera pas. Adieu, mille amitiés.

C. Cavour.

(1) La suppression des ordres monastiques.

(2) Ancien maître des cérémonies (bacchetta nera) de Charles-Albert.

CCCLXXXIX.

Turin, 1er octobre 1854.

Mon cher ami,

Me voici de retour, à mon poste, attelé de nouveau au char de l'État, qu'il faut traîner sur une route remplie d'ornières et bordée de précipices. La hausse du prix du blé et des autres céréales commence à me préoccuper extrêmement. Malheureusement, ce mouvement est général. Malgré les excellentes récoltes de blé et de riz, et les récoltes passables de mais et de châtaignes, nous sommes encore forcés de recourir aux céréales étrangères, pour satisfaire à tous nos besoins. Le Piémont ne peut pas nourrir à lui seul, la Ligurie. Il s'en suit que nos prix se règlent sur ceux de l'étranger. Il importe, par conséquent, de connaître l'état des marchés des autres pays. Vous me rendriez un véritable service, en recueillant, par le moyen de vos nombreux correspondants, des données à cet égard. Interrogez aussi, je vous prie, les plus honnêtes granatini de Gènes. Je vois qu'ils tirent quelques chargements d'Algérie et de l'Espagne, mais, jusqu'à présent, c'est peu de chose, en comparaison des besoins de Gènes et des autres provinces du littoral.

…...................................................................................

….....................................................................................

Adieu, mille amitiés.

C. Cavour.

CCCXC.

2 octobre 1854.

Mon cher ami,

Veuillez me faire savoir à quelles conditions vous vous engageriez à me fournir, d'ici au 15 octobre,20,000 livres sterlings.

C. Cavour.

CCCXCI.

10 octobre 1854.

Mon cher ami,

Je suis désolé d'un qui prò quo, commis par un copiste du ministre. Accoutumé à expédier à l'Intendance de Turin, l'ordre de payement des traités sur Londres, il n'a pas fait attention que le papier que vous me remettiez, devait être payé à Gènes. S'il s'était agi de sommes plus considérables, j'aurais transmis, hier, par le télégraphe, l'ordre de vous payer, à l'intendant.

Je tacherai d’empêcher que pareilles bévues se répètent.

Je vous remercie des intéressantes notions sur les blés, que vous me mandez. J'espère que la hausse s’arrêtera. Depuis hier, le temps est à la pluie, ce qui permettra de faire de magnifiques semailles.

Adieu, mille amitiés.

C. Cavour.

Mon cuisinier, atteint par le choléra, est mourant.

CCCXCII.

24 octobre 1854.

Mon cher ami,

Merci des renseignements sur la question des céréales, que vous avez bien voulu me fournir; je les ai trouvés du plus haut intérêt. En général, vos correspondants paraissent fort bien renseignés; les faits qu'ils énoncent, concordent entr'eux; ils diffèrent, néanmoins, beaucoup, dans leurs conjectures. Cela ne m'étonne pas, car le prix des blés dépend autant des besoins réels que de l'opinion, et l'opinion ne peut se prévoir.

Je vois, avec plaisir, arriver à Grènes, quelques cargaisons. Je pense qu'ils ne nous faut pas une très grande quantité de blés, pour satisfaire à nos besoins. La récolte a été meilleure qu'on ne le dit, et les semailles viennent de s'achever dans les circonstances les plus favorables.

J'ai réfléchi à ce que vous m'avez répété, à plusieurs reprises, sur l'opportunité de fournir aux porteurs d'Hambro le moyen de se procurer des titres nominatifs, pour éviter des pertes analogues à celles que Rorà vient de subir. Je serais assez disposé à faire quelque chose. Si vous avez un pian à me suggérer, je vous en serai reconnaissant.

Je ne vous parie pas politique, car je ne saurais que vous dire. Sébastopol nous tient le bec dans l'eau.

Adieu, mille amitiés.

C. Cavour.

CCCXCIII.

Turin, 10 novembre 1834.

Mon cher ami,

Vous pouvez répondre à Mr Levai, que le ministère n'a, ni le pouvoir, ni le désir d’empêcher la distillation des orges, des seigles, et autres céréales, ni de s'opposer à ce que l'on exporte les alcools, qui en résulteront.

Le ministère croit que le seul remède à la cherté des céréales soit la liberté de commerce; et il est à peu près certain que la majorité des membres du Parlement partagent cette opinion.

La seconde question que vous adresse Mr Levat, est plus délicate. L'administration admet le principe des drawback, mais elle en subordonne l'application à la possibilité de prévenir la fraude. Je ne sais pas si cela sera possible pour le produit de la distillation des mélasses, car, comment distinguer l'alcool qu'on en retire, de celui produit par la distillation des céréales, de l'asphodèle, etc.? Quoiqu'il en soit, vous pouvez dire à Mr Levat que, s'il me propose un moyen facile pour garantir l'administration contre la fraude, il obtiendra la restitution des droits. Vous lui observerez, d'ailleurs, que les mélasses ne sont soumises qu'a un droit assez faible: 6 francs les 100 kil. Dites à Mr Levat, que je viens de signer un décret pour autoriser l'établissement d'une Banque de dépôt, d'escompte et de circulation en Sardaigne, destinée à rendre de grands services à l'industrie et au commerce de cette île. Que, par conséquent, la compagnie des salines est intéressée à sa réussite; ce qui me fait désirer qu'elle prenne part à la souscription des actions qui va s'ouvrir dans les principales villes de la Sardaigne.

On exagère beaucoup les besoins des finances. Si j'avais pu réaliser toutes les ressources portées au budget, les actions de Suse et de Novare, les terrains de la citadèle de Turin, etc.;

s'il n'y avait pas des lenteurs et des retards dans le payement des impôts, je crois qu'on pourrait nouer les deux bouts de 1855, sans emprunt, malgré les sacrifices que le choléra, la guerre et la disette nous imposent.

Dans les circonstances actuelles, quelques millions seront nécessaires, mais en quantité beaucoup moindre de ce que vous me mandez.

Croyez à ma sincère amitié.

Camille de Cavour.

PS. Pouvez-vous me dire ce qu'il faudrait payer pour envoyer charger une cargaison complète de farines, à la Nouvelle-Orléans?

CCCXCIV.

17 novembre 1854.

Mon cher ami,

N'observant pas toujours, comme je devrais le faire, les préceptes de notre sainte Mère l'Église, je suis heureux de trouver une occasion de pratiquer, dans toute son étendue, un des préceptes qui nous est le plus recommandé par l’évangile: le pardon des injures.

Mon ami (!!) Carpi, l'ex-gérant de La Maga, m'écrit qu'il est réduit à la misère et abandonné par les gueux qui se sont servis de lui comme d'un instrument aveugle de leurs iniquités. H me demande un emploi. Vous comprenez que je ne saurais le lui accorder; car il serait trop plaisant que la gérance de La Maga fût le chemin des places et des faveurs du gouvernement. Mais, en vue de sa femme et de ses enfants, je ne puis donner qu'une petite aumône; je vous prie, en conséquence, de remettre à Carpi, de ma part, s'il se présente à vous, 40 francs.

La politique s'embrouille furieusement. Je persiste, toutefois, à espérer dans l'avenir. L'hiver sera rude pour tout le monde, mais surtout pour le ministère. J'ai écrit à Heine (1), l'ami d'Hambro, de nous acheter 10,000 barils de farine, pour assurer le service des vivres de l'armée, pendant le printemps.

Du reste, je ne consentirai à aucune mesure qui puisse gêner en rien les principes de liberté commerciale que j'ai soutenus toute ma vie. Dites-le bien haut, afin que les négociants en blé puissent, en toute sureté, se livrer à leurs spéculations, qui seules peuvent nous préserver de la famine.

Croyez, Mon cher ami, à mes sentiments dévoués.

Camille de Cavour.

CCCXCV.

1 décembre 1854.

Mon cher ami,

Pelletta craint qu'un navire de la portée du Des Geneys (2), n'ait de la difficulté à passer la barre du Missisipi; en effet, jusqu'à présent, il n'est arrivé à Gênes, de la Nouvelle-Orléans, que des navires de 5 à 600 tonneaux. Ne voulant pas courir le risque de faire faire à notre vaisseau un voyage inutile, j'écris à Heine de m'expédier les farines qu'il doit acheter, par des bâtiments marchands.

(1) Commerçant, à la Nouvelle-Orléans.

(2) Le Des Geneys, frégate de la flotte sarde, armée de 50 canons construite à Gènes en 1827, portant d'abord le nom de Haute-Combe, qu'elle changea en 1839, contre celui de l'amiral sarde Des Geneys. (Randaccio, Storia della marineria italiana, pag. 83 et 37).

Mais, pour utiliser le Des Geneys, j'ai pensé de l'envoyer charger h New-York. Nous payerons, sur cette place, les farines un peu plus cher, mais peu importe le prix; l'essentiel est de n'en pas manquer.

Je viens, en conséquence, vous prier de me dire si vous pouvez m'indiquer une maison de toute confiance, à NewYork, que je puisse charger de l'achat de six à huit mille barils de farine. Dans le cas affirmatif, vous m'obligeriez en m'envoyant une lettre pour cette maison, que j'unirais à celle que je lui adresserai, en lui donnant un ordre positif d'achat.

Si vous n'avez aucune maison qui vous inspire pleine confiance, alors j'écrirai à Hambro, en lui laissant le soin de cette affaire.

Veuillez, je vous prie, me répondre par le retour du courrier.

Vous aurez lu notre loi sur les moines et les établissements ecclésiastiques (1). Je pense qu'elle sera blâmée également par les deux partis extrêmes.

Adieu.

Votre dévoué

Camille de Cavour.

(1) Le 28 novembre, le garde des sceaux, Urbain Rattazzi, avait présenté au Parlement le projet de loi pour l'abolition des Ordres Monastiques et des Communautés religieuses.

CCCXCVI.

19 décembre 1854.

Mon cher ami,

Je vous prie de m'envoyer, si vous les avez en portefeuille, de 10 à 15 mille francs sur Paris, à un ou deux mois de date.

Dans quelques jours, je. vous enverrai la situation du trésor, vous verrez que notre position n'est pas désespérée.

Je vois avec plaisir, qu'on continue à importer des blés à Gènes. Aussi les prix sont plus faibles. Dieu veuille que la hausse ne reprenne pas, car les prêtres me rendent responsable des hauts prix des céréales.

Adieu, mille amitiés.

Camille de Cavour.

À quelles conditions pouvez-vous remettre aux finances 5000 livres sterlings?

CCCXCVII.

Turin, 22 décembre 1854.

Mon cher ami,

Je vous remercie du Lyon, qui me va tout-à-fait.

Votre Londres est trop cher. lei, je l'obtiens à 90, ou 92 7, au plus. Je veux bien vous le payer 95, mais je ne puis aller au delà.

Comme j'ai constamment besoin de cette devise, veuillez, toutes les fois que vous en aurez en portefeuille, me le faire savoir.

En attendant la discussion des couvents, qui sera passablement animée (1), nous sommes embourbés dans une lutte scientifique, et la Chambre est transformée en une espèce d'Académie mathématique (2). Cela n'est pas amusant, mais cela fait honneur à notre sang-froid.

J'ai écrit à Iselin (3). Remerciez Hypte de sa recommandation.

Les Genevois devraient, eux aussi, faire venir des farines d'Amérique, car ils pourraient bien se trouver dans l'embarras ce printemps, ce qui aurait de fâcheuses conséquences en Savoie.

Dites-moi si Rochette (4) était marié.

Adieu, mille amitiés.

Camille de Cavour.

CCCXCYIII.

16 janvier 1855.

Mon cher ami,

Les journaux vous auront appris, qu'après de longues discussions, le gouvernement du Eoi s'est décidé à signer un traité d'alliance offensive et défensive avec la France et l'Angleterre (5). Partisan décidé de cette grave mesure, que mon

(1) La discussion commença le 9 janvier 1855.

(2) Il s'agissait de la nouvelle loi pour régulariser le cadastre, et de la méthode à suivre pour rendre ses résultats mathématiquement exacts.

(3) Mrss A. Iselin et C. a New-York, chargés d'acheter et d'expédier des farines au gouvernement sarde.

(4) Officier de marine, commandant du Port de Gènes, mort du choléra à Gènes, avec sa femme, en 1855.

(5) Le traité d'alliance du Piémont avec la France et 1Angleterre fut signé le 10 janvier 1855. Il semblerait que déjà au mois de janvier 1854, le comte de Cavour aurait eu l'idée de cette alliance et en aurait parlé au Roi, à qui elle souriait aussi.

 collègue Dabormida (1) n'approuvait pas, j'ai du un assumer toute la responsabilité, en prenant le portefeuille des affaires étrangères. Je ne me dissimule pas les conséquences que cette mesure peut avoir, mais, à mon avis, nous n'avions que le choix des inconvénients.

L’Angleterre nous prête 1,000,000 de livres sterlings,

Le 10 avril 1855, était signée à Londres, la convention entre la France et l'Angleterre, et, peu de jours après, le ministre d'Angleterre à Turin, sir James Hudson, engageait officieusement le gouvernement sarde à prendre part à la guerre. La position que prendrait l'Autriche était un point essentiel, dont le cabinet sarde devait tenir compte et ce ne fut que lorsqu'elle se fut décidée (2 décembre) à entrer dans l'alliance, que celui-ci (4 décembre) répondit affirmativement à la demande officielle de la France et de l'Angleterre, à condition: 1° Que le Piémont prendrait part aux négociations pour la paix; 2° Qu'on prendrait en considération l'état de l'Italie, une fois la paix signée, et 3° que la France et l'Angleterre interposeraient leurs bons offices pour que l'Autriche enlevât le séquestre sur les biens des émigrés lombardo-vénitiens, naturalisés piémontais. Cette dernière condition étant considérée par les plénipotentiaires comme une question intérieure dans laquelle ils ne pouvaient intervenir officiellement, fut supprimée et les autres furent plutôt sous-entendues que clairement formulées, en sorte que Kossuth avait raison de dire que au fond, le Piémont avait du concime, sans conditions ni garanties, son alliance avec les Puissances occidentales r. Mais audaces fortuna juvat, et l'avenir donna raison à l'audace de Cavour, dans cette circonstance, comme dans bien d'autres.

(1) Le chevalier Giuseppe Dabormida, alors ministre des affaires étrangères (du 24 mai 1852 au 10 janvier 1855), né en 1799, mort. en 1865, major-général dans l'armée sarde, député du Collège d'Avigliana à la 1re législature, ministre de la guerre et de la marine (cabinets Alfieri et Perrone) en 1848, ministre des affaires étrangères en 1852 (2° cabinet d'Azeglio), donna sa démission parce que le traité conclu par le Piémont avec la France et l'Angleterre, ne contenait (comme nous l'avons dit, note 5), aucun article qui défendit les droits des émigrés Lombards, dont l'Autriche avait confisqué les biens. Il fut de nouveau ministre des affaires étrangères en 1859 (1er cabinet Lamarmora). Il avait été, avec Boncompagni, un des plénipotentiaires du Piémont pour le traité de paix avec l'Autriche, en 1849 (Voir lettre CCIX).

À 3 1/3 et, si la guerre se prolonge plus d'une année, une seconde somme d'égale valeur.

Maintenant il faut songer à se procurer des fonds à Constantinople. Veuillez me dire quel serait, à votre avis, le moyen le plus économique pour le faire.

Je suppose qu'à Gènes on est contraire au traité. J'en suis bien aise, car l'expérience du passé me porte à ne reconnaître comme bonne une mesure, qu'autant que les Génois la combattent.

J'irai assister à l'embarquement des troupes.

Vous m'obligerez beaucoup, en m'envoyant 15,000 francs sur Paris.

Adieu, à la hâte, mille amitiés.

Camille de Cavour.

CCCXCIX.

29 janvier 1855.

Mon cher ami,

Le traité avec les puissances occidentales, me procure autant de livres sterlings que j'en ai besoin et même plus. J'ai, par conséquent, cessé de faire des remises à Londres. Je ne dois rien à Hambro, au contraire, j'ai quelques fonds chez lui. Et, quant à Rothschild, il faut lui rendre cette justice qu'il ne demande jamais de l'argent. C'est son meilleur côté.

La discussion du traité aura lieu vendredi; j'espère que la Chambre le voterà samedi. Je compte sur une majorité de 30 voix. Les centres le votent en masse, ainsi que plusieurs membres de la gauche, même la plus avancée. La droite seule le combat à outrance (1).

(1) La discussion commença le 8 février, et, après de vifs débats, la loi fut votée le 10. Sur 161 votants, elle obtint 101 votes favorables au traité d'alliance, contre 60 contraires et 1 abstention (Menabrea).

Je désirerais connaître l'opinion d'Hambro sur notre traité. Faitez-moi l'amitié de la lui demander.

Le passage des Français ne me paraît pas avoir donne lieu à des inconvénients. C'est un souci de moins. Adieu.

Votre dévoué

Camille de Cavour.

Dites-moi s'il n'y a plus rien à espérer du gaz.

CCCC.

Turin, 3 juin 1855.

Mon cher ami,

Je vous remercie de la part que vous avez prise à l'heureuse solution de l'affaire des couvents. J'espère que vous approuvez la reconstitution du ministère (1).

(1) Le ministère s'était reconstitué comme suit, le 4 mai 1855: Cavour, présidence — Rattazzi, intérieur — Cibrario, affaires étrangères — De Foresta, grâce et justice — Lanza, instruction publique — Cavour, finances — Durando, guerre et marine — Paleocapa, travaux publics. L'ancien ministère s'était démis, parce que Monseigneur de Calabiana, sénateur du royaume, avait, dans la séance du 26 avril, offert au gouvernement la somme de L.928,412 au nom de l'épiscopat sarde, pour les Congrue o Supplemento di congrue (honoraires du clergé) supprimées dans le budget de 1855, à condition que le gouvernement retirât la loi sur les couvents, et que le Roi penchait pour accepter cette offre. La démission fut acceptée par le Roi, malgré les conseils de d'Azeglio. Le ministère ne put être reconstitué sur de» bases solides, qu'après la promulgation de la loi votée le 2 mars par la Chambre et le 3 par le Sénat, sur les couvents. «Rattazzi et moi, nous succombions sous le poids excessif du fardeau que nous portions depuis 6 mois». (Lettre du comte de Cavour au général A. Lamarmora,31 mai 1855).

Délivré des affaires étrangères, sans cesser toutefois de diriger l'ensemble de la politique, je pourrai, sans m'éreinter tout à fait, consacrer toutes mes forces aux affaires financières, qui, en définitive, sont les plus importantes.

Vous avez vu par ma réponse à Revel, que je ne songe pas à faire un emprunt, pour le moment. Toutefois, si la guerre se prolonge, si on continue à la faire en Crimée, où tout coûte énormément; si la récolte est mauvaise; si la maladie du raisin se renouvelle; si, enfin, tous les éléments conjurent contre nous, il est bien possible que nous soyons forcés, cet automne, de recourir encore à un emprunt.

Dans ce cas, soyez certain que je tiendrai grand compte des offres du bon Hambro, vis-à-vis de qui, je n'ai nullement gardé rancune. Vous voyez que je me suis constamment servi de lui pour nos affaires en Amérique. J'ai donné à Iselin rembours sur lui, ainsi cela lui prouve que je le traite aussi bien que Rothschild.

Il a raison de blâmer, après coup, mon emprunt trois pour cent. Mais il oublie qu'il a été fait à une époque, où personne ne songeait à la guerre; à laquelle Mr Gladstone voulait réduire l’intérêt des consolidés, et où il était convenable de préparer, chez nous, le terrain pour la conversion de notre cinq pour cent.

Quant au revenu de nos chemins de fer, je crois qu'on peut calculer, une fois la ligne d'Àrone ouverte, ce qui aura lieu dimanche prochain, sur un revenu brut de 11,000,000 et un net de 5,800,000; le revenu augmentera, j'en suis certain, soit par la force même des choses, soit par l'ouverture du chemin de fer de la Savoie et des chemins de fer suisses. Au bout de trois ans, nous aurons une recette de 15,000,000, soyez en certain. Cela étant, nous aurions de la marge pour garantir une nouvelle émission de l'emprunt Hambro.

Je pense qu'Hambro est abonné à la Gazette piémontaise, qui donne chaque mois le tableau détaillé du produit des chemins de fer.

S'il ne recevait pas ce journal, vous devriez lui envoyer, au moins, les numéros qui contiennent des données statistiques intéressantes, soit sur les chemins de fer, soit sur d'autres branches des revenus publics. Je recevrai Dellepiane (1), lorsqu'il se présentera. Si vous avez des nouvelles de Crimée, communiquez les-moi, je vous en prie.

Votre dévoué

C. Cavour.

CCCCI.

15 juin 1855.

Mon cher ami,

Une course à Leri m'a empêché de répondre à votre lettre du 5 courant.

A mon retour, j'ai donné l'ordre qu'on fit une copie du dessin de la machine pour la meule verticale (2). Dès qu'il sera fait, je vous l'enverrai.

Je verrai avec plaisir votre ami Mr Gordon (3). Dieu veuille qu'il nous apporte de meilleures nouvelles du choléra, qui sévit cruellement parmi nos soldats.

Après demain, aura lieu l'inauguration du chemin de fer jusqu'à Arona. Il y aura, je pense, de belles fêtes, vous devriez y venir. C'est un résultat important pour le pays.

Les récoltes s'étaient énormément améliorées par suite du beau temps, mais, voici bientôt cinq jours qu'il pleut de rechef, ce qui risque de les compromettre.

Adieu, mille amitiés.

C. Cavour.

(1) Mr Dellepiane, courtier en blés à Gênes.

(2) Une meule verticale pour le riz, pour laquelle Mess. Eisen et van Linden d'Anvers, avaient pris un brevet en Piémont.

(3) Sir Henry Gordon, capitaine anglais, frère du général Charles Gordon.

CCCCII.

Turin, 27 juillet 1855.

Messieurs De la Bue et C., Gènes,

En réponse à la lettre que vous m'avez adressée pour me proposer la vente de deux bateaux à vapeur, je me borne à vous faire savoir que, puisque ces bateaux sont en Angleterre, leurs propriétaires peuvent s'adresser à Mr le capitaine Ricci, qui se trouve dans ce pays, avec les pleins pouvoirs du ministre de la marine (1).

Je vous serai reconnaissant de vendre mes actions du gaz, en même temps que les vôtres.

Recevez mes compliments empressés.

C. Cavour.

CCCCIII.

Turin, 27 juillet 1855.

Mon cher ami,

Je vous remercie des deux lettres très intéressantes que vous m'avez écrites le 17 et le 20 de ce mois, ainsi que de ce que vous avez fait à l'égard du chemin de fer Victor Emmanuel (1).

(1) Le gouvernement sarde acheta alors, en Angleterre, trois vapeurs de la marine marchande, qu'il appela Dora, Tanaro et Varo, et il en lona deux de la compagnie Rubattino, le Lombardo et la Sardegna (Ràndàccio, Le Marinerie militari italiane, pag. 163).

Puisque vous voulez bien continuer cette négociation, je vous serai fort obligé de vous rendre à l'Assemblée générale qui aura lieu à Chambéry. Vis-à-vis des Savoyards,. vous aurez soin de ne pas laisser soupçonner que le gouvernement veuille céder sur la question de Culoz. Il faut que l'initiative de la concession Vienne de la Société, et qu'elle soit appuyée par les Savoyards, et spécialement par ceux de Chambéry.

A Odier même, vous ne parlerez que comme si vous vous étiez formé une opinion d'après ce que vous m'avez entendu dire.

Quant au fond, je crois indispensable la fusion des deux compagnies, et, ensuite, la concession immédiate de la jonction à Culoz, avec l'assurance que le gouvernement français concédera Saint-Grénis dans un temps donné, ou dans de certaines circonstances.

Il faut agir avec la plus grande prudence, car Paleocapa tient beaucoup plus que moi, à Saint-Grenis, et ce ne sera pas sans peine que je pourrai l'amener à accepter une transaction.

Lafitte, à ce qu'on m'assure, est hostile au projet de fusion, par rivalité avec Bartholony; tenez-vous envers lui sur la plus grande réserve.

Croyez, Mon cher ami, à mes sentiments dévoués.

C. de Cavour.

(1) Mr de la Rue avait été chargé par le comte de Cavour, de voir,. à Paris les directeurs du Chemin de fer de la Savoie et de tâcher de les amener à s'engager à construire la ligne Saint-Genix-Lyon, pour satisfaire le vœu de la Savoie, et à fusionner avec la Compagnie Bartholony.


vai su


CCCCIV.

24 août 1855.

Mon cher ami,

Je vais tâcher de faire recueillir les documents relatifs à nos chemins de fer, que Hambro vous a demandes (1).

Si l'occasion se présente de faire un emprunt à l'étranger, je serai charmé de recevoir les offres d'Hambro, auquel je suis resté très attaché, malgré ses petites manies. Vous pouvez lui en donner l'assurance formelle.

Ce que vous me dites de la demande de crédit que le chemin de fer de Cuneo a faite à Hambro, m'étonne fort, car ce chemin étant administré par Bolmida, ne devrait pas être embarrassé pour se procurer des fonds, s'il en avait besoin. En effet, Bolmida a encaissé ces jours,2,000,000 pour compte de Rothschild, avec ordre de lui envoyer du Turin long. Quoiqu'il en soit, Hambro peut faire crédit à Cuneo, non seulement de 10 mille, mais de 100 mille livres sterlings, car ce chemin donne de très beaux produits, qui augmenteront encore dans de très fortes proportions. Les. actionnaires retireront, cette année, le 7 p. °/0 pour le moins, et je ne serais pas étonné que, dans deux ans, ils retirassent le 10 p. %.

Quant à M...., c'est un honnête et gentil garçon, qui, après avoir gagné beaucoup d'argent, s'est trop engoué de la ligne de Coni, dont il était directeur, et s'est, en conséquence, forcé les poches d'actions de cette ligne, au delà de ce que ses moyens lui auraient du conseiller de faire,

Malgré la baisse des actions, il est encore sur le bon; si elles remontent, comme il le pense, il sera riche, si elles restent au cours actuel, il sera pelé.

(1) Mr Hambro parait disposé à vous proposer de faire un second emprunt sur hypothèque des chemins de fer (Lettre de Mr de la Bile au comte de Cavour,21 août 1855).

Mais, même dans cette hypothèse, il mériterait un certain crédit, vu qu'il travaille maintenant, avec beaucoup de prudence. Cette année d'ailleurs, comme tous les marchands de soie, il doit gagner de l'argent.

Adieu, écrivez-moi de Paris.

Votre dévoué

C. de Cavour.

Vous trouverez Bolmida à Paris, il vous mettra à part de ses projets de crédit mobilier.

CCCCV.

Turin, 16 octobre 1855.

Mon cher ami,

Dans la négociation de notre convention avec l'Angleterre, il avait été convenu que les payements de l'emprunt que cette puissance consentait à nous faire, commenceraient à l'époque de la déclaration de guerre. Un changement de rédaction, fait à Londres, sans mauvaise volonté, a été cause que cette époque a été fixée après l'approbation de la convention par le Parlement. J'ai consenti à ce changement, parce que Hudson m'assurait que l'acte en question passerai sans difficultés. Malheureusement, une foule de petites contrariétés ont retardé l'échange des ratifications, et l'acte qui les sanctionnait, par suite de l'interruption des séances du parlement, à cause des vacances de Pàques, n'a passé que le premier mai. Il s'en suit qu'au lieu de recevoir 500,000 livres sterlings le premier février, je ne les recevrai que le premier mai.

Ce retard me contrariant beaucoup, j'ai réclamé auprès du gouvernement anglais, qui s'est empressé de me répondre qu'il était prêt à présenter au Parlement une loi pour faire changer, selon mes désirs, les époques de payement de notre emprunt,

si je n'aimais mieux laisser les choses telles qu'elles étaient, en recevant en payement, dans le mois de janvier, des traites payables le premier mai. Cette seconde alternative me paraît infiniment plus convenable, mais, comme j'ai besoin d'argent en décembre, si je l'accepte, il me faudrait pouvoir compter sur le concours d'une maison de Londres pour une anticipation de fonds.

Je suis persuadé que les Rothschild de Londres, que j'ai trouvés toujours très coulants, seraient très disposés à prendre des arrangements à cet égard, mais j'ai pensé que cette opération pouvait être faite, plus avantageusement pour le trésor, par Hambro, avec votre concours.

Je vais vous faire connaître mon idée, afin que vous la communiquiez à Hambro, si vous le jugez convenable.

Hambro s'engagerait à accepter des traites que vous tireriez sur lui à l'ordre du trésor sarde, payables du 1er au 15 février, et le trésor s'engagerait à couvrir Hambro, avant leur échéance, au moyen des traites payables au premier mai, faites en sa faveur par le ministre des finances d'Angleterre.

Cette opération, qui ne présente pas le plus petit danger et n’exige pas le moindre débours, peut vous procurer un assez joli bénéfice.

Si vous croyez qu'Hambro accepte, moyennant une commission de banque, écrivez-lui sur le champ. Vous pouvez ajouter qu'Azeglio (1), au besoin, lui fournira tous les renseignements qu'il pourra désirer sur cette affaire.

Comme il est nécessaire que je prenne mes mesures pour assurer le service du trésor, sans délai, vous m'obligerez en ne perdant pas une minute pour écrire à Hambro.

Croyez à ma sincère amitié.

C. de Cavour.

(1) Ambassadeur du royaume de Sardaigne à Londres.

CCCCVI.

Turin, 25 octobre 1855.

Mon cher ami,

J'ai reçu, hier au soir, très tard, la dépêché suivante, d'Azeglio:

«Arrangé l'affaire Hambro. Gouvernement anglais a effets date 1er novembre six mois».

Je pense que cela veut dire qu'Hambro, pour accepter des traités, aura demandé d'avoir entre les mains les pagherò du gouvernement anglais, et que celui-ci y aura consenti. Au reste, les lettres d'Hambro et d'Azeglio, qui ne peuvent se faire attendre, nous expliqueront ce que cette dépêche a d'obscur.

Bolmida a prolongé son séjour à Paris, pour voir fonctionner le métier électrique. Le télégraphe nous ayant appris, hier, qu'il fonctionnait avec succès, je pense qu'il va se mettre en route.

Croyez, Mon cher ami, à mes sentiments dévoués.

Camille de Cavour.

CCCCVII.

Turin, 29 octobre 1855.

Mon cher ami,

Je viens de recevoir une longue lettre du brave Hambro, qui me rend compte des arrangements qu'il a pris avec Azeglio. D'après ce qu'il me dit, tout serait convenu, sur les bases suivantes:

1°) Azeglio remettrait à Hambro, après les avoir endossées, les traités au premier mai qu'il retirera du chancelier de l'échiquier;

2°) Vous tirerez sur Hambro, à l'ordre du trésor, des traités à trois mois, dont l'échéance sera réglée du ler février au premier mars;

3°) Hambro sera autorisé à se couvrir de ses avances, en négociant au mieux, toutes les fois qu'il sera à découvert, les traités sur le trésor anglais.

Reste à fixer la commission. Ne devant faire aucune avance, et ayant entre les mains des contre-valeurs qui équivalent à du numéraire, elle doit nécessairement être modique. S'il en était autrement, mes ennemis, et j'en ai beaucoup, me critiqueraient amèrement.

Je vous prie, par conséquent, de vous contenter de 3/8  sacrifiez 1/8 sur l'autel de la patrie.

Ce n'est pas la somme qui est importante, c'est l'effet moral. Je suis persuadé qu'Hambro ne vous désavouera pas.

Dès que je saurai votre réponse, j'écrirai à votre maison et à Hambro, une lettre qui réglera l'affaire d'une manière définitive.

J'espère que la Banque n'aura pas fait de nouvelles sottises, et qu'elle continue à donner des pièces de 20 fr. à tous ceux qui en demandent. De votre côté, je vous supplie d'user de toute votre influence pour faciliter les opérations. Notre crédit est intimement lié à celui de la Banque. Le commerce de Turin, surtout, ne peut pas se passer de son appui. Si celui-ci venait à lui manquer, il s'en suivrait des conséquences déplorables.

Le départ du Roi (1) est fixé, d'une manière définitive, pour le 20 du mois prochain. Il s'embarquera à Grènes.

Croyez, Mon cher ami, à mes sentiments dévoués.

C. Cavour.

(1) «Le ministère est depuis longtemps convaincu que pour faire sortir le Roi de l'état d'abattement, où l'ont plongé les malheurs qui l'ont accablé, il serait utile de le décider à faire un voyage en France et en Angleterre» (Lettre du comte de Cavour au marquis E. d'Azeglio, ambassadeur à Londres, 3 juin 1855 — N. Bianchi, Politique du comte Cavour, pag. 76 et 77).

CCCCYIII.

31 octobre 1855.

Mon cher ami,

Je n'ai aucune difficulté à attendre que vous ayez reçu la réponse définitive d'Hambro, pour vous écrire, ainsi qu'à lui, les lettres que nous aurons entendues.

Pour éviter toute méprise, il serait peut-être utile que vous vinssiez faire une course à Turin. Pour être sùr de ine trouver, venez dîner avec nous.

Adieu, à la hâte.

Tout à vous

C. Cavour.

CCCCIX.

Turin, 2 novembre 1855.

Mon cher ami,

La Banque s'est décidée à changer les billets en or, et ne reviendra plus sur cette décision. H ne faut, cependant, pas se dissimuler que cette mesure, qui aurait du être adoptée il y a six mois, ne la place maintenant dans une position difficile. Le gouvernement doit l'aider à surmonter la crise qui la menace.

La mort (12 janvier 1855) de la reine Marie Thérèse, mère de Victor-Emmanuel, celle de la reine Marie-Adélaide, son épouse (21 janvier) et celle du due de Gènès, son frère (12 février 1855), survenues à si peu d'intervalle l'une de l'autre, avaient plongé le Roi dans un douloureux abattement. Le parti rétrograde voyait dans ce doublé deuil un châtiment de Dieu, pour les lois impies (couvents, etc.) que le Roi avait signées.

Bombrini est venu me parler; j'ai eu avec lui une entrevue à laquelle a assisté Bolmida, arrivé dans la journée, de Paris. Il est maintenant, indispensable que nous causions ensemble. Si vous pouviez venir lundi, je vous en serais reconnaissant, arrangez-vous pour avoir le temps de voir Bolmida.

Bolmida revient peu édifié du personnel de la Bourse de Paris. Il ne me paraît pas inquiet sur la position de cette place, il a surtout une confiance illimitée dans les ressources du Grand Baron.

Dimanche je vais à Pallanza..

Croyez, Mon cher ami, à mes sentiments dévoués.

C. Cavour.

CCCCX.

9 novembre 1855.

Mon cher ami,

Je ne connais guère les propositions d'Hambro. Il ne peut me convenir de faire escompter des traites à 3 pour ne tirer que le 5. D'ailleurs, pour le moment, l'essentiel est d'aider la Banque à sortir de l'embarras, où l'a placée l'impéritie des ses administrateurs à Gènes. Bombrini a été, dans cette circonstance, au-dessous de sa réputation.

Demain je vous adresserai la lettre officielle qui doit établir les bases de notre opération. Sauf un avis contraire, par le télégraphe, j'en adresserai une toute pareille à Hambro.

Vous m'avez mal compris, si vous avez cru que je vous ai dit que je n'aurais pas recours à l'emprunt. Au contraire, je ne vous ai pas dissimulé que, la guerre continuant, un emprunt était inévitable. Sachant la lenteur des Chambres, je proposerai l'emprunt au début de la session, pour le faire ce printemps.

J'ai demandé des renseignements sur les farines à Ricci, mais il ne compte rien faire sur cet article.

J'ai pris, toutefois, bonne note de ce qu'il vous écrit à ce sujet.

Adieu.

Votre dévoué

C. de Cavour.

CCCCXI.

13 novembre 1855.

Mon cher ami,

Si vous pouvez vous abstenir de faire de l'opposition aux propositions relatives à l'établissement d'une succursale en Sardaigne, qui seront soumises à l'Assemblée générale, vous m'obligerez beaucoup. Je ne puis ici entrer en discussion sur leur mérite; je me borne à vous observer que cet établissement doit être très utile au pays et à la Banque. La Sardaigne, quoiqu'on en dise, est en voie de progrès. Depuis quelques années elle a absorbé beaucoup de numéraire. Avec un établissement de crédit, ce numéraire sera de nouveau mis en circulation. J'ai eu toutes les peines du monde h faire pénêtrer ces vérités dans le cerveau épais des régents gènois. S'ils ont consenti à ce que je leur demandais, c'est uniquement pour ne pas me fâcher. Maintenant, si vous parliez dans un sens contraire, ils pourraient croire que je ne tiens pas autant que je le leur ai dit, à la succursale de Cagliari.

Si l'assemblée accepte et sanctionne mon projet, je mettrai sur le tapis la cession de la monnaie à la Banque, et

la refonte du billion; mesures, à mon avis, de la plus haute importance, et qui doivent assurer la prospérité de cette institution.

….............................................................................................

Croyez, Mon cher ami, à mes sentiments dévoués.

C. de Cavour.

CCCCXII.

15 novembre 1855.

Mon cher ami,

Je vous remercie du sacrifice que vous avez fait, en vous abstenant de proposer des amendements à la Banque de Sardaigne. Les billets de 30 francs sont un non-sens, ceux de 20 francs sont limités à une somme insignifiante.

J'attends Bombrini, pour tacher de le persuader d'adhérer à la proposition du Conseil de Turin, de ne plus donner des mutte (1). J'espère le convaincre.

Le change a beaucoup diminué à Turin. Avant la fin de l'année, on rapportera à la Banque les 20 francs qu'on en a retirés.

 Vos observations sur l'emprunt seraient sans réplique, si l'emprunt pouvait se faire du soir au lendemain. Mais, avec deux Chambres, il faut compter sur un délai de deux et même trois mois, pour faire passer la loi d'emprunt. La dernière fois, les lenteurs du Sénat nous ont coûté plusieurs millions.

Je pars mardi prochain (2); si vous avez quelque chose à me mander, écrivez-moi à Paris, sous le couvert de l'ambassadeur de Sardaigne.

Adieu, j'emporte les dessins, dont vous voulez faire présent à votre sœur. Envoyez-moi son adresse, je me rappelle la rue, mais j'ai oublié le numéro.

Votre dévoué

Camille de Cavour.

(1) Anciennes pièces de 8 sous (40 centimes) en usage dans les États sardes

(2) Pour Paris et Londres, où il allait accompagner le Roi en qualité de ministre.

CCCCXIII.

18 novembre 1855.

Mon cher ami,

Je viens vous dire encore adieu, avant de partir. Après mon départ, vous correspondrez avec Santa Rosa (1). Vous pouvez vous adresser à lui, confidentiellement, comme à moi.

Bombrini m'a paru convaincu de la nécessité de suivre mes conseils, soit par rapport au billon, soit pour ce qui regarde la monnaie. Aidez-le à travailler l'opinion à Gènes dans ce sens.

Ayant opéré une rentrée, sur laquelle je ne comptais pas du tout, je me trouve en fonds et n'aurai pas besoin de recourir à votre obligeance pendant mon absence. Ce sera pour une autre occasion.

Adieu, mille amitiés.

Camille de Cavour.

(1) Le comte Teodoro Derossi di Santa Rosa, alors directeur général du trésor.

CCCCXIV.

Turin, 17 décembre 1855.

Mon cher ami,

Je n'ai pas encore eu le temps de vous remercier de la lettre que vous m'avez adressée, à mon retour de Paris. Les résultats du voyage que nous avons achevé, sont favorables, sous tous les rapports.

Le moins essentiel, à mes yeux, n'est pas celui d'avoir convaincu le Roi du cas qu'on faisait de sa personne, en France et en Angleterre, malgré les efforts de nos rétrogrades pour le déconsidérer. Ce voyage a raffermi le système constitutionnel; il équivaut à dix ans de vie.

J'ai vu le bon Hambro, et nous nous sommes traités comme de vieux amis. H m'a parlé fort convenablement de Rothschild, avec lequel j'ai eu le plaisir de faire deux fois le trajet de Paris à la mer.

J'ai beaucoup vu Perreire. C'est un homme étonnamment habile. Il a plus d'esprit que tous les banquiers de Paris réunis. Je pense que son action chez nous, peut être utile; il s'agit seulement de savoir la dominer.

Je suis certain qu'il ferait notre Dock, qu'il canaliserait le Pó et coloniserait la Sardaigne. Bolmida hésite un peu, par suite des liens qui l'attachent à Rothschild. En attendant, j'ai fini avec Lafitte. H fera le chemin jusqu'à Modane, d'un côte, Culoz et Annecy, de l'autre. La Savoie devrait être contente; mais cela ne l'empèche pas de crier contre moi.

J'espère que ces messieurs de la Banque reconnaissent que j'avais raison de les forcer à adopter les payements en or. Ils seront maintenant disposés à se charger de la monnaie. Il faut toujours que je les force à faire de bonnes affaires.

Je crois pouvoir vous annoncer que vous aurez Jaillet à Gènes, au premier janvier.

…...............................................................................

Adieu, mille amitiés.

Camille de Cavour.

CCCCXV.

24 décembre 1855.

Mon cher ami,

Je viens réclamer de votre amitié un service en faveur d'un établissement, qui, malgré bien de fautes, a cependant rendu des services à la Sardaigne. Il s'agit de la Société Victor Emmanuel, qui a desséché l'étang de Santury en Sardaigne. Cette Société, après avoir absorbé de grands capitaux, a emprunté, en 1851, 500,000 au marquis Pallavicini, avec lequel, je crois, vous êtes très lié.

H paraît que, malgré cet emprunt et de nouveaux versements faits par les actionnaires, la Société est encore dans une position embarrassée, et ne peut satisfaire à ses engagements envers le marquis C. Pallavicini. Celui-ci, voulant user de son droit, a déclaré vouloir recourir aux tribunaux, ce qui serait la ruine de la Société.

Dans cet état de choses, un capitaliste, homme d'affaires en même temps, que j'ai connu avantageusement, Mr Perrèt de Lyon, s'est adressé à moi et m'a écrit la lettre ci-jointe, afin que je m'intéressasse à la Société et lui obtinse un sursis de Mr Pallavicini. Je n'ai aucun titre pour me mêler de ses affaires particulières, mais je pense qu'il ne trouvera pas mauvais que, par votre entremise, je le prie d'adopter le parti suivant, qui ne compromettrait pas ses intérêts et sauverait, peut-être, la Compagnie: ce serait d'accorder à celle-ci un délai d'un mois, à condition que dans l'intervalle, Mr Perret se rendra à Gènes pour traiter avec lui. D'après ce que j'ai appris sur le compte de ce dernier, je crois que s'il se mèle de cette affaire, c'est qu'il a les moyens de la mener à bien.

Dans le cas où la Société, malgré les efforts de Mr Perret, serait forcée de liquider, alors elle pourrait charger de ce soin la Société que Bolmida et vous êtes en train de fonder pour coloniser la Sardaigne sur une grande échelle

Je pense qu'on est très anxieux à Gènes, de savoir comment tourneront les nouvelles négociations. Je n'en sais pas plus que le public. À Paris, on ne parie que de paix, tandis qu'à Londres on est plus belliqueux que jamais.

Pendant votre absence, votre maison m'avait parlé de la possibilité de vendre nos actions du gaz; il parait que cette chance heureuse s'est évanouie, car j^n'en ai plus entendu parler.

Adieu, mille amitiés.

Camille de Cavour.

CCCCXVI.

25 décembre 1855.

Mon cher ami,

Je vous ai écrit, de mon coté, au sujet de la Société V. E. en Sardaigne. Ne faites rien et conseillez au marquis Gigi Pallavicini de ne rien faire, sans l'intervention personnelle de Mr Perret.

…........................................................................................

Bolmida a envoyé un ultimatum à Rothschild; demain ìa réponse doit arriver.

Adieu.

Votre dévoué

Camille de Cavour.

CCCCXVII.

21 janvier 1856.

Mon cher Émile,

La maison F. Rignon et Comp. (1), qui a rendu d'impienses services à l'industrie sericole, s'est décidée à envoyer un de ses agents à Brussa, pour y exploiter une filature du gouvernement ture. Elle m'a prié de lui faire ouvrir un crédit à Constantinople, par une maison de Grènes qui lui gardàt un secret absolu.

Je n'ai pas cru devoir lui refuser ce service, et, par conséquent, je leur remets cette lettre pour vous, en vous priant de leur ouvrir, sous ma responsabilité, un crédit de 25,000 francs, dans la personne de Mr Louis Canfari, leur mandatale.

Les Rignon sont plus habiles et des plus honorables industriels du pays. Ils ont déjà gagné, et sont en train de gagner beaucoup d'argent. Je suis certain que vous n'aurez qu'à vous louer de vos rapports d'affaires avec eux.

Votre dévoué

Camille de Cavour.

CCCCXVIII.

27 janvier 1856.

Mon cher ami,

Je vous remercie de ce que vous ferez pour Mrs Rignon, qui, par leur zèle, leur activité et leur intelligence, ont bien mérité du pays. Cette maison, sans être encore très riche, est en voie de s'enrichir, car elle est parvenue à accréditer ses produits sur le marché de Londres, d'une manière toute particulière.

(1) Banquiers et négociants de soie, à Turin.

En effet, ses marques obtiennent couramment 3 à 4 francs par R., de plus que les marques des autres mouliniers. Cette année cette maison gagne beaucoup. Elle jouit d'un crédit considérable. Lorsqu'elle a tiré sur ses correspondants de Londres et de Lyon, elle place facilement des sommes considérables. Bolmida leur prend, sans hésiter, jusqu'à 400 mille. Les finances en font autant. A l'époque de la récolte, j'ai même été jusqu'à 600 mille francs.

Quant à Gr., ce n'est rien, financièrement parlant. Ce sont des habiles mouliniers qui travaillent avec les fonds des Rignon. Ils ne sont pas établis depuis longtemps, pour avoir gagné des sommes considérables.

Tosco ira, la semaine prochaine, pour acheter ma provision de guano et en soigner l'expédition. Je le recommande à vos bontés.

La Chambre de commerce de Grènes se plaint amèrement de ce que les banquiers ne veulent pas aller à la Bourse qu'on vient d'ouvrir (1). Pourquoi cette opposition à une mesure qui me parait éminemment utile? Je vous prie de tâcher de la faire disparaître. Entraînez vos amis à la Bourse, les autres vous suivront.

Nous travaillons ferme, à l'affaire de la Sardaigne, avec Bolmida; j'espère que nous viendrons à bout de faire quelque chose d'utile pour les actionnaires et pour la Sardaigne.

Le Londres est devenu bien cher. En avez-vous? A quel prix pourriez-vous en céder aux finances?

Adieu.

Votre dévoué

Camille de Cavour.

(t) Les banquiers de Gènes se réunissaient, depuis fort longtemps, dans une salle du palais delle Compere (ancienne Banque de S. Georges) et avaient peine à y renoncer pour aller à la nouvelle Bourse, ouverte dans la loge de piazza Banchi.

CCCCXIX.

30 janvier 1S56.

Mon cher ami,

Votre Londres est trop cher; j'en ai trouvé hier à 25;25, à un mois, ce qu'il m'en fallait pour me mettre en régie avec Hambro.

D. est un blagueur. A force de me tourmenter, j'ai fait examiner son projet de Mandraccio, par des hommes techniques. Ceux-ci ayant déclaré qu'il pouvait s'exécuter sans graves inconvénients, j'ai répondu à D. que, tout en maintenant mon opinion sur le projet Randell, si personne m se présentait pour l'exécuter et que lui eut une Compagnie sérieuse prète à entreprendre les travaux du Mandraccio, je prendrais sa demande en considération. Je suis tellement persuadé de la nécessité d'un Dock à Grènes, que le premier venu aura de grandes chances de m'attendrir.

Croyez, Mon cher ami, à mes sentiments dévoués.

Camille de Cavour.

CCCCXX.

10 février 1856.

Mon cher ami,

Bolmida est très disposé à entrer dans l'affaire du Dock Randell, soit personnellement, soit dans l’intérêt du Crédit mobilier. Je ne vois pas d'inconvénients à ce que Bombrini y prenne part, comme il participe à toutes les affaires qui se font à Gènes.

Je pars jeudi pour Paris (1), bien à contre-coeur. Je ne sais trop comment j'y serai reçu. La France est en coquetterie avec l'Autriche. Walewsky est sous l'influence de Hubner, qui nous fait une guerre à mort. L’Angleterre nous donne de belles paroles; mais voudra-t-elle prendre fait et cause pour nous? Je le croirais si Palmerston était son représentant, mais Clarendon ne nous est guère favorable.

Quoiqu'il en soit, j'espère que nous nous en tirerons, sinon avec avantage, du moins avec honneur. Je suis bien décidé à me retirer si on me marchande notre participation.

Je vous indiquerai mon adresse; si vous aviez à m'écrire de suite, envoyez votre lettre.

Mille amitiés.

Camille de Cavour.

CCCCXXI.

14 mars 1856.

Mon cher ami,

Je ne saurais vous faire une réponse précise à ce que vous me demandez par votre lettre du 9 courant, car je n'en saisis pas bien la portée. S'il s'agit seulement de la création, pour le moment, d'une portion de Dock, je crois que vous pouvez l'obtenir, pourvu que l'époque où le projet complet devrait être achevé, fut déterminée d'une manière absolue.

(1) En qualité de représentant du Piémont au Congrès de Paris. Massimo d'Azeglio avait d'abord été chargé de cette mission, mais il y renonça, à la suite de quelques petits froissements et ne jugeant pas que sa position y serait assez nette. Cavour en fut alors chargé «bien décidé à ne pas intervenir au Congrès, si nous ne sommes pas admis à discuter tout ce qui peut nous intéresser, soit politiquement, soit matériellement» (Lettre du comte de Cavour au marquis E. d'Azeglio,9 février 1856); et l'on sait avec quelle fermeté et quelle habileté il remplit cette mission délicate.

Mettez-vous en mesure d'agir promptement, car, une fois la paix signée, et elle le sera certainement, les Compagnies surgiront de tous les cotés.

La paix est venue trop tôt pour nous; elle nous fait perdre de belles chances. Patience!

Je suis très fatigué des affaires et du monde, et un peu dégoûte de la politique. Je ne sais si j'aurai le courage et les forces nécessaires pour continuer à supporter le fardeau des affaires. Tant travailler pour obtenir de si maigres résultats, c'est peu encourageant.

Comptez sur la paix, pour Pàques ou le dimanche in Albis.

Adieu, mille amitiés.

Camille de Cavour.

CCCCXXII.

(Paris?) 23 mars 1856.

Mon cher ami,

A l'état actuel des choses, je n'hésiterais pas à me prononcer pour le projet Randell; mais vous concevez que je ne puis m'engager d'une manière définitive, ne sachant pas ce qu'on pourra nous proposer d'ici à quelques mois.

Toutefois, comme vous êtes et serez la seule Compagnie nationale sérieuse, comme vous serez les seuls qui ayent un pian définitif, comme vous aurez pour vous l'appui du premier ingénieur de l'Europe, je pense qu'il y a dix contre un à parier que vous obtiendrez la préférence. Hàtez-vous donc; c'est le meilleur moyen de réussir.

La paix ne tardera pas à être signée. Mais, comme tout le monde ici y compte depuis longtemps, elle ne produira probablement pas un très grand effet.

Adieu, mille amitiés.

Camille de Cavour.


vai su


CCCCXXIII.

Turin, 3 juin 1856.

Mon cher ami,

Je suis satisfait de la vente de mes actions du gaz.

J'ai adhéré aux demandes d'Oneto (1), qui tendent à dote? Gènes d'une grande institution de crédit, qui pourra faire beaucoup de bien, si elle étend ses opérations dans toutes les villes où la banque a des succursales.

Je serai charmé de voir votre beau-frère, à son passage, je le prierai, probablement, de porter des lettres à Paris et à Londres.

Vous avez bien fait de ne pas commanditer B;, non que l'affaire en elle-même soit mauvaise, mais, parce que les entreprises agricoles ne sont pas de nature à convenir à des Sociétés anonymes.

Croyez à mes sentiments affectueux.

Camille de Cavour.

(1) François Oneto de Gènes (député de Recco eu 1848). Il s'agissait de l'établissement de la Gaisse d'escompte de Gènes. — «Il signor Oneto di Genova mi ha scritto che il grande banchiere Parodi, scuotendo al fine la sua inerzia, stava per costituire una Cassa di sconto, per mezzo di una Società anonima. É un buon indizio, giacché è il banchiere il più ricco, il più timido e sinora il più ostile al Governo che vi esista nello Stato. Ho risposto ad Oneto eccitandolo a presentare la sua domanda il più presto possibile» (. Lettre du comte de Cavour au comm. G. Lanza, ministre intérimaire des finances, en date de Paris 30 mars 1856. Chi ala, II, p.422).

CCCCXXIV.

17 août 1856.

Mon cher ami,

Ayant besoin de Londres pour couvrir Hambro, SainteRose a chargé Bombrini de lui en acheter. Celui-ci, jusqu'à présent, n'a rien fait, sous le prétexte qu'il n'en trouvé pas. Je viens, en conséquence, m'adresser à vous, en vous priant de me dire si vous pourriez vous charger de fournir au trésor, d'ici à la fin du mois, de 15 à 25 mille livres sterlings, et à quelles conditions.

Tenez, je vous prie, cette communication secrète.

J'espère que votre nouvelle caisse d'escompte va bientôt fonctionner. Je vous recommande de ne pas être trop sévère dans l'acceptation du papier. Une caisse d'escompte ne doit pas être aussi rigoureuse qu'une Banque de circulation.

On m'écrit que les écus ont un agio à Marseille. Aussi la Banque est revenue au change en or.

Adieu, mille amitiés.

Camille de Cavour.

CCCCXXV.

10 octobre 1856.

Mon cher ami,

J'ai été fort affligé du triste événement que vous m'avez communiqué (1). N'auriez-vous pas pu l'éviter, en laissant tout votre argent à la Banque, ou au comptoir? Je vous remercie de la proposition que vous me faites de faire passer votre beau-frère par Turin, en revenant de Londres et Paris.

(1) Le caissier de Mr De la Rue s'était enfui, emportant une forte somme de sa caisse, environ 300,000 francs.

Je n'en profiterai pas, car je ne reçois déjà que trop de courriers. La politique se complique chaque jour, au point que je ne sais plus comment m'en tirer. Je suis sur les dents. D'autant plus que je suis privé de Salmour (1), qui est allé à Gènes se loger sous le même toit que vous.

Je viens vous demander si vous voulez me céder de 15 à 25 mille livres sterlings, d'ici à la fin du mois, et à quelles conditions.

L'argent, rare à Turin, est très abondant dans les provinces. Depuis que j'ai relevé le taux des bons du trésor on m'en demande de tous les cotés.

Adieu, mille amitiés.

Camille de Cavour.

CCCCXXVI.

Turin, 25 novembre 1856.

Mon cher ami,

Je m'empresse de répondre à votre lettre du 24 courant, qui en renfermait une de Hambro du 20.

Je n'ai jamais songé à négocier un emprunt, en cachette, avec Rothschild et le crédit mobilier. Ce serait un mode d'agir qui serait sévèrement, et avec raison, blâmé par le pays. Je n'ai pas besoin d'argent, pour le moment, les recettes ordinaires et les bons du trésor suffisent pour maintenir les caisses de l'État dans l'abondance.

Toutefois, comme il est prudent de prévoir les éventualités économiques et politiques de l'avenir, je ne renonce pas à mon projet d'emprunt, surtout si je puis le relier au percement du Mont-Cenis.

(1) Le comte Roger Gabaleone de Salmour, ami de jeunesse du comte de Cavour, secrétaire général au ministère des finances, puis au ministère des affaires étrangères et ensuite ministre plénipotentiaire à Naples, où il resta jusqu’en 1859.

Je travaille au budget de 1858. J'ai l'espoir qu'il se soldera sans déficit. C'est-à-dire que l'on soldera avec les ressources de l'année, toutes les dépenses ordinaires et extraordinaires, sauf l'amortissement. Un tel résultat devrait faire remonter la rente.

Lorsque vous m'écrirez, ajoutez sur l'adresse, particulière et réservée, afin que vos lettres ne soient pas ouvertes dans les bureaux.

Mille amitiés.

Camille de Cavour.

CCCCXXVII.

14 décembre 1856.

Mon cher Émile,

Je regrette qu'une indisposition m'ait privé du plaisir de vous voir cette semaine. Bien que je ne compte pas traiter l'emprunt, pour le moment, je serai charmé de causer avec vous. Je vous montrerai le projet de budget de 1858, les résultats vous satisferont. Si les circonstances sont favorables, nous serons en parfait équilibre, non seulement pour ce qui a trait au budget ordinaire, mais encore au budget extraordinaire, les chemins de fer exceptés.

On va commencer les expériences Grattoni Sommeiller (1); si, comme je n'en doute pas, elles réussissent, vous aurez ma visite bientôt.

Croyez, Mon cher ami, à mon sincère dévouement.

Camille de Cavour.

Mon neveu, Aynard, ira vous voir à son passage à Gènes pour Florence. Veuillez le munir de lettres de recommandation et de crédit.

(1) A San Pier d'Arena, près de Gènes.

CCCCXXVIII.

6 janvier 1857.

Mon cher ami,

J'ai re§u une lettre du fils de Randell, je vous en envoie copie, vous me direz ce que vous pensez de lui.

Je pense toujours au Dock. Les diatribes des journaux rouges et noirs ne m'émeuvent nullement, et, si l'avis de la commission qui délibère dans ce moment, est favorable à la cession de la Darse, nous proposerons le transport de la Marine, à la Spezia, colite que coûte.

Vous aurez été peiné de la triste fin de Bolmida. Je le regrette sincèrement, bien que, dans les derniers temps, il eut agi envers moi, comme quelqu'un à qui la reconnaissance pèse.

Demain, le Roi prononcera le discours d'ouverture (1). H annoncera le rétablissement de l'équilibre. Je vous garantis l'exactitude de mes prévisions.

Adieu, Mon cher ami, conservez-moi pendant cette année et celles qui suivront, votre précieux attachement.

Camille de Cavour.

(1) IIIe session de la Ve législature.

CCCCXXIX.

janvier 1857.

Mon cher ami,

Je ne m’arrêterai à Gènes, qu'à mon retour de Nice (1), dans l'espoir de pouvoir assister à quelques expériences décisives du système Grattoni-Soinmeiller. Nous parlerons de l'affaire des Docks.

Je vous enverrai une copie du budget 1858. Pour le moment, nous n'avons aucun besoin d'argent, les bons du trésor deviennent tous les jours plus nombreux.

À la hâte, mille amitiés.

Camille de Cavour.

CCCCXXX.

4 février 1857.

Mon cher ami,

Je ne me suis pas arrêté à Gènes, parce que Sommeiller m'a engagé à attendre une quinzaine de jours, avant d'aller visiter le lieu des expériences.

(1) Le comte de Cavour se rendit à Nice, le 20 janvier, pour accompagner le Roi, qui allait y faire visite à S. M. l'Impératrice de Russie, veuve de l'Empereur Nicolas, qui y passait l'hiver. Comme on le sait Victor Emmanuel aimait fort peu l'étiquette et les fêtes officielles, et le comte de Cavour, pour lui tenir compte du sacrifice qu'il faisait en se prêtant à cette visite qui ne lui souriait guéres, accorda au Roi d'envoyer le vapeur Malfatano prendre en Égypte 10 chevaux que le vice-roi lui avait donnés. «Je lui ai accordé ce caprice (écrit le comte de Cavour au ministre Lamarmora) pour ne pas le contrarier, car il était de fort mauvaise humeur et il en pouvait résulter de graves inconvénients pendant son séjour à Nice, et je crois que j'ai bien fait, car jamais le Roi ne s'est mieux comporté, soit avec la cour de Russie, soit avec les gens du pays». (Chiala, II, p.468-469).

Si j'avais passé 24 heures dans Votre ville, sans aller à San Pier d'Arena, cela aurait produit un mauvais effet. J'espère y retourner la semaine prochaine. Sommeiller (1), Grattoni (2) et Ranco (3) sont, oltre modo sanguine. Dieu veuille que le fait réponde à leurs espérances et aux miennes. Quant au Dock, je ne peux rien vous dire, tant que je ne connais pas le résultat du travail de la commission, c'est Rua qui le rédige. Il ne pouvait être confié à un homme plus consciencieux, ni plus capable.

Veuillez me dire si je puis compter sur vous, pour le guano que je vais acheter; il s'agit de 20 à 30 mille francs.

Adieu, mon cher, croyez à mon dévouement bien sincère,

Camille de Cavour.

CCCCXXXI.

28 mars 1857.

Mon cher Émile,

Je vous prie d'écrire, sur le champ, à Mr Groldsmith de Frankfort, pour avoir des informations sur Mrs Neumann fils, n. 88 Kopfer, de Mannheim, qui font dans les tabacs, et quelle somme on peut leur avancer sur des tabacs achetés pour le compte de la Régie. Mille amitiés.

Camille de Cavour.

(1) Lettre CCCIV.

(2) Severino Grattoni, né à Voghera en 1816, mort à Turin en 1876. Ingénieur distingué, plusieurs fois député au Parlement, ami de Cavour, quoiqu'il ne fût pas toujours d'accord. avec lui; écrivait dans la Concordia; connu surtout par la part active qu'il prit aux travaux du Mont-Cenis, fut compromis dans la triste affaire des chemins de fer méridionaux, mais déclaré pur de toute tache, par la commission d’enquête nommée par le Parlement.

(3) Louis Ranco, né à Asti en 1815, ingénieur de grand mérite, surtout en matière de chemins de fer. On lui doit la ligne de Turin à, Gènes, avec le grand tunnel qui traverse l'Apennin aux Giovi, et il eut une large part dans les études et les travaux du Mont-Cenis; il collabora en 1847, avec Buffa et Mamiani, à la Lega Italiana et siégea pendant plusieurs années, au Parlement, où son opinion faisait autorité dans les questions de chemins de fer.

CCCCXXXII.

15 mars 1857.

Mon cher ami,

Je suis désolé de ne pas être en état de vous donner une réponse satisfaisante sur la question des Docks; mais il m'a été impossible d'avoir à ma disposition, jusqu'ici, le rapport de la Commission et le projet de Ricci. Paleocapa, comme de raison, veut les examiner avant de me les remettre. Or il n'a pas encore pu le faire, soit à cause des nombreuses et importantes affaires dont il a eu à s'occuper ces jours-ci, soit parce que le chef des travaux maritimes, Mr l'ingénieur Biancheri (1), est malade.

Dès que Paleocapa m'aura remis les documents ci-dessus, je vous prierai de faire une course à Turin, pour examiner ensemble ce qu'il y a de mieux à faire (2).

Bombrini m'a annoncé que la Caisse générale avait l'intention d'établir, ou, du moins, de favoriser l'établissement de succursales en province.

(1) L'ingénieur Joseph Bianchieri, député du Collège d'Oneglia, promu le 30 juin 1870 inspecteur de classe dans. le Génie civil.

(2) Déjà en 1849, le gouvernement de Turin avait décidé de transporter de Gènes à la Spezia l'arsenal maritime, mais avait dû renoncer à ce projet, faute d'argent. (Randacoio, La marinerie italianne, p.165). — À la fin d'avril 1857, Cavour, d'accord avec Lamarmora, alors ministre de la guerre et de la marine, soumit au Parlement un projet de loi pour transporter à, la Spezia la marine militaire et y construire un arsenal, projet qui devait entraîner une dépense de 10 millions. — Les députés de Gènes s'y opposèrent vivement, mais Cavour, dans un brillant discours, prouva que la construction de docks dans cette ville, compenserait largement la perte qu'elle ferait de l'arsenal maritime. et la loi fut votée à une forte majorité.

Je vous engage à favoriser ce projet, qui donnera d'excellents résultats. J'en suis tellement convaincu que, pour le comptoir de Verceil, je serais très dispose à souscrire pour mon compte 500 actions. Mon nom ne peut paraltre, bien que je ne cacherai pas ma participation, dans une affaire qui sera d'une utilité immense pour la province à laquelle je porte un intérêt tout spécial.

Mon cousin, Auguste De la Rive, doit arriver à Gènes lundi prochain, je vous prie de lui faire remettre la lettre ci-jointe.

Mille amitiés.

Camille de Cavour.

Je vous préviens que j'ai fourni sur Hambro, une petite traite de L. st.15 et quelques shillings, que je vous prie de porter sur votre compte.

CCCCXXXIII.

19 mai 1857.

Mon cher ami,

Soyez sans inquiétude sur l'extension à donner au projet du Dock. Cette entreprise doit demeurer entièrement distincte des établissements maritimes, auxquels une grande partie de la Darse sera consacrée.

Vous avez des concurrents, à ce qu'il parait. Mr Prost (1) prétend être en mesure d'exécuter ce projet, mais j'espère que vous ferez mieux que lui.

(1) Ingénieur anglais, qui avait présenté un projet pour les Docks de Gènes.

Quant aux comptoirs provinciaux, je pense qu'il faut que les gens soient intéressés à leur bonne administration, qui exige une surveillance beaucoup plus active que pour le comptoir de la Banque. Un comptoir d'escompte devant être moins prudent qu'une Banque de circulation, le succès de ses opérations dépend de l'intelligence et de la perspicacia de ceux qui le dirigent. Toutefois, si on peut compter sur d'habiles directeurs, des succursales peuvent prospérer autant que des établissements indépendants.

Ce que je désire ardemment, c'est que ces institutions se propagent. Elles sont appelées à faire un bien immense au commerce et même à l'agriculture. Je désire surtout, qu'on commence par Verceil, où le terrain est mieux préparé qu'ailleurs, et où il en existerait un, depuis longtemps, si ces maudits juifs ne se fussent coalisés pour l’empêcher.

Ils exploitent maintenant, la banque et exercent un commerce de réescompte des plus lucratifs.

Je n'ai aucune envie de m'en mêler, je ne l'aurais fait qu'autant que §'eut été nécessaire pour faire réussir un projet, qui n'est que le complément des institutions dont j'ai contribué à doter une province qui m'est chère.

Bombrini s'en retourne avec les honneurs de la Présidence du Mobilier. Gènes doit reconnaître que les Turinois ne sont ni municipaux, ni exclusifs.

Adieu, mille amitiés.

Camille de Cavour.

PS. Hier au soir, en ouvrant le Galignanis, j'ai lu avec horreur «Hambro general merchant, failli». Heureusement que le nom de baptême m'a rassuré. Dites-moi si le failli est parent de notre ami.

CCCCXXXIV.

3 juin 1857.

Mon cher Émile,

Je viens vous recommander Mr Àccossato, directeur des Moulins de Collegno, qui aurait besoin de faire escompter quelques traités du moulin. Les temps étant difficiles, j'ai recours à votre complaisance. Vous pouvez agir sans aucune crainte. Du reste, de vous à moi, je n'ai aucune difficulté à vous garantir la signature de Gr. Àccossato e figli, jusqu'à concurrence de 200,000 francs. Le moulin va bien, mais, vu le prix excessif des blés et la nécessité d'acheter comptant et de vendre à terme, il n'a pas assez de capitaux

Je pense qu'un mot de vous, à la caisse générale, ferait son affaire.

Mille amitiés.

Camille de Cavour.

CCCCXXXV.

6 juin 1857.

Mon cher ami,

Je vous remercie de ce que vous avez fait pour mon recommandé. Je vous prie de tenir à ce que la signature du moulin soit unie à celle de la maison Àccossato. Le moulin est bon, mais, s'il venait à brûler, il serait utile d'avoir l'avallo d'Àccossato, que je considère comme de premier ordre après les bénéfices réalisés sur les fournitures de la Crimée, tout en rendant de grands services au gouvernement.

Quant au Dock, si vous désirez seulement avoir vision du projet Ricci, je pourrai vous le procurer quand vous voudrez, si, au contraire, vous désirez que nous nous en occupions ensemble, il faut remettre votre course à la fin du mois, car cette fin de session est par trop chargée d'affaires, et je commence à me sentir très fatigué.

Croyez, Mon cher ami, à mes sentiments dévoués.

Camille de Cavour.

CCCCXXXYI.

4 juillet 1857.

Mon cher ami,

Je vous prie d'escompter la traite des moulins. Accossato étant à Paris, les moulins pourraient se trouver dans l'embarras; si les blés diminuent, comme je l'espère, le moulin marchera tout seul.

Comme vous le dites, Mazzini mériterait d'être pendu, haut et court, toutefois, son équipée (1) a eu cela de bon qu'elle à mis fin à l'agitation qui avait pour prétexte l’impôt de la gabelle.

(1) Le 25 juin, Pisacane, d'accord avec Mazzini et le parti révolutionnaire, s'était embarqué à Gènes sur le Cagliari (Voir lettre CCCCXLVTI) et il avait été convenu entre les conjurés, que, dans la nuit du 25 au 26, ils se soulèverait et s'empareraient de la ville, où régnait un grand mécontentement à cause des nouveaux impôts (gabelle) et du prochain transport à la Spezia de la Marine militaire. Le gouvernement, informé à temps, de ce projet, prit ses mesures en conséquence, et les conjurés, qui avaient renvoyé à, la nuit du 29 au 30 juin leur tentative, durent y renoncer, sur le conseil de Mazzini, lui même, qui reconnut qu'elle n'aurait servi à rien. Une bande de conjurés, cependant, n'ayant pas reçu à temps de contre-ordre, s'empara par surprise, du fort du Diamant, (corps de garde avancé, sur la colline qui domine Gênes) grâce à la connivence de son gardien, désarma le piquet de garde et en tua le sergent, Pastrone, qui avait voulu leur résister. — a il parait maintenant hors de doute, écrivait à ce sujet le comte de Cavour au marquis d'Azeglio (N. Bianchi, Politique du comte de Cavour, p. 252) que le grand parti révolutionnaire européen, dont le quartier général est à Londres, avait décidé de concentrer tous ses moyens pour s'emparer de Gènes et faire de cette ville la citadelle du Comité anarchique».

Paleocapa fait examiner le projet Prost, qui, je vous l'avoue, me séduit beaucoup. Si, vraiment, on parvenait à le réaliser, sans que le régime du port eut à en souffrir, ce serait magnifique. Ne voudriez-vous pas vous associer à lui? Les rivaux même de Prost avouent qu'il a de l'argent et beaucoup. Mille amitiés.

Camille de Cavour.

CCCCXXXVII.

22 juillet 1857.

Mon cher ami,

Je n'ai pas pu voir Bombrini; je causerai aujourd'hui avec lui. Je regretterais infiniment, que vous renonciez à l'idée de faire venir Pascal (1). Son opinion aurait un poids Enorme à mes yeux. Peut-être redonnerat-il du courage aux Génois.

Pour que je puisse satisfaire le bon Hambro, veuillez me <lire de quoi et de qui il s'agit, la lettre que vous m'avez -communiquée, et que je vous renvoie, ne m'éclaire pas assez pour pouvoir agir.

Nous étouffons, la chaleur me fait tomber la piume des mains.

Adieu, mille amitiés.

Camille de Cavour;

(1) Ingénieur maritime français.

CCCCXXXVIII.

26 juillet 1857.

Mon cher ami,

Je vous félicite de l'énergie que vous avez déployée dans l'affaire du Dock. J'espère qu'elle sera couronnée d'un plein succès.

Si vous désirez connaître les devis de Ricci, faites-en la demande à Paleocapa, qui ne vous refusera pas la communication des plans, auxquels il attaché un si vif intérêt.

Quant aux crosses de Mr Scott (1), engagez-le à adresser une requête à l'administration des chemins de fer, que j'appuierai, s'il me la communique.

Je vais demain à Vaudier, sous prétexte de fuir la chaleur, mais, réellement, pour ne pas paraître au service de Charles-Albert (2), déguisé en espagnol, avec un chapeau à trois coraes, surmonté d'immenses plumes; ce qui ferait lire d'un rire homérique, tous les badauds de Turin.

Votre affectionné ami

C. de Cavour.

CCCCXXXIX.

Leri, 18 septembre 1857.

Mon cher ami,

Je m'empresse de répondre à votre billet d'hier au soir.

Allant à Turin, je parlerai à Paleocapa, des sondages, et je tâcherai d'activer cette opération.

Mr Scott, industriel anglais, établi à Turin, où il fabriquait des crosses de fusil pour le gouvernement anglais.

(1) Service funèbre en commémoration de Charles-Albert, mort à. Oporto le 28 juillet 1849.

Je vous assure que, dans ce moment, aucune question ne me préoccupe autant que celle du Dock, que je considère comme le complément indispensable des grands travaux exécutés et en cours d'exécution.

A Modané, on est occupé aux travaux préparatoires, ce ne sera guère que le printemps prochain que le percement, commencera avec activité. En attendant, je m'efforce à améliorer le service entre Suse et Modane, qui laisse encore beaucoup à désirer.

On dit que Galliera (1) veut se joindre à vous. Est-ce vrai?

Je n'ai aucune difficulté à continuer la garantie des traites du Moulin de Collegno, pourvu qu'elles soient munies de l'avallo de Gr. Accossato e Figli.

Croyez à ma sincère amitié.

C. de Cavour.

CCCCXL.

Turin, 24 octobre 1857.

Mon cher ami,

J'ai fort regretté de ne m'être pas trouvé à Turin, lorsque vous m'avez apporté le Cahier des charges du Dock, que vous avez fait rédiger. Je l'ai examiné avec attention, je ne puis encore porter sur son mérite un jugement définitif, n'ayant pas encore reçu celui que la commission nommée par le ministère, prépare. Toutefois, je le trouve très bien fait, et je le considère comme pouvant servir de base à une négociation entre la compagnie et le ministère. J'ignore si Prost nous ferait de meilleures conditions; pour mon compte. je préfère traiter avec vous qu'avec lui, mais je ne pourrais pas l'évincer s'il ne demandait pas de garantie d’intérêt, on s'il se contente d'une concession moins longue que celle que vous réclamez.

(1) Le due De Ferrari de Galliera.

Je serais charmé de causer avec vous de cette affaire, qui est maintenant celle qui me tient le plus au cœur.

Les inondations ont fait bien du mal. Cependant elles ont été moins désastreuses que celles de 1839. Les cléricaux ne diront pas moins, que c'est un avertissement du Ciel, à l'époque des élections (1).

A propos d'élections, les libéraux modérés de Grènes avaient pensé à Lodovico Pallavicini; mais on prétend qu'il refusera toute candidature. En agissant de la sorte, Gènes continuera à être représentée par des rouges et des noirs, ne valant guère mieux les uns que les autres. Je le regrette infiniment, car, sans être génois, je déplore, autant que puisse le faire le municipal le plus encroûté, que cette ville perde toute autorité morale, dans le pays et à l'étranger.

Croyez, Mon cher ami, à mes sentimenti dévoués.

Camille de Cavour.

(1) La Chambre des députés, élue en 1853, était arrivée an terme de son mandat. Le décret qui la dissolvait, parut le 25 octobre et les élections furent fixées an 15 novembre. — La lutte fut des plus vives, les candidats du ministère eurent beaucoup de peine à réussir et la droite triompha. Deux ministres furent en ballottage (Rattazzi et Lanza). Lamarmora échoua dans son ancien collège de Pancalieri, et n'aurait pu entrer an Parlement, s'il n'avait été élu à Biella. Cavour, lui-même, n'obtint qu’une faible majorité dans le premier collège de Turin.

CCCCXLI.

16 décembre 1857.

Mon cher ami,

La commission a achevé son travail, elle vient de me le remettre. Si vous venez à Turin, je vous le communiquerai, et nous le discuterons ensemble. Quelques clauses au Cahier des charges, sont trop dures, je suis tout disposé à l'adoucir.

Ayant connu ici Giacomin Parodi (1), j'en ai été assez content. Il me parait moins encroûté que je ne le pensais. Je crois que si vous vous l'associez, cela ferait bon effet. Quoique mon adversaire politique, si vous lui dites queje désire vivement que son nom figure parmi les promoteurs du Dock, il est probable que cela le flatte.

J'espère que vous aurez été content du discours de la Couronne. Vous l'aurez été certainement, de la manière dont le Roi l'a prononcé. Il a su faire comprendre que jamais il ne céderait à la réaction (2). Les codini ont la queue entre les jambes; ils se sont mis à me faire la cour, d'une étrange façon. Je ne désespère pas de les apprivoiser.

Croyez, mon cher Émile, à ma sincère amitié.

C. de Cavour.

(1) Cf. Lettre CCCCXXIII.

(2) Discours de la Couronne, prononcé le 14 décembre 1857, à l'ouverture de la VI Législature: «Non dubito, dit le Boi, rinvenire in voi, il medesimo forte e leale concorso nello applicare e svolgere quei principii liberali, sui quali riposa, ormai in modo irremovibile, la nostra politica nazionale».

CCCCXLII.

17 décembre 1857.

Mon cher Émile,

Je vous prie instamment, de renouveler les traites du moulin, pour la somme de 60,000 livres, aux conditions de garantie de celles-ci. Vous me rendrez un véritable service.

C. de Cavour.

CCCCXLIII.

11 janvier 1858.

Mon cher ami,

Je vous félicite d'avoir si fort avancé l'affaire du Dock. La marche que vous vous proposez de suivre, est certes, la meilleure, et celle qui doit amener la plus prompte solution de cette grande affaire. Je n'ai pas d'objections préjudicielles à faire aux demandes que vous entendez adresser au gouvernement, sauf pour ce qui a rapport à la construction des deux móles. Vous savez que celle du mòle neuf a été adjugée à un entrepreneur, qui y travaille, depuis deux ans, assez activement. Nous n'avons pas le droit de l'évincer, sans un motif plausible. Ne pourriez-vous pas vous entendre avec lui? Je crois que le ministre des travaux publics aimerait beaucoup mieux avoir à faire avec vous qu'avec lui.

La crise paraît heureusement passée. Nos banquiers de Turin ne sont pas, toutefois, sans inquiétudes, ils redoutent l'époque ou il faudra payer les nombreuses traites qu'on a fait escompter d'ici, à Genève, Livourne et autres places.

C'est ce qui les a décidés à insister pour que l'escompte fut maintenu à 7 p. %.

J'ai été souffrant deux jours. J'ai gardé le lit, et me suis reposé. Aujourd'hui je me sens bien, et je' retourne aux affaires, qui jamais ne m'ont donné autant de soucis qu'à présent (1). Croyez à ma sincère amitié.

Camille de Cavour.


vai su


CCCCXLIV.

23 janvier 1858.

Mon cher ami,

La nouvelle de la dissolution de la société du Dock m'a causé beaucoup de peine. Je ne comprends pas, comment, après tant de sacrifices, d'efforts, de peines, vous renoncez à tout, au moment d'atteindre le but.

Il me paraît que, si vous le vouliez, il vous serait possible de réorganiser l'affaire. Je regrette Pallavicini; mais enfin, ce n'était pas un élément indispensable. Si vous restez avec Bombrini, Oneto et Balduino, votre société présentera encore les plus amples garanties de succès.

(1) La Chambre, où la droite comptait une 60 de représentants, faisait une guerre acharmée au ministère et surtout à. Rattazzi, qu'on accusait de ne pas avoir su, ou voulu, empêcher les événements de Gènes (Lettre CCCXLVII). Ce lui-ci, en présence d'une opposition aussi violente, dut donner sa démission le 13 janvier, et, le 15, le Roi chargea Cavour de diriger, à sa place, le ministère de l'intérieur, pendant que Lanza se chargerait provisoirement de celui des finances. — A ces difficultés intérieures, s'ajoutèrent encore celles qu’entraîna après lui, l'attentat d'Orsini (14 janvier) contre Napoléon III, les réclamations du gouvernement français contre la presse et les réfugiés italiens et le projet de loi (17 février) présenté par Cavour, sur l'assassinat politique et les crimes contre les Souverains étrangers.

J'ai longuement causé avec Mr Pascal. J'ai été très satisfait de son pian, sauf la partie financière, car il me paraît bien coûteux.

Allons, mon cher, du courage, remettez-vous à l’œuvre, et attachez votre nom à une entreprise qui vaudra à ceux qui la dirigeront, de beaux bénéfices et beaucoup de reconnaissance de la part de leurs concitoyens.

Croyez, mon cher, à mes sentiments dévoués.

Camille de Cavour.

CCCCXLV.

11 février 1858.

Mon cher ami,

Je prends une part bien sincère à la perte que vous venez d'éprouver (1). Bien que vous dussiez vous y attendre, elle n'en est pas moins bien cruelle. Vous avez été plus heureux que moi, puisque vous avez conservé plus longtemps vos parents. Leur perte est le plus grand malheur de la vie, car rien ne remplace l'affection d'un père ou d'une mère, c'est une vérité que je sens tous les jours d'avantage, à mesure que mes cheveux grisonnent et que mon front se couvre de rides.

Je suis accablé d'affaires. La position est singulièrement difficile (2). Si nous nous en tirons, nous n'aurons pas fait peu.

Croyez, Mon cher ami, à mes sentiments dévoués.

C. de Cavour.

(1) La mort de la mère de monsieur de la Rue.

(2) Aux difficultés politiques, venaient encore s'ajouter les difficultés financières, qui forcèrent le ministère à présenter à la Chambre un projet de loi pour un nouvel emprunt de 40 millions (22 février).

CCCCXLVI.

7 avril 1858.

Mon cher ami,

Un de mes amis intimes, S., ayant un besoin urgent de 25,000 francs, a recouru à moi. N'ayant pas, dans ce moment, cette somme disponible, je m'adresse à vous. Si vous pouvez les lui prêter, veuillez me les envoyer au moyen d'un bon sur la Banque. Je vous ferai un billet payable fin décembre, en ajoutant l’intérêt que vous voudrez fixer.

Pour peu que cela vous dérange, je m'arrangerai d'une autre façon pour obliger mon ami.

Je vous remercie d'avance, et vous prie de croire à mon amitié bien sincère.

C. Cavour.

CCCCXLVII.

11 avril 1858.

Mon cher ami,

J'ai reçu votre lettre du 8 avril, et j'en ai retiré un bon sur la Banque, de 25,000 livres. Je vous remercie infiniment, de m'avoir mis à même de rendre à mon ami un service signalé.

Je vous envoie un billet payable le 8 janvier 1859.

J'ai été bien péniblement affecté par la triste nouvelle de la mort de votre belle-soeur (1). Je me rappelle avec reconnaissance, ses bontés pour moi, lors de mon premier séjour à Gènes, et l'affection qu'elle a bien voulu me conserver.

(1) Madame Hyppolite De la Rue.

C'était une personne d'un bien grand mérite. Je plains, du fond de mon âme, votre frère. J'espère que le Ciel lui donnera la force de supporter cette perte cruelle. Quoiqu'il y ait bien longtemps que je ne sois plus en rapports avec lui, je compte lui écrire lorsque les premiers moments d'abattement et de stupeur seront passés.

Hier Bona est venu me dire qu'il désirait parler aux représentants du Dock. Vous pourriez expédier Oneto à Turin. Si l'on doit faire quelque chose, cette année, il n'y a plus de temps à perdre.

La discussion de la loi commence mardi. Je crois qu'elle sera intéressante (1).

Je vous expédierai un exemplaire des documents sur la question napolitaine (2).

(1) Au sujet de l'emprunt de 40 millions (voté le 31 mai), qui, au fond, avait un but politique trop évident pour se déguiser sous les apparences de besoins financiers, et qui se compliqua encore, avec la question de l'incameramento des biens ecclésiastiques.

(2) Le 25 juin 1857, le Cagliari, vapeur de la Société Rubattino, faisant le service de Génes à Cagliari et Tunis, était parti de Gènes, ayant à son bord une 30e de passagers (parmi lesquels le colonel Pisacane, émigré napolitain, ancien chef d'état major du général Rossetti, pendant le siège de Rome en 1849, et Nicotera). Ceux-ci s'emparèrent, en pleine mer, du navire, et forcèrent le capitaine de les conduire à, Ponza, où ils libérèrent les prisonniers militaires napolitains, qui y étaient détenus (environ une 1006), les prirent à bord, et allèrent débarquer avec eux, à Sapri, dans le golfe de Salerne, pour y tenter un soulèvement contre le gouvernement Bourbon. Repoussés par les garde3 urbaines, Pisacane y fut tué, tandis que Nicotera et les autres furent faits prisonniers et conduits dans les prisons de Salerne, où 8 d'entre eux furent condamnés à mort et les autres aux galères (parmi lesquels Nicotera, qui fut libéré en 1860). Le Cagliari et son équipage furent capturés par les frégates napolitaines, Ettore Fieramosca et Tancredi, et le gouvernement napolitain le déclara de bonne prise, puisque c'était dans les eaux napolitaines de Policastro, que cette capture aurait eu lieu. — Le gouvernement sarde, au contraire, prétendit que cette capture était illégale, ayant été faite en pleine mer, et, par conséquent, entièrement contraire aux principes du droit maritime (N. Bianchi, Politique du comte Cavour, pag. 267).

Vous verrez quelle triste figure fait le gouvernement anglais. J'espère que le parlement le sentira, et forcera Malmesbury à se conduire, sinon en grand ministre, du moins en honnête homme. S'il en arrivait autrement, il faudrait dire qu'il n'y a plus de sens moral en Angleterre.

Croyez à ma sincère amitié.

C. Cavour.

CCCCXLVIII.

9 juin 1858.

Mon cher ami,

Je regrette infiniment, que vous n'ayez pas pu venir à Turin, avec Oneto, surtout en apprenant la triste cause (1), qui vous a retenu à Gènes.

Comme à bord du Cagliari se trouvaient 2 mécaniciens anglais, qui furent emprisonnés à, Salerne et chargés de fers avec tout l'équipage, le gouvernement sarde invoqua l'appui et l'intervention anglaise, pour se faire rendre le Cagliari et libérer son équipage. — Après bien des notes diplomatiques et des tergiversations du gouvernement anglais, qui, d'abord, promit son concours, puis le retira, ne voulant accorder que son moral support, puis proposa, aux termes du protocole n° 23 du Congrès de Paris, l'intervention, ou arbitrage, d'une puissance étrangère (politique que le comte de Cavour appelle «ignobile e vergognosa», Lettre du 12 avril 1858 au chev. C. Boncompagni, ministre de Sardaigne à Florence), à la suite d'une consultation légale du célèbre jurisconsulte anglais Robert Phillmore, publiée dans le Times et appuyée par la presse libérale anglaise, le gouvernement Torie (Malmesbury, Derby, D'Israeli, etc. ) eut, en quelque sorte, la main forcée, et envoya Lyons à Naples, appuyer la cause soutenue par le gouvernement sarde. Le Cagliari fut rendu à ses légitimes propriétaires, son équipage libéré et une indemnité de L. 3000 accordée aux deux mécaniciens anglais, dont l'un était devenu fou pendant son emprisonnement à Salerne, par suite des mauvais traitements auxquels il y avait été soumis.

(1) Une grave maladie de madame de la Rue, dont la santé inspirai de vives inquiétudes.

Vous connaissez ma sincère amitié, et vous pouvez compter sur ma profonde et sincère sympathie pour tout ce qui peut vous affliger.

J'aurais désiré vous parler confidentiellement, j'avais des choses à vous dire, que je ne saurais écrire (1). Si vous pouvez disposer d'une journée, venez me trouver. Il n'y a rien d'urgent.

Croyez, Mon cher ami, à mes sentiments dévoués.

C. Cavour.

CCCCXLIX.

23 juin 1858.

Mon cher ami,

Je viens, comme l'année dernière, vous prier de vouloir bien ouvrir, sous ma responsabilité et garantie personnelle, un crédit à la Société de Collegno, ou, ce qui revient au même, à son directeur, Mr G. Accossato, chef de la maison GK Accossato e figli. La Banque ayant excessivement réduit ses escomptes, place les moulins dans la nécessité d'aller chercher des ressources ailleurs, an moment où la récolte rend les achats de blé plus importante Toutefois, les blés étant meilleur marché cette année, au lieu d'un crédit de 200,000 francs, les moulins n'ont besoin que d'un crédit de 100,000 francs.

Je vous prie, en conséquence, de vouloir bien escompter, ou accepter, des traites de Mrs G. Accossato et fils, jusqu'à la concurrence de la dite somme de 100,000 francs.

(1) S'agit-il du colloque de Plombières, auquel Cavour avait déjà été invité vers la fin de mai, par le docteur Connean, venu exprès à Turin, et dans la confidence duquel, Lamarmora seul avait encore été admis?

L'emprunt a été voté hier par le Sénat. Aujourd'hui, ou demain, je pense que le ministre des finances décidera le mode d'émission. Je vous en préviendrai. Rothschild a envoyé ici son représentant, Mr Landauer. Mais je doute que ses propositions soient acceptées, car il me parait tenir la dragée très haute.

Les génois, à l'arrivée du Cagliari (1), n'ont pas fait de sottises. Je vous en fais mon compliment. Cette sagesse m'a dédommagé un peu de l'irritation que la représentation donnée au théâtre Carlo Felice (2), au bénéfice des condamnés pour les faits du 29 juin, m'avait fait éprouver.

Croyez, Mon cher ami, à mes sentiments dévoués.

Votre affectionné

C. Cavour.

CCCCL.

24 juin 1858.

Mon cher ami,

Je vous remercie du bon accueil que vous avez fait à ma recommandation. J'ai oublié de faire écrire à l'Intendant de Gènes,

(1) Le vapeur rendu par le gouvernement napolitain.

(2) Une représentation extraordinaire avait eu lieu à Gènes, au grand théâtre Carlo Felice, en faveur des familles des condamnés pour l'échauffourée du 29 juin 1857. Le commandant militaire de Gènes, avait refusé le concours des musiques militaires pour cette représentation, qu'il considérait comme une insulte à l'armée, le sergent Pastrone ayant été tué dans cette émeute. — Le gouvernement sarde avait vu de très mauvais oeil cette représentation, qu'il considérait, lui aussi, comme une démonstration du parti de l'opposition (Lettre du comte de Cavour au chev. Angelo Conte, intendant general de Gènes,19 juin 1858).

pour le passeport du général Elio (1). Je vais réparer mon oubli. En général, les commissions verbales sont chanceuses, lorsqu'on a tant de choses par la tète.

Rien n'est encore décidé pour l'emprunt. Le ministre des finances ayant reçu l'avis que des anglais devaient arriver aujourd'hui, pour faire des offres. J'ai peu de foi dans les insulaires. Je crains que ce ne soient des amis d'Avigdor.

Croyez à mes sentiments affectueux.

C. Cavour.

CCCCLI.

4 octobre 1858.

Mon cher ami,

Je n'ai pas de commissions précises pour l'Angleterre, mais je causerais volontiers avec vous, afin de vous indiquer quelques points que je désirerais vous voir traiter avec vos amis de la cité.

J'irai à Gènes vers le 15, pour y passer 5 à 6 jours mais vous ne pourrez probablement pas différer jusque-là votre voyage.

Mille amitiés.

C. C.

(1) Le général carliste, Elio, grand ami de la famille de la Rue, servit d'abord dans la garde royale espagnole, jusqu’à la mort du roi Ferdinand YII et le commencement de la première guerre civile entre Don Carlos et Isabelle II, à. laquelle il prit part. Après la convention de Verzara et la dissolution de l'armée carliste, Elio dut quitter l'Espagne, et se réfugia en Italie, où il séjourna assez longtemps à Chiavari, parce que ses ressources financières, qui étaient fort limitées, l'obligeaient à vivre le plus économiquement possible, d'autant plus qu'il devait pourvoir à l'éducation de ses enfants. — Elio rentra en Espagne, lors de l'expédition de Don Carlos de la Rapita, avec le comte de Montemolin et son frère, l'infant don Fernando, expédition, qui, appuyée par le général Ortega, eut une fin désastreuse, à la suite de laquelle Ortega fut fusillé et Montemolin, son frère et Elio graciés et exilés par la reine Isabelle. Dans la deuxième guerre carliste, le général Elio servit le don Carlos actuel, en qualité de chef d'état major général, et il mourut en 1874.

CCCCLII.

6 octobre 1858.

Mon cher ami,

Je compte aller à Grènes la semaine prochaine. Je ne puis, toutefois, prendre, à cet égard, un engagement absolu, car vous savez que ma présence à Turin peut devenir indispensable, par une foule de circonstances imprévues. Je ne voudrais pas, par conséquent, vous engager à retarder votre départ jusqu'au 20 courant, si cela vous dérange, par une promesse, dont l'accomplissement ne dépend pas de ma volonté.

Votre affectionné

C. Cavour.

CCCCLIII.

17 octobre 1858.

Mon cher ami,

J'approuve entièrement le projet de Palmer (1). H serait d'une grande utilité au pays, au gouvernement et, je n'hésite pas à dire, à Bombrini lui même, qu'il tirerait d'une position fausse et difficile. Seulement, il faut que la société donne des garanties pour qu'elle continue à tenir en activité les ateliers actuels, et qu'elle ne laisse planer aucun soupçon qui put faire croire à l'intention d'étouffer une concurrence.

(1) Industriel anglais, qui, avec une société de capitalistes génois proposait au gouvernement de se charger de l'usine métallurgique 06 S. Tier d'Arena et de son exploitation.

Quant à moi, je suis tranquille à cet égard. On ne dépense pas 2,000,000 pour écraser un aussi maigre rivai qu'est A..., mais il faut rassurer les imbéciles, qui constituent la majorité des administrateurs aussi bien que des administrés.

Sainte Rose va mieux, mais il est impossible de prévoir l'époque où il viendra au ministère.

Mille amitiés.

Camille de Cavour.

CCCCLIV.

21 octobre 1858.

Messieurs De la Bile et C.

Je m'empresse de vous faire savoir, en réponse à la lettre que vous m'avez adressée hier 20 courant, que je consens fr renouveler pour trois mois, la garantie des traites de 100,000 francs souscrites en faveur de votre maison par Mrs Gr. Accossato et fils.

Recevez mes compliments empressés.

Camille de Cavour.

CCCCLV.

Gènes, 18 novembre 1858.

Mon cher ami,

Votre femme m'avait déjà fait connaître le désir de Messieurs de Podenas, de faire enterrer leur mère (1) à San Martin d'Albaro, auprès de son mari, dont vous m'entretenez dans votre lettre du 14. Je lui ai répondu que si le tombeau de Mr de Podenas était dans le cimetière communal, la chose ne présentait aucune difficulté; mais que si le tombeau était dans l'église, il n'était plus au pouvoir du gouvernement d'accorder l'autorisation demandée, à moins qu'avec le Paradiso, la famille Podenas n'eut acquis un droit de patronage sur l'église.

(1) La marquise de Podenas, Dame d'honneur de la Duchesse de Berri. Après la révolution de juillet en 1830, elle partagea l'exil de cette princesse et la suivit en Italie. Son fils cadet, le comte Louis de Podenas, comme plusieurs autres jeunes gens de la noblesse fran$aise restés. fidèles à la branche aînée des Bourbons, avait pris du service dans l'armée sarde. La magnifique campagne «le Paradiso» sur la colline de S. Francesco d'Albaro, près de Gènes, fut achetée en 1837, de la famille Saluzzo, par le marquis de Podenas. ex-officier supérieur aux gardes du Corps du roi Carles X. — Il quitta le service en 1830, mourut à -San Francesco d'Albaro, en 1848, et fut enseveli dans l'église de cette paroisse. La marquise de Podenas mourut en 1858, et ses fils auraient désiré qu'elle reposât auprès de son mari, mais l'autorisation n'ayant pas été accordée, elle fut ensevelie dans sa terre de La Ferrière» en Touraine. La marquise de Podenas était née de Madaillac et s'était liée, pendant son séjour à Gènes, avec la famille de la Rue. La famille de Podenas appartient à la noblesse de Gascogne. Le comte Louis de Podenas, devenu propriétaire du Paradiso, à la mort de sa mère, fut tué à la bataille de Champigny le 30 novembre 1870.

Je dois ces détails à l'obligeance de mon ami, le docteur Ferdinand Della Cella, médecin de la famille de Podenas, à Gènes.

Je ne puis rien ajouter à. cette réponse; mais je me réserve, à mon arrivée a Turin, . de vérifier la concession faite, dans le temps, à Mr de Pòdenas.

Je suis à Gènes, depuis six jours, occupé à visiter les établissements publics. Il me paraît que l'esprit public est, dans ce moment, assez calme. Il n'y a pas, toutefois, à se fier à ce calme apparent, car il est à peu près certain que Mazzini trouvé, depuis quelque temps, de grandes ressources en Angleterre. En haine de la France, bon nombre de John Bull lui fournissent des fonds. Ce n'est pas beau, mais c'est utile.

Adieu, Mon cher ami, croyez à mes sentiments dévoués.

Camille de Cavour.

CCCCLVI.

15 décembre 1858.

Messieurs De la Bue et C. à Gênes,

Messieurs G. Accossato et C. avaient compté sur le payement de francs 100,000, qui leur étaient dùs par Messieurs G..., pour solder la traite d'égale somme souscrite en votre faveur. Mr G... n'a pu effectuer ce payement, par suite d'un retard éprouvé par trois bàtiments chargés de cuirs, qui lui ont été expédiés par sa maison de BuenosAyres. Ce contre-temps me force à venir, encore une fois vous prier de renouveler le crédit que vous avez fait à Mr Accossato, sous ma responsabilité, pour autres trois mois.

Seulement, comme la dette de Mrs G. vis-à-vis de Messieurs Accossato est échue, ce seraient Mrs G. qui vous passeraient une traite, à laquelle Mrs G. Accossato mettraient leur aval.

De plus, Mrs G. vous remettraient pour garantie du dit effet, les connaissements des cuirs qu'ils attendent, jusqu'à la concurrence de francs 150,000 à peu près, avec les contrats d'assurance relatifs aux dites marchandises. Il est bien entendu que si les marchandises arrivent et sont vendues avant l’échéance de la traite, le produit de la vente sera verse tout de même dans vos caisses.

En tous cas, vous serez autorisés à liquider la partie de cuirs qui vous sera consignée, jusqu'à la concurrence de votre créance, avant l'échéance de la dite traite.

J'espère que vous voudrez bien rendre ce service à des personnes auxquelles je m’intéresse beaucoup. Recevez, en conséquence, mes remerciements et croyez à mes sentiments dévoués.

C. de Cavour.

PS. Il est bien entendu que je reste responsable du payement de cette nouvelle traite.

CCCCLVII.

20 décembre 1858.

Mon cher ami,

Les bruits qui ont été répandus sur Bombrini et Balduino (1), l'ont été par GL. qui les considère maintenant comme ses ennemis mortels. Le fait est que ces deux messieurs sont fort engagés dans une foule d'affaires et que, si on les forfait à liquider brusquement, ils ne seraient pas mal embarrassés, tout en ayant, je pense, les moyens de faire, en définitive, honneur à leurs affaires.

(1) Le 1er, directeur de la Banque Nationale, le 2d directeur du Crédit Mobilier italien, tous les deux banquiers à Gènes.

G. prétend que Bombrini est surchargé d'actions de la caisse, à des prix élevés, qu'il a endossé des masses énormes de mauvais papiers, parmi lesquels il classe ceux d'Ansaldo (1) et de Rubattino (2). Il y a de l'exagération, sur un fond de vérité. On rendrait un grand service à Bombrini, si on pouvait l'aider à liquider l'affaire d'Ansaldo,, qui est la cause principale de ses embarras.

Je persiste à croire que l'usine de San Pier d'Arena, bien menée, devrait donner de bons résultats, même par rapport aux capitaux qui y ont été employés. Si l'affaire était dirigée par Robertson (3), je crois qu'on réaliserait de beaux bénéfices.

Je vous prie de tenir ce que je vous dis, pour vous seul car il importe immensément au pays, que, pour le moment du moins, la position de Bombrini ne soit pas ébranlée.

Quant à X..., l'interrogation que je vous ai adressée, a été motivée par un fait de peu d'importance. Vous savez qu'il habite la maison de Mr C. Or le portier a dit à Mr C., qui me l'a répété, avec des commentaires peu bienveillants, que Mr X... se faisait tirer l'oreille pour payer ses fournisseurs, et que les marchands étaient obligés de revenir à plusieurs reprises, pour se faire solder leurs notes.

Ce fait n'a rien d'extraordinaire, s'agissant d'un propriétaire foncier, dont les revenus rentrent souvent avec difficultés, et souffrent de notables retards.

(1)Industriel métallurgique, propriétaire d'une grande usine à San Pier d'Arena, dirigée en 1858, par les frères Paul et Louis Orlando, qui, en 1860, fondèrent leur grande usine et chantier de constructions maritimes à Livourne. Les frères Orlando avaient été menacés d'être expulsés de Gènes, pour avoir prêté la main à des mouvements révolutionnaires Mazziniens. (Lettre de Cavour à Angelo Conte, Intendant de Gènes,21 janvier 1859).

(2)Société de transports maritimes à Gènes.

(3)Industriel anglais, établi à S. Pier d'Arena.

Le marquis de N... a laissé, en mourant, beaucoup de dettes; le marquis de GL. en a fait autant; mais je crois que le marquis actuel les a en grande partie payées avec le produit de la vente de plusieurs immeubles.

Madame de Podenas n'a pas le droit de se faire enterrer dans l'église d'Albaro. Il faut qu'elle renonce à ce dernier voyage d'outre-tombe. Je pense que ses fils se résigneront à la garder dans leurs propriétés. Je trouve les actions de la caisse bien bon-marché. Mais, si on ne parvient pas à constituer une administration, qui inspire au public une entière confiance, elles baisseront encore.

Veuillez me dire si la maison L. E... et C. d'Odessa mériterait une entière confiance, dans le cas où il s'agirait de la charger d'une grande opération pour le compte du gouvernement.

Croyez à mes sentiments affectueux.

Camille de Cavour.

CCCCLVIII.

3 janvier 1850.

Mon cher ami,

Le conseil de la caisse générale a très bien fait d'adresser au ministre des finances la lettre dont vous m'avez envoyé copie.

Je crois, toutefois, qu'il y a eu de grandes exagérations dans les bruits qu'on a fait courir sur le crédit mobilier. Lanza m'a assuré qu'il n'avait pas vendu une seule action d'Acqui. Il y a, à Turin, un parti qui pousse à la liquidation de l'établissement. Les Bolmida sont à sa tète. H est bon d'être en garde contre lui. Je déplore que la Caisse Générale ait 8000 actions du crédit mobilier. Je pense que vous avez passé dans le compte de cette année, une forte somme aux profits et pertes.

Je vous serais obligé de m'envoyer le compte-rendu du semestre.

L'empereur doit avoir fortement rudoyé Hubner (1), le premier de Fan. Dans quinze jours, au plus tard, nous saurons à quoi nous en tenir sur les intentions de notre mystérieux voisin.

Adieu.

Votre dévoué

Camille de Cavour.

CCCCLIX.

18 janvier 1859.

Mon cher Émile,

Mon ami, que vous avez obligé l'année dernière, m'a remis 13,000 francs, en me chargeant de le libérer de la traite qui écheoit le 20 février. Veuillez calculer ce qui peut vous être du, pour solde, et le passer à mon compte courant.

Nous sommes absorbés par la visite du prince Napoléon (2). Elle est destinée à avoir des suites immenses, ou à nous faire faire un fiasco complet.

(1)A la solennelle réception du corps diplomatique, aux Tuileries, le 1er janvier, l'empereur adressa au baron Hiibner, avec un accent très froid, ces paroles (que Cavour appello ì'algarade de l'empereur à, Hiibner, Chiala, Lett. DXCI): «Je regrette que nos relations avec votre gouvernement ne soient plus aussi bonnes que par le passé, mais je vous prie de dire à l'empereur que mes sentiments personnels pour lui ne sont pas changés».

(2)Le prince Napoléou partit de Paris le 14 janvier. Le 18, comme ministre délégué de l'empereur, il signait un traité d'alliance offensive et défensive entre la France et le Piémont. — «Son mariage avec la princesse sarde, n'a pas d'autre but que d'ériger l'empereur en protecteur définitif de la cause italienne» (Lettre de Szarvady à Kossuth,13 janvier 1859). — La demande de la main de la princesse Clotilde pour le prince Napoléon, fut officiellement faite, le 28 janvier, par le maréchal Niel, aide de camp de l'empereur.

Il est probable que nous allons demander l'autorisation de contracter un emprunt (1), basée sur les événements et la concentration de l'armée autrichienne.. Adieu, mille amitiés.

Camille de Cavour.

CCCCLX.

21 janvier 1859.

Mon cher ami,

Si on ne vous demande aucun sacrifice pécuniaire, vous pouvez accepter (2), car, bien que l'affaire n'ait aucune chance de réussir maintenant, elle pourrait se nouer plus tard, et il est toujours bon d'avoir le pied dans l'étrier. Si la guerre va bien, la question changerait, à mes yeux, et je serais beaucoup plus disposé à traiter la cession de nos chemins.

A la hâte, mille amitiés.

Camille de Cavour.

CCCCLXI.

Turin, 5 février 1859.

Mon cher ami,

J'avais préparé une dépêche télégraphique, en réponse à votre lettre d'avant hier, mais, ayant été rappelé brusquement à la Chambre, je l'ai oubliée sur ma table; je vous en fais mes excuses.

(1)La Chambre commença la discussion de la loi pour un emprunt de 50 millions, le 7 février, et, peu de jours après, elle y fot votée par 116 voix contre 35. — Le 17 février, elle fut aussi approuvée par le Sénat, par 59 votes favorables contre 7 contraires.

(2)La lettre de Mr De la Rue manque, et il est impossible de dire de quoi il s'agit.

Quant à l'emprunt, je ne pense pas qu'il soit utile que vous alliez à Paris, avant qu'il soit voté par les Chambres. Nous avons le temps d'en causer, si vous venez faire une course à Turin dans le courant de la semaine prochaine.

Nous avons reçu des offres de deux maisons de Paris. Si, comme je le pense, le discours de l'empereur est pacifique, il se négociera sans difficultés (1).

Vous m'obligerez beaucoup, en envoyant à Tosco une traite à son ordre, sur Paris, à un mois de date. Croyez à ma sincère amitié.

Camille de Cavour.

CCCCLXII.

18 février 1859.

Mon cher ami,

Je n'ai pas de nouvelles de l'emprunt. Si on parvient à placer 25,000,000 à Paris, nous ne sommes pas embarrassés du reste, car nous avons des propositions pour les autres 25 millions.

Je crois que les souscripteurs feront une bonne affaire, s'ils savent réaliser à temps; car, il y aura un temps d’arrêt, pendant lequel on jouera probablement une farce diplomatique.

Adieu, mille amitiés.

Camille de Cavour.

(1) L'empereur prononça, en effet, le 7 février, à l’occasion de l'ouverture des Chambres, un discours, où, tout en déclarant que sa politique ne serait jamais ni provocatrice, ni pusillanime, il terminait en disant: «Loin de nous, donc, ces fausses alarmes, ces défiances injustes, ces défaillances intéressées ! La paix, je l'espère, ne sera pas troublée. Reprenez donc, avec calme, le cours habituel de vos travaux».


vai su


CCCCLXIII.

17 mars 1859.

Mon cher ami,

Je suis persuadé que Monale (1) accueillera, avec plaisir, toute proposition venant de votre maison. Je ne crois pas que nous ayons besoin, pour le moment, de casques et de cuirasses; mais nous manquons d'une foule de choses que les Français peuvent nous fournir.

Vous avez bien fait de ne pas prendre une forte dose du nouvel emprunt. C’eut été un dévouement inutile, car on nous a apporté plus d'argent que nous n'en demandions. Le pays et l'Italie entière, sont admirablement disposés; pour peu que les événements nous aident, je crois que, cette fois, nous ferons de grandes choses.

J'ai vu, avec beaucoup de plaisir, votre nom figurer dans le comité qui s'est formé à Grènes, pour secourir les familles des contingents.

Adieu.

Votre dévoué

Camille de Cavour.

(1) Alexandre Buglione di Monale, directeur général des postes, en 1856, directeur général du matériel et de l'administration militaire, en 1859.

CCCCLXIV.

Turin, (?) 1859.

Mon cher ami,

J'ai trouvé, à mon arrivée ici, votre lettre du 30 passé et l'incluse de Hambro. Je vous la renvoie, en me réservant d'y répondre, dès que je connaîtrai les intentions du ministre des finances.

D'après ce qui m'a été dit, je considère la question de la restauration des Ducs, comme abandonnée. Ceste celle de la constitution définitive de l'Italie centrale.

Adieu, mille amitiés.

Camille de Cavour.

CCCCLXV.

Genève (1), 1er août 1859.

Mon cher ami,

Votre lettre du 26 juillet ne m'est parvenue que hier. La demande que vous me faites, m'embarrasse beaucoup. Si la guerre eut continué, un emprunt de 2 millions sterlings eut été insuffisant; avec la paix, il serait trop considérable. Si l'on désarme réellement, on pourra marcher avec peu de chose. Mais, désarmera-t-on? Pour mon compte, je le crois fermement.

(1) A la suite de la «demi-paix» de Villafranca, 11 juillet, le comte de Cavour, justement irrité de voir ainsi brisées ses plus chères espérances, et indigné de la conduite de l'empereur, après une scène violente avec Victor Emmanuel, donna sa démission; et, après une retraite de quelques jours dans sa terre de Leri, il fit un voyage en Suisse et en Savoie «pour y oublier, au milieu des merveilles de la nature, les misères des affaires menées par les hommes» (Lettre à Madame De Circourt,22 juillet 1859).

 

La paix sortira des conférences de Zurich et du congrès, si congrès a lieu. Dans cette conviction, je ne conseillerais pas a Oytana (1) de se presser pour négocier un nouvel emprunt. Il se pourrait, toutefois, que la paix se fìt attendre, ou bien qu'elle fut plus coûteuse que je ne le pense et que, par conséquent, le gouvernement fut obligé de demander 2 millions sterlings au crédit. Dans ce cas, je crois qu'on pourrait, peut-être, avoir recours à John Bull, si la cité partageait ce retour de sympathie pour l'Italie, dont on aperçoit des symptômes dans les journaux anglais.

Au reste, je vous écrirai d'une façon plus précise, à mon retour à Turin. Je pars pour Chamounix. Ici je n'ai vu et ne veux voir personne.

Adieu, mille amitiés.

Camille de Cavour.

(1) Le commandeur G. B. Oytana, ministre des finances (1er ministère Lamarmora, 19 août 1859 à 16 janvier 1860), commença sa carrière dans la magistrature, puis devint, grâce à son activité et à ses remarquables talents, premier officier au ministère des finances, charge qu'il remplit, avec une rare distinction, pendant plusieurs années. — En 1854, il fut nommé secrétaire général des finances et directeur général du trésor, puis administrateur de la caisse ecclésiastique et directeur général de la dette publique. En 1858, après la démission de Rattazzi, Cavour aurait voulu qu'il acceptât le ministère des finances, qui, dans ce moment surtout, exigeait des talents hors-ligne de la part de son titulaire; mais Oytana s'y refusa et n'accepta que la charge de secrétaire général. Après la retraite de Cavour, Oytana accepta enfin le ministère des finances (1er ministère Lamarmora), et s'en occupa avec une incroyable activité. Ce fut sous son ministère qu'un emprunt de cent millions fut émis, pour faire face aux besoins du trésor. Oytana fut ensuite nommé conseiller d'État.

CCCCLXVI.

Aix,27 août 1859.

Mon cher ami,

Vous me demandez si on peut se charger, avec sûreté, d'un emprunt Parmesan-Modenais. Je vous réponds: oui, sans hésiter. Après ce qui. s'est passé dans ces pays, il est impossible qu'une restauration ait lieu (1). C'est chose trop monstrueuse, pour en croire capable, même la diplomatie. Ce qui est incertain, c'est si les Duchés seront réunis au Piémont; mais cela ne fait rien à l'emprunt, car, si Modène demeure indépendant, un fond modenais doit valoir un fond piémontais, à moins que le crédit des États soit en raison directe de la masse de leurs dettes. Modène ne doit pas un sou. Indépendant, il peut payer 3 millions en 2 ans. Je vous donne un avis sincère, non un conseil; car, malgré toutes les chances favorables, les choses pourraient tourner mal. Seulement, je vous le répète, je considère un emprunt Farini, aussi bon qu'un emprunt Oytana. Je pars demain, et je serai mercredi à Turin.

Mille amitiés.

Camille de Cavour.

(1) Grâces à l'énergie déployée par Farini dans l'Émilie, par Ricasoli en Toscane, par Cipriani dans les Romagnes; grâces an patriotisme des populations et grâces aussi au principe de non-intervention proclamé par l'empereur et appuyé par l'Angleterre, une restauration était en effet impossible.

CCCCLXVII.

11 octobre 1859.

Mon cher ami,

J'ai attendu d'être venu à Turin (1), et d'avoir conféré avec Oytana. pour répondre à l'aimable lettre que vous m'avez écrite, à votre retour à Gènes. Cela fait que je puis, en même temps, vous accuser réception de votre lettre du 9, qui est allée me chercher vainement à Leri.

Oytana paraît décidé à faire l'emprunt dans le pays, au moyen d'une souscription publique. L'époque de l'émission n'est pas fixée; mais, je pense que ce sera pour les premiers jours de novembre. Oytana est porté à n'accorder de favetir à personne, et à admettre tout le monde à souscrire, à des conditions uniformes. Croyez-vous qu'en adoptant un taux d'émission modéré, deux pour cent par exemple, au dessus du cours du jour, il obtienne les 100 millions dont il a besoin?

Je lui ai conseillé de ne demander que le 10 p. % en souscrivant, pour encourager la spéculation.

Je vous écris à la hâte, interrompu vingt fois par des importuns.

Nous nous occuperons du riz plus tard. J'ai vendu celui que vous avez refusé, 5,30.

Mille amitiés.

Camille de Cavour.

(1) De retour de son voyage en Suisse et en Savoie, Cavour, quoique n'étant plus ministre, fut appelé par ses successeurs à donner son avis sur les graves questions du moment (annexions des Duchés et des Romagnes, régence du prince de Carignan dans l'Italie centrale, etc. ), mais il se sentait peu d'accord avec eux, et en était regardé avec défiance; c'est pourquoi il venait peu à Turin et demeurait, de préférence, dans ses terres de Leri.

CCCCLXVIII.

Leri, 21 octobre 1859.

Mon cher ami,

Je suis revenu à Leri (1), où je me trouvé beaucoup mieux qu'à Turin. D'après ce que Oytana m'a dit, je crois:

Que l'emprunt se fera par souscription publique;

La souscription s'ouvrira dans les premiers jours de novembre;

On payera 10 p. % de suite, le reste en 9 termes;

L'on accordera une commission de 1\2 p. % aux souscripteurs de 100,000 francs de rente;

La Banque devra reprendre ses payements en espèces.

Tenez ces renseignements pour vous et pour vos correspondants de l'étranger.

Merci de l'Economist. Il fait mes délices.

Votre affectionné

Camille de Cavour.

(1) On pensait qu'un congrès allait se réunir à Paris, pour y traiter la paix de l’Europe, et en particulier, de l'Italie, et le ministère, quoique à contre-coeur, reconnaissant que Cavour était l'homme qu'il fallait y envoyer, lui fit des ouvertures dans ce but. L'opuscule: «Le Pape et le Congris», et la violente opposition du Pape et de l'Autriche, décidèrent l'empereur à renoncer à ce projet.

CCCCLXIX.

24 octobre 1859.

Mon cher ami,

Je reçois vos trois lettres à la fois. C. est un brouillon, qu'Oytana estime aussi peu que moi. Ne vous mêlez pas avec lui. Allez plutôt à Turin, parler au ministre. li n'a jamais eu l'idée d'accorder 2 p. % aux génois. Ce serait absurde.

Ne vous gênez pas pour moi. Grâce à Dieu, la calomnie ne m'atteint plus (1). Je ne sais si c'est parce que je suis au dessous ou au dessus d'elle, mais je n'en fais plus le moindre cas.

Je prends la liberté de vous recommander Mr Parente avocat de Chambéry, qui est à Grènes pour faire entrer son fils au collège de marine. On lui demande un répondant à Grènes; veuillez lui rendre ce service, sous ma responsabilité.

Mille amitiés.

Camille de Cavour.

CCCCLXX.

30 octobre 1859.

Mon cher ami,

Pendant mon absence, on a modifié mon projet, au ministère des finances; il en résulte un léger imbroglio. Ne vous en inquiétez pas; venez parler à Oytana, ou écrivez-lui.

(1) Ses adversaires accusaient Cavour d'intriguer contre le ministère et, en particulier, contre son ancien collègue Rattazzi, pour les faire tomber et leur succéder au pouvoir.

Contentez-vous de 1 Ii2 de commission; comme le taux ^era bas et les conditions de payement avantageuses, il y a de la marge.

Je retourne a Leri, peu édifié de l'habileté de mes successeurs; en politique, ils ne sont pas très forts, je vous assure (1).

Mille amitiés.

Camille de Cavour.

CCCCLXXI.

11 février 1860 (2).

Mon cher ami,

Tornati (3) ferait un bon député. Si Raggi (4) parvient à déloger les cléricaux de Varazze, il méritera une statue. On avait pensé pour ce collège, au major Pescetto (5), de Savone, neveu de Colla.

(1)Cavour et sea amis leur reprochaient, en particulier, leurs hésitations et leurs lenteurs, dans la question de l'annexion des Duchés et des Romagnes, et leur servilisme vis-à-vis de l’empereur.

(2)Le 19 janvier, à la suite de la démission du ministère Lamarmora, Cavour avait été appelé par le Roi, à former un nouveau cabinet, qui se constitua comme suit: Cavour, présidence, affaires étrangères et intérinalement, intérieur — Cassinis, grâce et justice — Fanti, guerre — Vegezzi, finances — Mamiani, instruction publique — Jacini, travaux publics. — Les élections des députés pour la VII législature, furent fixées au 25 et 29 mars 1860.

(3)Cristoforo Tornati, professeur d'anatomie à l'université de Gènes, puis à celle de Turin, représenta le III collège de Gènes, en 1860, et en 1876, le II.

(4)Raggi Edilio, habile commerçant de Gènes, fut nommé député de Novi-Ligure à la XII et XIII législature.

(5)Frédéric Pescetto, de Savone, officier du génie, se distingua pendant les guerres pour l'indépendance italienne, fut élu député de Varazze, à la VII législature, puis de Savone, à la IX et X.

L'avocat général Vigliani (1) doit s'être occupé de Varazze. Votre gouverneur est un homme très distingué, C'est, peut-être, le meilleur choix que E. ait fait.

Mille amitiés.

Camille de Cavour.

CCCCLXXII.

5 mars 1860.

Mon cher ami,

Je vous prie d'envoyer la lettre ci-jointe, à un de vos «correspondants de Constantinople. Sous l'enveloppe d'une maison de commerce, elle a plus de chances d'échapper aux:argus de la poste française. Naturellement, vous ne la ferez 3>as passer par Trieste.

J'ai vu Madame Lilla, je tâcherai de retenir son fils au ministère.

J'ai fort regretté de n'avoir pu soumettre à la signature du Roi la nomination de Mr Littardi (2) comme sénateur. Mais, ayant vérifié qu'il ne payait pas 3000 francs de contributions directes, je n'aurais su par quelle porte le faire entrer dans la vénérable assemblée.

Croyez, Mon cher ami, à mes sentiments dévoués.

C. Cavour.

(1)Le chevalier Paolo Onorato Vigliani, alors avocat général fiscal près la cour d'appel de Gènes, nn des jurisconsultes et des hommes politiques les plus éminents d'Italie, fut chargé par le gouvernement de plusieurs importantes missions, en particulier de celle de gouverneur de la Lombardie en 1859; nommé sénateur en 1860, ministre de grâce et justice en 1869 (3® cabinet Menabrea) et en 1878 (cabinet Minghetti) — enfin premier président de la cour de cassation à Florence.

(2)Mr Antoine Littardi de Port-Maurice, ancien receveur général du département des Bouches du Rh5ne, gendre du célèbre Corvetto.

CCCCLXXIII.

28 juillet 1860.

Mon cher ami,

Nous envoyons force renseignements à Mr Deona (1); mais il y en a un certain nombre qui se font attendre, nécessairement. Aujourd'hui on doit essayer à Grènes les plaques. Demain je déciderai la question des canons. J'écris,. je télégraphie, mais je ne puis faire marcher tout le monde à grande vitesse.

Le moment de l'emprunt approche. L'entente, qui parait devoir s'établir sur les affaires de Syrie, aura un bon effet à la Bourse.

C. C.

CCCCLXXIV.

10 août 1860.

Mon cher ami,

J'ai autorisé Mrs Villamarina (2) et Persano (3) à tirer sur votre maison, à l'ordre de Mr de Guspace, banquier patriote de Naples. Veuillez accepter leurs traites, dont les fonds vous seront faits par le gouvernement. Vous aurez ainsi, contribué à la délivrance du bas de la botte.

C. Cavour.

(1)L'ingénieur Deona, alors directeur de la Société des Forges et Chantiers de la Seyne.

(2)Le marquis Salvatore Pes di Villamarina, alors ministre sarde à Naples.

(2) Commandant l'Escadre sarde à Naples.

CCCCLXXV.

16 août 1800.

Mon cher Émile,

Je vous envoie une lettre de Mr Degas de Naples, banquier avec lequel Persano s'est mis d'accord. Soyez sans inquiétude, les fonds vous seront faits régulièrement.

Mille amitiés.

C. Cavour.

Il va sans dire que le trésor vous abonnera de commission.

CCCCLXXVI.

20 août 1860.

Mon cher ami,

Persano a tiré sur vous, à 10 jours de vue,100,000 fr. Il serait bon que vous vinssiez vous entendre avec Vegezzi (1). A la hâte.

Votre dévoué.

C. Cavour.

(1) L'avocat commandeur Zaverio Vegezzi, alors ministre des finances. — Député du collège de Borgomanero, grand partisan du comte de Cavour, prit une part active aux travaux du parlement, fut ministre des finances, de janvier 1860 à juin 1861 (3° ministère Cavour). En 1865, Vegezzi fut envoyé à Rome pour essayer d'arriver avec le gouvernement de Pie IX, à un arrangement sur les questions politico-religieuses qui s'agitaient alors, mais échoua dans sa mission. — Il fut nommé sénateur en 1867.

CCCCLXXVII.

28 août 1860.

Mon cher ami,

La question de l'établissement, à Naples, d'une Banque de circulation, présente de graves difficultés, que je ne saurais résoudre, comme on dit, sur deux pieds.

Si la Banque nationale demande à créer à Naples un établissement qui se confonde avec celui qui existe dans le Nord, je crois qu'il faut lui donner la préférence; car il est hors de doute que l'unité du billet présente des avantages incalculables.

Quant à la Banque de dépôt existant à Naples, on doit considérer ses engagements comme sacrés. Seulement, je ne saurais dire s'il convient d'en opèrer la liquidation; et, dans le cas affirmatif, de quelle façon cette opération doit avoir lieu.

Mille amitiés.

C. Cavour.

CCCCLXXVIII.

29 août 1860.

Mon cher ami,

Veuillez prévenir Mr Deona que, dans quelques jours, le marquis Dinegro (1) et un autre officier, iront à Toulon visiter les travaux que la Société exécute pour le compter du gouvernement; il est probable qu'à la suite de cette inspection, nous commettions une seconde batterie. J'ai vu Balduino.

Votre dévoué

C. Cavour.

(1) Le contr'amiral, marquis Orazio di Negro, — chef du Département maritime de Naples, en novembre 1860, lors de la fusion de la marine napolitaine avec la sarde, directeur de l'arsenal maritime de Gènes.

CCCCLXXIX.

12 janvier 1861.

Mon cher ami,

Il me serait aussi facile de faire une course à la lune que de songer à quitter Turin, entre les élections et la réunion du parlement. Veuillez donc exprimer à Deona mes regrets de ne pouvoir assister à la mise à l'eau de la Terrible (1).

Il serait à désirer que Deona put me donner une idée de votre projet de Dock. La question devient pressante, car on ne sait plus où se tourner à Gènes. Le Municipio pense à ouvrir une grande communication avec le Mandraccio; mais ce n'est qu'un simple palliatif. Un Dock, seul, peut mettre le commerce de Gènes dans un état normal.

J'espère peu de Gènes, en fait d'élections. Malheureusement, la majorité honnête et modérée est trop timide.

Toutefois, il me parait qu'on devrait éviter X…..... qui est un jésuite rouge de la pire espèce. Pourquoi ne nommerait-on pas Balduino, qui est à peu près parvenu à ressusciter le crédit mobilier. Sa présence à la Chambre serait avantageuse à l'établissement qu'il dirige. Cela devrait décider le vote des actionnaires, qui sont très nombreux à Gènes. Parlez-en à Oneto, qui, étant devenu semi-garibaldien, ne doit pas trouver Balduino trop rouge.

Croyez à ma sincère amitié.

C. Cavour.

(1) La pyro-batterie cuirassée, la Terribile (80 canons et 800 chevaux), construite per la Société des Forges et Charttiers de la Seyne, — y fut lancée, dans les premiers jours de février 1861 (Randaocio - Storia delle Marine militari italiane, IT, p.16).

CCCCLXXX.

22 janvier 1861.

Mon cher ami,

Merci de votre concours électoral. Je regrette que les génois n'acceptent pas Balduino; c'est le plus intelligent d'entr'eux. Sans Ini, le -mobilier serait mort.

Je suis favorable à Giovanni Ricci (1). Je crois qu'il est avec moi; d'ailleurs, comme marin, il en sait plus que tous les autres. Je le préfère à Tornati.

Celui que je voudrais exclure, c'est V. Ricci (2). Comme président du comité Bertani (3), il a jeté le masque.

Je vous prie de me faire connaître, d'une manière exacte, le prix au portofranco:

(1)Le marquis Jean Ricci, contr'amiral en retraite, plus tard sénateur et ministre de la marine, (8 décembre 1862 à 22 janvier 1863, cabinet Farini).

(2)Le marquis Vincenzo Ricci, ministre de l'intérieur en 1848 (cabinet Balbo), ami intime de Lorenzo Pareto.

(3)Le député, docteur Agostino Bertani, né à Milan en 1815, mort à Rome, en 1886. Ami intime et collaborateur de Garibaldi, commença sa carrière en soignant les blessés de Milan, lors des célèbres cinque giornate de 1848, puis ceux de Rome, pendant la république de 1849; prit part, comme médecin, à la plupart des campagnes de Garibaldi et dirigea, en 1860, le comité siégeant à Gènes, pour envoyer hommes, argent et munitions au héros populaire, en Sicile.

1° Du sucre raffiné;

2° Du white elayed (s'il y en a);

3° Du mascovado.

J'ai besoin de ces données, pour bien apprécier la demande des frères Dufour (1), pour l’établissement d'une raffinerie à Gènes.

Votre dévoué

C. Cavour.

CCCCLXXXI.

28 mai 1861,

Mon cher ami,

Je vous remercie des lettres que vous m'avez communiquées. L'emprunt n'est pas fait. Bastogi (2) veut absolument faire voter, au préalable, la loi sur l'unification. Il en est ravi et non sans raison, car elle est fort bien rédigée.

Le projet de la Spezia est prêt. J'attends Deona, il n'y a pas une minute à perdre, si nous voulons que la Chambre l'approuve avant de se séparer.

(1) Industriels génois, fabriquants de produits chimiques et, en particulier, de sulfate de chinine.

(2) Le comte Pierre Bastogi, alors ministre des finances, banquier à Livourne, y avait gagné une immense fortune dans l'exploitation des mines de l’île d'Elbe. Député an Parlement après l'annexion de la Toscane, il y représenta le collège de Cascina. C'est pendant son ministère que la dette nationale fut unifiée, et le Roi l'en récompensait en le créant comte. Impliqué dans la déplorable affaire des chemins de fer méridionaux, Bastogi, après l’enquête ordonnée par la Chambre, dut donner sa démission de député, an milieu de l'impopularité la plus générale. Il fut cependant, réélu député par le premier collège de Livourne, à la XII législature.

Cette queue de session est très fatigante. Je commence à en avoir assez (1). Croyez, Mon cher ami, à mes sentiments affectueux.

C. Cavour.

(1) «Le mercredi 29 mai, après une longue et orageuse discussion an Parlement, sur les volontaires italiens, le comte de Cavour rentra chez lui, triste, fatigué, préoccupé. Dans la nuit, il prit mal et, peu de jours après, le 6 juin, à 6 heures et ¼ du matin, malgré les soins les plus assidus, sans souffrance, sans agonie, il rendit son âme à Dieu». (De la Rive, 1. c., p. 832).


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INDEX ALPHABÉTIQUE

A

A, 412, 538.

A, 372, 422.

Ab bene Ange, professeur de chimie à Turin, 83°

Abereromby sir Ralph, ministre d' Angleterre & Turin, 136, 212, 229, 295.

AeeoMMto, boulanger à Turin et fournisseur de l'armée, 23, 57, 521, 522, 525, 534, 538, 540.

Acqui, 543.

Adriani, 139, 367, 368.

Agovle, 78.

Albaro (église d'), 543.

Alexandrie, affaires de chemin de fer, 5H-58, 67, 111, 218, 287, 297, 304, 448, 456, 471.

Alfieri di §o>tegno César, marquis, 11, 12 — Amis intime du comte de Cavour, 59-60, 62, 63, 94 — A quitté le ministère, 234.

Algerie, 477.

Allemagne, 133, 200 — Les nouvelles d'Allemagne me paraissent tout h fait favorables à notre cause, 238, 239, 304, 408.

Allemands, 297.

Alp3S, Projet de percer les Alpes, 66 222.

Amari Emerique, né en 1810 à Palermo, mort en 1870.339.

Ambrique, 64.307.388, 411, 485, 489.

Amsterdam, 372, 382.

Anderson, 426.

André, banquier & Paris, 75.

Andreis, banquier, 131.

Anglais, 184.

Angleterre, VI — Achat de six vaches et deux taureaux pour le Roi, 21 — Prodat de la race courtes-cornes, 23 — La récolte des blés a été énorme,

64 — 91, 99, 106, 112, 129, 144, 148, 151, 168, 179, 181, 186.188, 195-201, 209, 212, 215, 219, 222, 223, 233.238, 203, 266, 315, 363, 379, 388 Traitós de commerce et de navigation, 410 — 422, 431.438, 440, 441, 444, 447 —Le traité d'alliance du Piémont avec la France et l'Angleterre fùt signé le 10 janvier 1855, 485-486, 491, 494, 495, 503, 509, 533, 536, 540.

Anglo-Sarde (emprunt), VI — 449, 451.

Annecy, 503.

Anone, 331.

Ansaldo, industriel métallurgique, 542.

Aoste (Très médiocres récoltes dans la vallée), 82.

Abona, affaire de chemin de fer, 56 — 111, 394, 489, 490.

Asti, 48, 51, 89, 91, 92, 96, 98, 110, 111, 329, 33L

Astesama, 339.

Atzel (monsieur et madame), 371.

Autriche, 104, 159, 173, 180, 21C, 212, 219, 222, 223 — L'empire me paraìt perdu sans ressource, 239 — 287, 295, 299, 320, 324, 325, 328, 340, 344, 397, 408, 414, 422, 451, 456.466, 509.

Autriche (Ambassadeur), 163.

Autrichiens, 314.

Anvare (d'), 408 — 415.

Avet, ministre de gr&oe et justice, 22.

Avigdor Henry, comte, député du collège de Gavi, 370.

Avigdor Jules, député de Nice, 373, 374, 879, 536.

Avogadro di Casanova. V. Casanova.

Aynard, 467, 514.

Azeglio (D') Maxime (1798-1866), soldat, peintre, écrivain, orateur et homme politique, 183, 251, 299, 300, 301, 317, 338, 339, 352, 394, 400, 435, 441 — Ambassadeur du royaume de Sardaigne à Londres, 495 — 496.

B

B (Marquise).230.

B, 186, 193, 195, 197, 198 — La nou?eile de la suspensioil de B. nous a jétés dans l’inquiétude, 195 — Banqueroute, 199-200 — 203, 208, 235.

B., 83, 115.

B. et N., bananiera, 37.

B et D, 67.

B, 280, 281.

Badino, riche négociant vercellais, 99, 103, 160-162, 394.

Baiatalo, 303.

Baibe César, comte, né à Turin en 1789, mort en 1858 — Alcune parole, 172 — 175, 183, 184 — Président sans portefeuille au ministère, 194.

Balbi, 178.

Balduino, 90, 101.106, 142, 147, 156, 161, 180, 182, 189, 190, 193, 218, 232, 233, 237, 282, 328, 329, 332, 333, 338, 350, 359, 367, 465, 530, 541, 559, 560.

Bale, 66 — On craignait un mouvement radical, 82.

Baltique, 19.

Baratta, directeur des douanes à Gênes, 22, 302.

Barbaroux, comte, banquier à Turin, 54, 56, 60, 116, 118, 139, 149, 168, 170, 178, 179, 346, 350, 409, 412.

Barcelone (Bombardement de), 221, 295.

Baroi (di Falletti) Charles Tancredi, marquis, 19.

Barranti, 399.

Bartholony (Compagnie), VI, 492.

Bastide Jules. ministre des affaires étrangères à Paris, 222.

Bava Eusèbe, général, 352, 354.

Bandoli, 160, 162, 172, 176, 185, 188, 198 199.

Belgique, 284, 410, 415, 436, 463.

Bellinsone, 173.

Bellone Sébastien. Voir Maisons.

Beltramo, 101.

Beltranl, 99.

Belvedere, colonel du 18 régiment de ligne, 289.

Bersaglieri, 315, 354.

Bertanl (Comité), 560.

Berti Dominique, X.

Bertini, banquier à Paris, 54, 76, 97, 136.

Bessana, 303.

Bianchieri Joseph, ing.. député du collège d'Oneglia, 418.

Bianchi Nicomède, X.

Bibliothèque universelle de Genève, 123.

Biella, 392, 393.

Birkenhead, 426.

Bixio Nino, Est un homme froid, qui juge sainement, 303.

Blane et Matta leu et Comp., 341, 441, 450.

Bionay (de Vevey ingénieur.390.

Boario, honnète secrétaire, 202, 203.

Bola-ie-Comte, ministre de France à Turin, 221, 222, 237, 295.

Bolena, négociant suisse & Turin, 102.

Bolmida. banquier à Turin, 76, 117, 121, 148, 149, 163, 228, 240, 268, 270,  272, 307, 308, 314, 320, 344, 372, 397, ! 405, 437, 493, 494, 496, 499, 503, 505, 507, 508, 515, 543.

Bologna, 185.

Bombrini Charles, directeur de la banane de Gènes, mort en 1882, 120, 121, 123, 224, 245-247, 259, 317, 330, 336-338, 342, 345, 351, 358, 405, 455, 458, 468, 471, 499, 501, 502.512, 530, 537, 541, 542.

Bona Barthélemy, chevalier, 148, 151, 152, 158, 164, 208, 2'5, 295, ?97, 312, 325, 334, 368, 369, 391, 446, 447, 532.

Boncompagni di Mombello Charles, comte, au ministère de rinstruction publique, 194 — Plénipotentiaire du Piémont, 294-295.

Bonneville.74.

Borami, 295.

Borbo (Vallée de), 48.

Borelli Hyacinte, comte, 179.

Borgo Ticino, 103.

Boralno, 176.

Bourget, 93.

Brambilla. Voir Maisons.

Brignone-Sale Antoine, marquis, 330.

Brongham Henry, Bàtiment, 19.

Brofferio Ange, 244, 263, 264— (1802-1816), avocat distingue du barreau de Turin, 322, 368, 374, 416.

Bruek, 295, 320, 324.

Brunel, 47.

Bruna, 506. Bruxelles, 156.

Buenos-Atres, 540.

Buffa Dominique, né à Ovadaen 1818, mort en 1858, 251-257 — 258 — 264, 275, 355, 450.

Buffeaud, 217.

Burkard, 164, 176.

Bary, commandant militaire de la Place de Turin, 167.

Busalla, 449.

C., 542 — 553.

C, 90-92, 98, 103, 148, 153, 155, 157, 161, 176.

C. et S., 378.

C et J, 113.

C., 113, 119, 131.

Ce, D et C., 75.

Cabelin, Maison d'expédition, Voir Maisons.

Cabella César, avocat, député du collège de Voltri, 276 280, 329, 350.

Cadorna Charles, député de Pallanza, 461.

Cagliari, 28 — Affaires des banques.39-43, 500.

Cagliari, vapeur rendu par le gouvernement napolitain, 535.

California, 385, 388, 407, 411.

Campion (Permanence de cinq jours du

comte Cavour en compagnie de Rórà à ), 62, 166.

Cambiano, 250.

Cambiato, 228.

Canfferi Louis, 506.

Capello, 57.

Carignani, 123, 159.

Carigmn (Palaia), 2<i8.

Carignan. Voir Prince.

Carlo Felice (Théâtre), 535.

Carmagnole, 437.

Carpi, 481, 82.

Casal, Le comte Cavour a parcouru les provinces qui bordent le Pó, depuis Casal jusqu'à Pavie, 63 — 318, 471.

Catalogno, 302.

Casana, banquier, 37, 50, 119, 121, 168, 178, 228.

Casanova (Avogadro di) Alexandre, lieutenant-général et sénateur du royaume, 219, 329, 334.

Casainia Jean Baptiste, avocat, 279, 289.305, 307, 310, 461, 462.

Castagné, 59.

Castagneto (de Trabucco) César, comte, sénateur du royaume, 134.

Caatelli Michelange, A.

Caatelbourg (Bongiovanni di) Camille, comte, secrétaire chef de division au ministère des finances, 441.

Castel Alfero, 329.

Casteggio, 288.

Castellani, 148, 150.

Castelaln, maison, 151, 215.

Cavalgnac Louis, 217, 222, 236.

Cavaarnara, génois, agent d'affaires, 56, 53.

Cavatila, marquis, directeur générale des postes à Turin, 132, 138.

Cavour Camille, comte, V, VI. VII, Vili, IX, X.

Cavour Michel, marquis, IV.

Celeala, 253.

Ceppi Laurent, comte, 121, 280.

Cerruti, 184.

Cevaaco, 366.

Charlea Albert. Voir Roi.

Charliis (Le curé de Saint-), 391.

Chambéry, VI — Affaire de banque, 35 — 106 — La bande dites des Voraees de Lyon, avait envahi Chambéry et proclamé la république, 200 — 242.

Chamounix, 549.

Chanmontell, conseiller, 77.

Chénes (Assemblée populaire à), 79.

Chiari, ville près de Milan, où expira le marquis de Barolo, 19.

Chincha (ile), 432.

Chine, 307.

Chiodo, 251.

Chivas. est traversé chaque jour par 26 diligences, 67 — On trouve difficilement de la marchandise en parfait bon état, 81 — 84.

Chrmanowakl, général polonais, 282.

Champion, navire, 200.

Cigala (Martini di) Henry, 174.

Claterne. Vedi Prince.

Cisterne (Palais du Prince de la), 168.

Civica (Garde nationale). Le comte Cavour fùt capitarne de la l. e Comp., section Monviso, jusqu'au 11 octobre 1850, 192.

Clara César, procureur, 305.

Clarendon George (lord), 509.

Clermont Tonnerre (De), duchesse, IV.

Cobden, grand économiste anglais, 134.136, 137, 139.

Codini, 409 — 472.

Colla Frédéric, avocat, contrôleur général, sénateur du royaume, et premier Président de la Cour des comptes, 213.

Collegilo (Provana di) Hyacinte, général (1793, 1856), 59— Honnête homme, mais esprit faible et étroit, 207, 208.

Colleono (Moulin de), 389.

Collegno (Société de), 534.

Colli (de Felizzano) Victor, marquis, major général, 266, 276.

Colobian, comte, ancien officier de gendarmerie, 135.

Cóme (Chemin de fer), 92.

Coni, 318 — (Lignes de), 493.

Concordia (La), journal politique fondé à Turin, 173, 183, 231, 364, 366.

Coq, navire sur lequel le comte Cavour avait expédié une cargaison de riz et de blés au Havre, 133, 13S, 141, 145, 152, 155.

Corse, 110-112, 123.

Corriere Mercantile, journal commercial et politique, publié à Génes sous la direction ae Jean Antoine Papa, 231, 319.

Costantjnoplb, 486, 5ó6, 555.

Cotta Joseph, chevalier, banquier, 37, 52-54, 56, 58, 276, 298, 409.

Craveri Antoine, né à Moneglia en 1811, mort le 22 février 1870, 244.

Crimée, VI, 489, 490 — Fournitures, 521.

Culoz, 492, 503.

Cumming, capitaine, 65.

Cuato (Compagnie), 133, 374.

Cuato Alexandre, négociant en grain, 466.

Cuaani, 468.

D

D 88 — 95, 508.

D, 96, 390.

Dabormida Joseph, général, 294, 314, 486.

Danoise (Obbligation, 419.

Oapplea, 198, 199.

Darse, La Darse de Gênes, pour y débarquer les rails, 145, 406, 425, 426, 515.

Davenport Madame, 304, 306.

Davidy, 14, 17, 44, 101, 105, 147, 151, 152, 154, 155, 157, 176, 178, 189, 196, 251, 318, 319, 375, 381, 413.

D'Azeglio (Tapparelli). Voir Azeglio.

Deferrari, avocat, homme d'un grand talent, 276.

Degaa, de Naples, banquier, 557.

Dearrottl, employé du comte Cavour, .188.

De la Rive Eugène, Vili, 88, 147.

De la Rive Dividili, 11, 34?, 352, 387, 390.

De in Rue Émile, IV, V, VII.

De la Rue Gódéon, IV.

De la Rue Hyppolite, IV, 18, 359, 485.

De la Rue Jean, IV.

Delleplane, courtier en blés & Gènes, 490.

Demarchi, 365.

De margherita, baron Louis, ministre de grâce et justice, 283, 361, 301.

Denlnii, banquier, 117.

Deona, ingénieur, 556, 558, 559.

Derby (lord), 489, 440.

Desambrol (de Nevache) Louis, che Duvalier, 61, 62 — Au ministère des travaux publics, 142, 194, 251.

Deus. Sorelle (Guano de), 133.

Dlnegro Horaoe, contr'amiral, marquis, 558.

DIsraeli (Beaoonsfield) vioomte Benjamin, 440, 444.

Docks, 427, 429 — (Projets du), 459-460, 462, 465, 466 — Du Mandraccio, 467, 470, 474, 503, 508, 509, 515-518.

Doire (Vallée), 66.

Dorla Georges, marquis, de Gènes, 181.

Druey Henry, avocat et homme d'État du Canton de Vaud, 78.

Duchés (les), VII, 212, 550.

Dupré, banquier, 37, 50, 56, 87, 89, 98, 131.

Dnport, baron, 9, 50, 54.

Dorando Jacques, né à Mondovi en 1807, 220, 225, 234, 264.

Durand, de Londres, 203.

Dutolt, négociant suisse à Turin, 102.

E

Economist, journal, 552.

Elehtal Adolphe, banquier à Paris, 52, 123, 385-387, 390. 405.

Elio, général carliste, 356

Ellena Dominique, syndic de Gènes, député de Gènes, 467.

Emperenr Napoléon III, prouve

chaque jour plus sa complète incapacité, 236 — Est foroé de se jeter dans

les bras des slaves, et de se séparer

de l'Allemagne, 239 — 287, 319. Espagne, 477.

Espartero, 221, 295.

États-Unis (Consul des), 184.

Europe (Marchés d'), 16, — 64, 255, 256, 278, 300, 305, 388, 411, 466, 510, 546.

Examiner, journal, 132, 138.

Exposition des Produits de l'Industrie

Sarde, 45.

F

F..., 122, 1?3, 150.

F. d'A..., de Naples, 450.

Falco, agent du comte de Cavour, 83.

Falkirk (Coussinets de), 211.

Fantini, 336.

Farina Paul, avooat génois, député au Parlement, 231, 373, 376, 421.

Farini Louis Charles, médecin né à Russi de Ravenne en 1812, 454, 455, 550.

Favre Léon, frère du célèbre Jules, nommé consul général de Franco à Génes en 1848, 221.

Fasy James, 77-79, 82.

Fèder, premier hótel de Gènes, à cette époque, 171.

Feder, premier hótel à Turin, 77, 429.

Fédéral, journal, 77.

Fénestbells, 98.

Fernex (e) Charles, banquier genevois à Turin, 49, 56, 97, 118, 130, 131, 143, 230, 274.

Fernex (de) J., 382.

Ferrara François, professeur, né à Palermo en 1810, réfugié à Turin, pour

avoir pris part au mouvement sicilien de 1847, 245

Ferrare, 159.

Ferrari Raphadl, marquis, due de Galliera, prince de Lucedio, 45, 525.

Ferrari Dominique, qui devint premier président de la Cour de cassation, 213.

Pigoli Charles, 402.

Flandre, IV.

Florence, 185, 265, 514.

Fontainebleau (Le château), 247.

Fontaine d'Or, auberge d'Asti, 329.

Fossvno, 233.

Foseo, 436.

Fonld, 405, 449-451, 453.

Franslni, au ministère de la Guerre, 194.

Frankfort, 408, 517.

France, 19 — Le blé augmente chaque jour, 85 — 98, 100, 10/, 124, 126, T46, 153,180, 191, 205, 212, 219, 221, 223, 229, 230 — Ne veut pas intervenir et

se f... de nous, 233—246,255-258,266, 284, 299, 303, 304, 307, 308, 327, 345, 353, 363, 369, 374. 386, 387, 397, 410, 414 — Le traité ae commerce et de navigation, 421 — 436, 440, 442, 485, 505, 509, 540.

Français (Les), 488, 547.

Frère-Orban, ex-ministre belge, 462.

Frel Frédéric, né en 1800 à Aaran, mort en 1873, 78.

Fribouro (Suisse), 79.

G

G., 147, 149, 150, 153, 197, 325, 327, 351, 384, 405, 507.

e. et 9V., 370.

G. R. de la T... et C. Voir Maisons. 123, 133,143, 196, 200, 206, 214, 215, 231, 540.

G. (Les), 369

G. marquis, 542.

Gallina (di Guarene) Etienne, comte, 10-12, 20 — Affaires de banque, 33-34, 40, 41, 49, 59, 60, 62, 293

Galignani, journal, 520.

Galvagno Jean Philippe, avoc&t, 325, 358, 368, 401.

Gamba, 361.

Garibaldi Joseph (Les journaux retentissent des louanges de), 30? — L'arrestation de Garibaldi a mis en emoi nos rouges, 335, 337.

Gazette Piémontaise, 489.

Geneys (Des), frégate de la flotte sarde, 482, 483.

GÉNES, III, V — Cholera du 1836 , 6 — Fondation d’une banque, 10, 29, 32 — Question d'emprunt féodal, 38 — Affaires des banques, 40 — 42-44, 46 — On peut améliorer les statuts de la banque de Gènes, vaille activement, 52 — 56, 58, 59, 63-65, 85, 87, 88 — 90 — 91, 93, 90, 100-114, 110, 111. 113, 116, 120, 121, 126-128, 137, 138, 140, 143, 140, 147, 149, 151, 153, 157, 159, 100. 166, 168, 170, 174, 175, 178, 179, 181. 186, 18$, 1-9, 191, 193, 198, 201, 206, 209, 211-215, 221, 225-227, 231 — Los désordre de Gênes m'amient, 235 — 240-242, 245, 246 — Les tristes événements de Gênes, 251 — 25?, 256, ?58, 259, 263, 204, 268. 269, 274, 284, 2Só, 288, 290, 292, 595, 298, 302, 310, 312, 313, 318, 321, 329, 334-338 , 342. 344 , 315-347, 350, 351, 3(52, 361, 365, 367, 370-372, 381, 383, 387, 388, 392, 391, 396, 400, 402, 103, 407, 410, 411, 415, 416, 426, 427, 429, 431-433, 441, 442, 414. 445, 449, 450, 455. 156, 4i>9, 4IÌ0, 161, 465-467, 470, 472, 477-479, 4*2, 484, 487, 497, 499, 502, 504-508, 511, 513, 514, 516, 519, 520, 526. 531, 534, 535, 537, 54 ), 547, 551, 553. 556, 559, 560.

Gènes, IV, 52 — 57, 58 — 70, 71, 74, 75, 80. 82 — Révolution du 7 octobre, 73 — 98, 100, 118, 123, 145, 146, 148, 175, 230, 305, 306, 529.

Génois, Ils ont fait un mal immense à la cause italienne ,210 — Plusieurs

émigrés italiens s'étaient réfugiés à Gènes, 219, 225, 227 — Si les Génois

sont aussi timi des et poltrons on affaires que sur le champ do bataille. je

ne sais qu'y faire, 228 — 238, 247, 268, 330, 386, 465, 466, 485, 487, 523.

Gibbs (A.) et Comp. Voir Maisons.

GIBRALTAR, 138.

Gioberti Vincent, abbé, IX, 215 —

Ce malheureux Gioberti, furieux de ne plus faire part de ministère s'est mis à exciter les' passions populaires, 216 — 217, 231, 233, 235 — Tombe tous

les jours. Ce ne sera plus bientôt qu'une idole brisée, 240 — 249, 250-252, 256, 257, 263, 264 — La chute de Gioberti a èté un drame honteux, 265 — 267, 283, 284.

Gioia Pierre G., avocat, collaborateur du Risorgimento, 249. 250, 363.

GIOGHI (tunnel), 90, 302, 310, 394.

Gladstone, 489.

Goldsmith de Francfort, 342, 394, 406, 517.

Golzio, directeur des travaux et grand entrepreneur des travaux publics, 76, 109-112, 120, 123, 126, 131, 132, 134, 137, 141, 142, 144, 145, 147-149, 150-153, 156-159, 162-165, 168, 170-172. 176, 179, 183-185, 188, 195, 203-205, 209, 212, 297, 298, 301, 302, 309, 324-326.

Golzio, Casalegno et Gobbi, 302.

Gordon Henry (Sir), capitaine anglais, 490.

Gòrgey Arthur, général des Hongrois, 326.

GOTHARD, St-, 68.

Graffigne, 101.

Graham, sir James, 439.

Grand Baron, 499.

Grauet (Madame Augusta), veuve d'Emile de la Rue, III, 195, 346, 394.

Grattimi Severin, nè à Voghera en 1816, mort à Turin 1876, 517.

Grattoni-Sommellier, expériences, 514 — Système, 516.

GRWZAKK, 2, 3, 13, 18, 21, 163, 164, 306, 307, 389.

Guest, fournisseur des rails pour la ligne de Savigliano, 296, 298, 384, 391, 392, 394.

Guspace, banquier, 556.

H

H., 188, 389, 419, 420, 251, 351, 421, 432, 420, 423, 424.

H...., 98.

H. F. et C. Voir Maisons.

II. c. et fila de Liverpool. Voir Maisons.

II. m..., chef de la maison A. M. de

Moscou, 85, 87.

H... et 91..., 196.

Hall John, 90.

Hambro Charles, VI, 5, 418, 424, 425, 427, 427, 430, 431, 433, 435, 436, 439, 441, 443, 444, 447, 449, 450, 451, 453, 455, 457, 469, 471-473, 475, 479, 482, 433, 487-489, 493, 495-499, 503, 508, 512

513, 519, 520, 523, 548.

HANOVRE, 461.

Haslewood Edouard, banquier à Londra, 428, 431-433.

HAVRE, 116, 124, 145.

Hajnau, 326.

Heath, 129, 130, 438.

Heath Fu rat et C. Voir Maisons.

Heine (d), 471 — Commerçant à la Nouvelle Orléans. 482, 483.

Herald for Europe de New-York, 184.

Hoard (Madame), 306.

HOLLANDB, 19.

Hollandais, 234.

HONORIS. 328— Insurrection hongroise, 314.

Hottlngre, 341.

Hubner, Joseph, baron, 509, 544.

Hudson James (sir), 494.

I

INDE, 64.

INDES (Compagnies des), 361.

Iselin A. et C., à New-York. Voir Maisons.

ITALIE, VIII, 113, 123, 238, 246, 255, 266, 364, 547-549.

J

J.... Voir Maisons.

J. B. F.... de Pavie. Voir Maison.

Jalliet, colonel dans la brigade de Savoie, 144 — Ami intime de M. É. de la Rue, 258 — 279, 315, 321, 356, 504.

John Ball, 426, 540, 549.

Josti Jean, député da collège de Mortara, 253, 367.

Jullien, 125.

K

Kliton, 182-184.

Kopfer, 518.

L

L. Voir Maisons.

L., 80.

L. B., 255.

L. B... et C., d'Odessa. Voir Maisons.

L. H., 255.

L...., de la maison L. et V., 85 — Me paraìt nn homme sérieux, 185.

LÀC MAJBUR, 112. 215. 392, 394.

Lafitte, 451, 492. 503.

Lamarmora Alphonse, général, 256, 264, 288, 289, 291, 292, 295, 296, 315, 325, 352, 393, 401, 402.

Lamarmora Alexandre, 264.

Lamarmora Edouard, 476.

Lamelina, 217.

Landaur, 347, 360.

Landaner, 535.

Lanidowne, 440.

Lama (Fabrique à Turin), 268, 367,543.

Larghi, 310.

Lannaj, général, commandait la division militaire de Gênes, 242.

Lasotti, un des principaux chefs du mouvement révolutionnaire de Gênes. 288.

Ledru-Bollin, 256.

Leonino, banquier à Gênes. 344.

LÈNI. 3-5, 53. 87, 101, 108, 121, 158, 159, 161, 162, 228, 229, 261, 280, 294, 332, 854, 356, 380, 384, 396, 400, 433. 435 — Les environs de Léri sont infestés par le cholera, 476 — 490,551, 552, 554.

Lerante, IV.

Leater, consul des États-Unis.

LEVANT, 178.

Levai, 480.

Levi, banquier à Turin, 54, 339.

Levoi Gustave, 58.

LIGURIE, 477.

Lilla (Madame), 555.

Litta e C., 56.

Littardi Antoine, de Port-Maurice, 555.

LIVODBNE, 126, 245, 427, 431, 529.

LIVERPDOL, 65, 71, 87 . 90, 101, 129, 153, 154, 156, 157, 164, 168, 232, 426.

Lombard, de la maison Lombard-Odier de Genève, 420, 421.

Lombards (Les), 235, 242, 299.

LOMBABDIE, VII — Culture des prairies et des mûriers, 63 — 104, 212, 265.

LOMBLLINE, 42, 63.

LONDRUS, 91. 96. 101, 130, 131, 138, 152. 156, 1115, 2i-of 203, 209, 263, 279, 288, 289, 293, 315, 317, 326, 348, 856, 88S, 389, 419, 422. 423, 425, 426, 429, 480, 436, 438, 440, 411, 449, 455, 457, 463, 164, 467, 470 475, 484, 487, 494, 495, 505-508, 511-513.

Long et fils. Voir Maisons.

Long, 101, 103, 108, 118, 128, 130, 131, 198, 230, 30S 314, 318.

Lonla Philippe (Gouvernement de), 203, 231.

Luoquois (Les), 168.

LYON, Des maisons de Lyon sont disposées às y intéresser pour de fortes sommes pour la banque de Turin, 41-50, 100, 133, 136, 199, 363, 484, 504, 507.

M

M, 91, 92, 95, 112, 115, 126, 129, 130, 132, 140-142, 145. 149, 151, 153, 150, 157, 160, 164, 176, 180, 184, 185 — Il est menteur comme un Russe, 188-189, 193, 197, 203, 206, 212, 214, 243.

M. C'est un honnête et gentil garçon, 493.

M., 465.

H. D., 69, 70, 71.

M. et C. Voir Maisons.

MM. T. et P., 71.

M. Nt.t., 73.

M. et Sont d'excellentes gens, 209.

M. e. B., correspondant de Mr Serra à Gênes, 8.

M. L. O., 71.

M. chimiste fort habile, 262.

M. B., 262.

M... et H...t 195.

Madgyars, 314.

MADRID, 278.

Maga (La), journal politique, 460-462, 465, 466, 481.

Magnone, banquier génois, 27, 28 — Emprunt, 29 — 38, 39 — Rentes Magno ne 43 — 69.

Maisons de commerce. Bellone Sebastien, 149 — Blano Mathieu et C., 341, 441, 450 - Brambilla — Cabella, 96, 133, 146, 148, 156, 240 — Ch. D. et, 75 — D...., 62, 96, 390 — Gibbs, A. et C., 431-433 - G. R. de la T... et C., maison de Marseille, 60, 61 — H. C. et fils de Liverpool, 86 — Haeth Furst et C., 150-152, 155, 439 — H. F. et C., 89, 90 — Iselin A. et C., à New-York, 485, 489 — J..., 412 — J. B. F. de Pavie, 126,150 — L..., 112 — Litta et C., 56 — Long et flls, 54 — L. R... et C. d* Odessa, 543 — Melwych et De la Rue, Liverpool, 5, ( TL 101 —M. M. D....et C., 73 — Millo, k Gènes, 3ç_ Modéna, 23 — Morris, Prévost et C., 22— Nigra, 35, 36, 49. 55, 56, 58, 68,109, 118,126, 144, 246, C72, 287, 352 - P....F.... et C., tO — R... C.... et C., 162— R... et S..., 193, 2M, 37(i — Rayalle

et Bellone, 143, 147 — Sella et C., 408— Turrettini, Pictet et C., 75.

Malines, 157.

Malmesbury, 533.

Mamiani Terence, délia Rovere, né à Pesaro en 1800, 359.

Mameli Christophe, chevalier, avocat, 362.

Mancardi, banquier à Turin, 54, 76.

MANDRACCIO, 508, 559.

Manno Joseph, baron, Vice-président du Conseil suprême de Sardaigne, 27, Marie Christine, fille cadette de Victor Emanuel I, 14, 288.

MARINS, 515.

Marsan (St-), capitaine d'artillerie, fils du comte de St-Marsan, 68, 166.

MARSEILLE, 20, 61 — 85 — 99, 100, 101, 113, 116, 124, 126, 133, 143, 147, 166, 191, 198, 428, 512.

Massari Joseph, X.

Massardi, 117.

Maibien, 341, 450.

Mans Henry, célèbre ingénieur belge, 69, 71.

Massini Joseph, 360, 522, 540.

Massuchelli, 161.

MEDITERRANEE, 19.

Meliy de Liverpool, 148.

MELBOURNE, 22.

Melehloni, 209.

Melhwisli, C2ray, de Londres, 165.

Melwisch et De la Bile, négociants à Liverpool. Voir Maisons.

Menabrea Louis Frédéric, général, de Chambéry, 420.

MER-NOIRK, 64.

Merlo Félix, né à Fossano en 1793.

Professeur à la faculté de droit & Turin, 216.

Mercier, 130, 133.

Merelli, 352.

Messaggiere. journal, 316.

MESSINE, 427.

Mestresat Marie, IV.

Mestresat, banquier suisse à Turin, 56, 58, 86, 109, 117, 118, 121, 130, 131, 143, 240, 268, 270, 314, 346, 372, 381

389, 453.

Metternich, prince, 13?.

MILAN, 87, 92,137,145, 295, 296, 302,314, 394 — Le 6 février 1853 avait eu lieu la fameuse tentative mazinienne, 449.

Milanais, 223.

MODAKB, 503, 525.

Modésa. Voir Maisons.

MODANE, 550.

Monaie (Buglione di) Alexandre, 547.

MOKCAUBRI, 65, 114, 122 — La semaine prochaine, on ouvrira le chemin de

1er jusqu'à M. pour amuser les badauds, 16 septembre 1848, 228, 250.

MONDOVI, 85.

MONTEVIDEO, 407.

MONT-CENIS, 114, 514.

MONT-GBNOVRB, 65.

MONT-ROSE, 461.

Morchio, père de l'avocat Morchio David, compromis dans les affaires de

Gênes, 253, 410.

Morris, Prévost et Comp. Voir Maisons.

MORTARB, 456 — (Théâtre de), 174.

Moscou, 189.

Moulins de Collegno, 521, 525.

Moutura, hôtel de premier ordre & Turin, 77.

Mull-Serey, 9.

N

N..., marquis, 107, 115, 542.

N...., 412.

NAPLES, VII, 178, 181, 182,188, 427, 458, 556, &8.

Napoléon f, 77.

Napoléon III. Voir Empereur.

Napoléon, prince. Voir Prince Napoléon.

Naville (de Châteauvieux), G. Edouard, conseiller d'État à Genève, 57.

Nautilus, navire. 200.

Neumann, 517.

NEW-YORK. 184, 411, 483.

NICE, 35, 137 — Les affaires de Nice sont plus ridicules que graves, 420 —

516.

Nigra. Voir Maisons.

Nigra Jean, commandeur, ministre des finances, 292, 293, 295, 299, 300, 308, 311, 312, 314, 315, 317, 319. 320. 321, 324-326, 328, 338, 340. 341, 343-348, 356, 361, 364, 36E-368, 370, 372. 374-376, 378, 381, 383, 384, ?87, 395-S98, 401, 408, 409, 410, 412, 414, 416, 417.

Noellls, avocat, 361.

NORD, 66, 558.

NOUVELLE-ORLEANS, 481, 482.

NOVARB, 321, 457, 471, 481.

NOVARAIS, 42, 103, 104.

NOVI, 48, 106, 108, 111, 310, 355.

O

O..., 82, 131.

O... et B... et B..., 92.

Ochaenbein Ulrich, de Nidau, rédacteur du journal radical La Jeune Suisse, 78.

ODESSA, Blé d'Odessa et de Marianopole, 15, 25.

Odier Gabriel, banquier à Paris, beau frère de M. de la Rue, 56, 58, 426.

Odier Lombard, banquier à Genève, 68, 75, 88, 89, 90, 91.179, 300, 304, 341.

Odier (Madame), 427.

Oneto François, de Gènes, député de Recco en 1848, 511, 530, 532, 533, 560.

Opinione. journal, 364, 366.

ORIENT, 457, 458, 463, 467.

Oraini Tite, avocat. 4ôl, 462.

Otter, navire, 188, 200.

Ondart et Bruelié, français établis à Gènes, 164.

Oytana J. B., commandeur, 549, 550-555.

OXFORD, 438.

p

P., Marquis, 70.

P., 96, 452

P., 234.

P.... (Mr et madame), 77.

P.... F... et C. Voir Maisons.

P. 472.

Paléocapa Pierre, ingénieur, né à Bergame en 1789, 252, 416, 470, 492, 518, 523, 524.

PALAIS DE CRISTAL, (Les entrepreneurs du), 426.

PALERMO, 178.

Pallavicini François, marquis, de Gênes, 181, 182, 336 , 504.

Pallavicini  Gigi, marquis, 505.

Pallavicini  Ludovic, 526, 529.

PALLANZA, 499.

Palluel Ferdinand, député du collège d'Albertville en Savoie, 366.

Palmer, industriel anglais, 446-537.

Palmerston (Lord), 22, 5 9.

Pamparalo (De), marquis, intendant de la liste civile du Roi, 69, 75, 95, 122, 129, 134, 142.

Papa, 377.

Pape Pie IX, 167 — Hier, on nous a annoncé qu'il s'est sauvé de Rome, 29

novembre 1848, 24(5 — Restauration, 304.

Paracca, 96.

Parent, avocat, de Chambéry, 553.

Pareto Laurent, marquis, né à Gènes en 1800, mort en 1865, 205 — député

de Gênes au Parlement Subalpin, 207 — Nomination au ministère, 193, 251

— Au ministère des Affaires étrangères, 194, 327, 330, 337.

PARIS, VI, 115, 116, 127, 136, 137, 139, 154, 176, 178, 185, 186, 188 — La révolution du 24 février 1848, 190 — 198 — Le 25. il parait qu'on se battait

encore, 28 juin 1848,205 — Les nouvelles de Paris sont belliqueuses. 222 —

229, 232, 256,293, 299, 330, 344-316, 348, 350, 351, 353, 355, 356, 390, 394, 405, 416, 422, 427, 430, 436, 441, 442, 450, 451, 455-456, 467, 473, 484, 487, 494, 496, 499, 502, 503, 505, 509, 511, 513, 522, 546.

PARC (manufacture de tabac du), 476.

PARME, 66.

PARMESAN-MODENAIS, 550.

Parodi, 33, 344.

Parodi Jacques, 527.

Pascal, ingénieur maritime, français, 523, 5r0.

Pasqua, préfet du palais, 467.

PAVIE, 56, 63 — Les environs de Pavie ont été abîmés, 83.

Pauli, ancien consul de Hanovre, à Gènes, 462.

PAUL (St.), 319.

PUBLITËS (La défaite des), 439.

Pelletta (di Cortanzone) Émile, chevalier, 401, 402, 404, 406, 482.

Pellegrini Didace, avocat, un des principaux chefs du mouvement de Gènes, 253, 254, 288. Pensiero Italiano, journal d'opposition publié à Gênes. 231.

PEROU, 101, 120, 131, 140, 147, 441.

Pérousa (Moulin de la), 76, 145.

Perego Pierre, agitateur lombard, 316.

Perret, 504, 505.

Perreire, 503.

Perrone de San Martiao Hector, baron. Voir San Martino.

Persano (Pellion de) Charles, amirail, 401, 414,416—Commandant l'escadre

sarde à Naples, 556, 557.

Pescatore, 303.

Pescatore Mathieu, professeur de procédure civile, 327.

Pescetto, major, de Savone, neveu de Colla, 554.

PESCHIERB, 339 — (Institut des), 445.

PETERSBOURG (ST-), 278.

Petitti, 134, 135.

Petitti (Baglioni) Augustin, de Roreto, chef d'État major de Lamarmora, 291.

Piccino et Balduino, 153-161.

Pichiura, négociant, 81,83,105,127,385.

Plekening, entrepreneur anglais, 453.

PIEMONT, IV, VI, VIII, 42, 64, 100, 107, 109, 125, 146, 225, 251, 269, 299, 318, 344, 411, 426, 461, 477, 550.

Piémontais, 204, 210.

Piémont-Royal, régiment de grosse cavalerie piémontaise, 174.

PIGNEROL, le comte Cavour il a assisté

au congrès agricole, 62 — Est un oulde-sac, très riche, très peuplé, 65 —

67, 69, 97, 98.

Pillet Will. 311.

Pinelli Pierre Denis, né à Turin en 1804, mort en 1852,216 — M'a communiqué, hier au soir, les graves événements, qui ont affligé votre ville, 241 — A au cœur, de l'énergie, une activité admirable, 249, 252,254, 257, 263, 300. 341, 342, 358 — Ministre de l'intérieur en 1848, 366 — 403.

PLAISANCE, 249.

Planargia (Pagliaccio de )a), général, 180.

PLOMBIERES, VI.

Pô, 111, 393, 503.

Podenas (Marquise de), dame d'honneur de la Duchesse de Berri, 540, 543.

POIRINO, 60, 106, 108.

Pollone (Nomis di), Antoine, mort en 1866, 135.

POLOGNE, 388, 389.

Ponzio Vaglia, 333.

PORTUGAL, 20.

Pralorme (Beraudo de), François, comte, 12 — Ministre de l'intérieur, 26, 330.

Prandi, 69. 388.

Praaslin (M.lle de), 69.

PRESSING, 79.

Prince de la Cisterne, 168.

Prince de Savoia Carignano Eugène, 325, 401.

Prince Jerême Napoléon (Bonaparte), 544.

Prince de Lucedio. Voir Ferrari.

Prost, ingénieur anglais, 515, 519, 523, 525.

PRUSSE, 19. 466.

Pucci, 176.

Puccio, 147.

R

R., 341, 507, 555.

B. comte, 70.

R. 370.

R. et S. Voir Maisons, B... C... et C. Voir Maisons, B... (Les), 149.

R., 197, 201.

RACONIS, 59, 76, 437.

Radetzky et le Roi, le 9 août 1848, avait été conclu 1° armistice entre les

deux armées. 210-212, 223, 284, 287.

Radice E., officier dans l'armée sarde, 232.

Raggi Édile, habile commerçant de Gènes, 554.

Rantafe (Plaques tournantes de), 211, 214.

Ramorino, général, fut condamné à mort non pour crime de trahison, mais pour avoir désobéi au général Chrzanowski, 301.

Ranco Louis, né à Asti en 1815, ingénieur de grand mérite, 517.

Randell, célèbre ingénieur anglais, 447, 448, 459, 460, 462, 467, 470, 474, 508, 510, 515.

Raspall, 256.

Rattazzi Urbain, né à Alexandrie en 1810, avocat des plus distingués du

barreau de Turin, 251, 263, 322, 368.

Ravina Amédée, auteur des Cantici italici, 339.

Bayai le et Bellom. Voir Maisons.

Beblazo Blanche (madame), né le 21 octobre 1800 à Milan, morte le 27 octobre 1869 à Gènes, 474, 545.

REGIS (Tabac de), 518.

REGENCE DIS GONKS (Conseil de la), 410.

Regis Jean (de Savigliano), comte, député de Dogliani, 113, 315.

REINE, 405.

REINE d'Angleterre, 409. REINB (Brigade de la), 235.

Reizet, secrétaire de légation de France à Turin, 212.

Renaldi, secrétaire du comte Cavour, 15, 147, 151, 158, 357.

Revilliod, cousin du comte de Cavour, 74.

Reta Constantin, ancien directeur du journal Il Mondo Illustro, 322.

Revel (Thaon de), Octave, né à Turin le 2i juin 1803. mort le 10 février 1868, 61, 95, 103, 106. 119, 121, 138, 142, 144, 194, 211, 232, 244, 246, 333, 387, 415, 416, 422, 423, 427, 434, 435, 489.

RHIN, 436.

RHONE, 146.

Ricci, banquier à Turin, 33-37, 40, 41, 44, 49, 50, 52-57, 68, 94, 118, 138, 139,

177, 194, 232, 251-253,258, 259, 26/-272

277, 280, 281, 336, 474 — 518-521, 524.

Ricci, capitaine de frégate, 491.

Ricci Jean, marquis, contre-amiral en retraite, 5o0.

Ricci Vincent, marquis, de Gènes, ami intime de Pareto, 207, 246.

Ridway, libraire, 203, 279, 316.

Rignon, comte, 180.

Rignon l'Alix, banquier et filateur de soie A Turin, 76, 117, Il9, 131, 134, 139,  142, 295. 297, 298, 506, 507,

Risorgimento, journal, 171, 180, 181, 183, 184, 189, 213, 223, 299, 318, 321, 340, 364. 366, 368, 374, 394.

Rive (De la), cousin du comte Cavour. Voir De la Rive.

RIVIERES de Gènes, 362.

Robertson, industriel anglais, 542.

Robilant, 279.

Rochette, officier de marine, 485.

Roi Charles Albert, VI — Mort à Oporto le 23 juillet 1819, 325 — 524, 28, 59, 63, 64, 69, 138, 158, 162, 166, 167, 168, 170, 179, 180. 187, 189, 210, 214, 217, 219, 231, 233-235, 249, 256, 265, 275 , 279, 283, 284, 295, 302, 303, 305, 321, 326, 337, 383, 401, 403, 405.

Roi Victor Emanuel, n'était plus revenu à Gènes depuis la révolution d'avril 1849, 425 — 438, 456, 460, 485, 492, 497, 503, 504, 515, 527, 555.

ROMAGNE, 185, 458.

ROME, 185, 217, 246, 165, 304, 307, 311, 315, 317.

Romagnan, gendre du comte Guasco, capitaine de cavalerie, ami intime de

Mr De la Rue, 144.

Romiliy, La famille Romilly, d'origine française, avait émigré à Genève,

puis en Angleterre, 350.

Rorà (Lucerna de), marquis, 7, 8, 13, 66, 67, 97. 165, 166, 479.

Rosazza, 309.

Rossi et Schiaparelli, 112, 113, 125, 134, 142, 154, 181, 247, 251, 259, 312, 375, 427.

Rothschild, banquier à Paris, 299, 308, 326, 340, 341-348, 360, 363, 367, 395, 397-399, 400, 408, 425, 428, 430, 431, 434, 449, 450-452. 455, 464, 467, 471- 473, 487, 489, 493, 495, 503, 505, 513,

535.

Rougemont, 165.

ROYAL-BANK, de Liverpool, 16S.

Rua, 517.

Rubattino Raphaël (1809-1881), 377, 378, 542.

Rue. Voir De la Rue.

Russel John, lord, 22, 439.

RUSSIE, 113, 300.

S

S, 314 - 531.

S, 86, 112, 127, 140.

S, 149, 159, 165, 240. .

S., 298.

SAINT-GEMS, 492.

SAINT-MARTIN D'ALBA.RO, 539.

Salmour, 116-118, 139, 140, 182, 281, 373, 513.

SALUCES, 48, 88, 103, 104.

SAN GIACOMO en Lombardie, 176.

San Martino (Perrone di) Hector, barone, 234, 242, 263.

San Martino (Ponza de) Gustave, comte, né à Cuneo le 4 janvier 1810. Le roi Victor Emmanuel avait en lui une confiance absolue et le tenait en

haute estime, 211.

SAN PIER D'ARBNA, 142, 329, 446. 447, 517, 542.

Santa Rosa (Derossi) Pierre, comte, né à Turin en 1805, mort en 1850, ami intime de Cavour, 125, 134, 171, 212, 216, 351, 353, 390, 391, 512, 538.

Santa Rosa (Derossi) Théodore, comte,  directeur général du trésor, 502.

SANTBNA, 59, 60, 105, 158, 163, 211, 223, 232, 385, 429.

SANTURY (étang de), desséché, 504.

SARDAIGNB, 16. 27, 36, 38, 39, 41, 43,111, 378, 402, 409, 452, 455, 473, 480, 500, 502, 503-505, 507.

SARDE (Emprunt), de 1825, 29, 30.

Sarti, 474.

SAVIGLIANO, 223, 397.

SAVIGLIANO (Banque de), 104.

SAVIGLIANO (Chemin de fer de), 67, 68, 72. 74, 80, 94, 103, 109, 122, 124, 128, 129, 132, 134, 140, 143, 144, 233, 372, 375, 380, 385, 386, ?88, 389, 393, 397, 398, 400, 405, 414, 431, 437, 453, 456, 457!

SAVOYARDS, 315, 492.

SAVOIE, VI, 79, 100, 105, 113, 158, 199, 200, 258, 277, 279, 320— Le Roi avait fait un voyage en Savoie où la population l'avait accueillit avec enthousiasme, 383 — 451, 453, 485, 489, 503.

Scaravaglio, 287 — 289, 303, 309, 325.

Scatti, 279.

Schaboë, Guano de Schaboë venu de Liverpool, 90, 130.

Schiaparelli, apothicaire , homme d'une grande intelligence, 112, 113, 267, 310.

Scialoia Antoine, avocat, 136.

Sclopis (de Salerano) Paul Frédéric, comte, né à Turin en 1798, mort en

1878, 135 — Au ministère de Justice, 194.

Sconio, 361.

Scott, industriel anglais, établi à Turin, 524.

SEBASTOPOL, nous tient le bec dans l'eau, 479.

Sella, 54.

Sella Jean Baptiste, grand industriel à Biella, 408, 409, 416.

Sellon (De), comtesse, tante du comte de Cavour, IV, 263.

Serra Cassano François, marquis, capitaine de vaisseau, premier officier

de la marine, 8. 402, 404.

Serra Orso, 8, 467.

SESTRIETE (Le Col de), 66.

SBSTO, 603.

Siccardi Joseph, comte, 364, 409.

Simon, courier, 106.

Sima, 408.

Sineo, Richard, iuris-consulte distingué, 251, 266, 413.

Sismonda, chevalier, savant géologues membre de l'Académie des sciences à

Turin, 209.

Soldati, 50, 366.

Sommeiller Germain, célèbre ingénieur, 391, 517.

Sonnaz (de), Hector Gerbaix, général, ministre de la guerre, 251, 258.

Sonnaz Anne (madame), née de Vais, amie intime de madame De la Rûe, 331, 332.

SPEZIA, 425, 474, 515.

Spinola, 416.

Stallo, 274.

STATUT, 474.

STRASBOURG, 66.

SUISSE, 66, 100, 105, 131, 158.

SUSE, 98, 114, 453, 457, 481, 525.

SYRIE, 556.

T

T, 197, 200. 208.

T..., 91,150, 157, 184, 197, 199, 202, 205,

209, 392.

T... and F..., 126, 130, 214, 215.

T... et C., 215.

T.... P..., 122.

TANARO (Vallée du), 48.

Taylor, 365, 406, 446, 447.

Tecchio Sebastien, avocat, de Vicence, illustre jurisconsulte et ardent patriote.

461, 462.

Terrible, pyro-batterie cuirassée, 559.

Thiers, 407 — Exilé de la France après le coup d’État du 2 décembre, était venu passer quelques jours à Turin, 436.

Thompson, 296, 297, 324, 334,361, 369, 426.

Thompson et Fotreman, 152, 155.

Thurneister, 185.

TICINOIS, 104, 173.

Todros, 54, 56.

Tomati Christophe, professeur d'anatomie, 554, 560.

Tonnerre (madame d6). Voir Clermont,

TORRONE, propriété de comte Cavour, 7.

TOSCANS, 266.

Tosco Martin, 147, 350, 354, 398, 403, 448, 476, 507, 546. TOULON, 558.

TRIESTE, 126, 555.

Trinità (Costa Carrù de la), 7.

Trombetta, propriétaire du grand Hôtel de l'Europe à Turin, 135.









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